La Fondation Terra Nova a publié lundi une note qui propose plusieurs pistes pour financer à moindre coût les énergies renouvelables, et parvenir ainsi à baisser de 30% le prix de l’électricité verte.
« Le développement des énergies renouvelables est essentiel dans la transition énergétique, pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles. C’est un chantier où les coûts d’investissement et de financement sont particulièrement lourds, à l’inverse des énergies fossiles, où le coût du combustible domine.
La transition énergétique doit nous mener d’un monde qui consomme toujours plus d’énergie majoritairement carbonée (charbon, pétrole, gaz) à un monde moins énergivore s’appuyant sur des énergies décarbonées. Elle doit également permettre de rendre notre mix énergétique moins dépendant des évolutions du cours des énergies fossiles.
Or, nos émissions de gaz à effet de serre et notre consommation d’énergie sont souvent contraintes. Pour les réduire, il faudra rénover les logements, produire des véhicules plus sobres et développer les énergies renouvelables. Ce chantier est considérable et il nécessitera des investissements massifs. Mais ceux-ci sont une chance car ils contribueront à la sortie de crise en créant de nombreux emplois et en réduisant notre déficit commercial, constitué à 90 % d’importations d’énergie. Financer la transition énergétique est essentiel et il convient de le faire à moindre coût. Comment y parvenir ?
Prenons l’exemple de la production d’électricité. Les énergies renouvelables sont des énergies capitalistiques pour lesquelles les coûts d’investissement sont très importants. En effet, si pour les énergies fossiles, le coût du combustible représente 80 % du coût du MWh, pour les énergies renouvelables, c’est l’inverse. Ce sont les coûts d’investissement et de financement qui pèsent jusqu’à 80 % du coût total. Réussir la transition énergétique suppose une réelle capacité à mobiliser des montants massifs de capitaux[1] et ce même si les coûts d’investissement ont fortement baissé ces dernières années[2]. Le coût du financement[3], quant à lui, reste élevé et est souvent de l’ordre de 9 à 12 %, voire plus, malgré des tarifs d’achat garantissant, sur une longue période, la stabilité des rentrées financières des projets d’énergies renouvelables. Il est donc nécessaire de faire baisser le coût du financement car si celui-ci passe de 10 % à 5 %, alors le coût de l’électricité verte peut baisser de 30 % ! Cela rendrait l’atteinte des objectifs de la France en matière d’énergies vertes supportable pour les consommateurs. Une diminution du prix du MWh solaire de 200 à 140 euros permettrait, pour une puissance installée de 1,5 GW, de réduire la CSPE de 2,2 milliards d’euros sur 20 ans.
Dès lors, pour financer la transition énergétique et faire baisser le coût du financement, et donc in fine limiter la hausse de la CSPE pour le consommateur, trois mesures nous semblent déterminantes :
– Premièrement, l’instauration d’un cadre réglementaire stable dont les évolutions puissent être prévisibles. Cela faciliterait d’une part le financement des projets d’énergies renouvelables et impacterait d’autre part à la baisse le coût du financement en réduisant la prime de risque.
Cette mesure a été annoncée par le président de la République : « la stabilité des aides et des dispositifs fiscaux et du système du prix de rachat pour que les entreprises, les opérateurs sachent bien quelles sont les conditions économiques, durables, pour investir et se lancer dans le renouvelable. »[4]
– En second lieu, la création d’un fonds ou d’une banque spécialisée qui se financerait à taux très bas et qui permettrait d’offrir un financement à moindre coût soit en capital, soit en dette. Il est utile de savoir que la KfW offre des taux pouvant descendre jusqu’à 1 % pour le financement de la transition énergétique en Allemagne. Le fonds pourrait se refinancer auprès de la BEI, ou d’une banque publique française comme la CDC.
Le président de la République a indiqué à ce sujet « qu’une part des fonds de la Banque publique d’investissement sera dédiée au soutien public à l’innovation et les investissements d’avenir issus du grand emprunt pleinement utilisés »[5]. Il est souhaitable d’ancrer un dispositif spécialisé à partir de cette annonce. Ici, il pourrait être intéressant de conditionner l’obtention de ces financements à moindre coût à des projets aux bilans carbones exemplaires ou ayant recours à du matériel fabriqué au sein de l’Union européenne.
– Enfin, la création d’un fonds de garantie fluidifierait le financement bancaire et réduirait le coût du risque pour les banques commerciales.
Il est possible grâce aux mesures proposées dans cette note d’envisager la création de dizaines de milliers d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables (de l’ordre de 3 à 9 emplois par MW installé) pour lequel les investissements mondiaux se montent en 2011 à plus de 250 milliards de dollars (en croissance de 6,5 %, alors que la croissance mondiale était de 4 % environ).
Le raisonnement et les mesures qui ont été précisées dans la note dans le cas du solaire et de l’éolien peuvent être appliquées pour toutes les énergies renouvelables et pour la rénovation thermique des logements, où les enjeux en termes d’emplois et d’impact sur la balance commerciale sont cruciaux. »
>>>> Lire la note dans son intégralité (.PDF) : ICI
Notes :
[1] La dernière PPI (Programmation Pluriannuelle des Investissements) a été votée en 2009 par le Parlement. Ces programmations doivent permettre de vérifier la mise en ligne des objectifs de politique énergétique et la sécurité d’approvisionnement à l’échelle nationale.
[2] Solaire (en puissance installée) : 1,1 GW en 2012 / 5,4 GW en 2020 ; biomasse hors biogaz (en puissance supplémentaire) : 0,52 GW en 2012 / 2,3 GW en 2020 ; éolien terrestre (en puissance installée) : 10,5 GW en 2012 / 19 GW en 2020 ; éolien en mer et énergies marines (en puissance installée) : 1,0 GW en 2012 / 6,0 GW en 2020 ; hydraulique (en puissance supplémentaire) : 3 GW en 2020.
[3] D’après le Syndicat des énergies renouvelables : ici
[4] Cela traduit les difficultés d’une filière presque à l’arrêt qui fait face d’une part à un empilement législatif dont la principale conséquence est l’allongement de la durée de développement, et d’autre part à un nombre élevé de recours contre la construction de nouvelles fermes éoliennes.
[5] Les nouvelles capacités raccordées dans l’éolien au cours du premier semestre 2012 sont en repli de 58 % par rapport à la même période en 2011 : ici
Oui, oui messieurs les experts en chose… Comment ne pas être d’accord avec vous. Je rajouterais que je suis également contre le chômage et la pauvreté et pour le bonheur pour tous!!! Tout cela les pro du secteur le savent déjà messieur, alors en proches de la gauche caviar qui une fois de plus nous déçoit, faites en sorte de passer par dessus le lobby EDF/AREVA/TOTAL/GDF-SUEZ pour convaincre les bons à rien et couilles molles qui nous gouvernent si mal!!! Je précise qu’ayant aussi subit les conséquences et dérrapages du « Grenelle sarkoziste », mes critiques vont tout autant à la droite. Et dire que toutes ces pauvres merdes n’auront sans doute pas les moindres scrupules à se représenter au suffrage dans quelques années malgré le spectacles des derniers jours… Un professionnel des ENR desespéré
et ils ont « oublié » la mesure la plus importante qui est de légaliser le crowdfunding et l’investissement coopératif comme en Allemagne…
La note de Terra Nova a au moins le mérite de reconnaître que les ENRi ont un coût exhorbitant ! Et encore, le i de l’intermittence n’est pas pris en compte.
Vous n’avez pas du lire le même rapport, et ce rapport pourrait d’ailleurs servir à votre cher nucléaire, qui ne dispose plus des conditions subventionnées de financement de l’époque de sa construction et qui a le même problème que les ENR sur la mobilisation initiale très intensive en capital.
Terra Nova commence par une analyse qui tombe sous le sens : « La transition énergétique doit nous mener d’un monde qui consomme toujours plus d’énergie majoritairement carbonée (charbon, pétrole, gaz) à un monde moins énergivore s’appuyant sur des énergies décarbonées. Elle doit également permettre de rendre notre mix énergétique moins dépendant des évolutions du cours des énergies fossiles. » L’enjeu est clairement posé : sortir progressivement des énergies carbonées fossiles et desserrer l’étau de la facture énergétique. Et là patatras : « Prenons l’exemple de la production d’électricité. » Ben non justement, en France c’est le très mauvais exemple car il n’y a quasiment plus rien à décarboner dans l’électricité (27 millions de tonnes en forte régression) qui n’est que très minoritairement minoritairement produite par des combustibles fossiles. En revanche Terra Nova pourait appliquer son raisonnement à l’Allemagne (qui en plus du lignite autochtone, importe des millions de tonnes de charbon pour produire de l’électricité). Elle pourrait aussi appliquer ce raisonnement à l’Italie qui s’est jeté dans le gaz après une sortie réussie du nucléaire. En France, si on veut rendre notre mix énergétique moins dépendant des FOSSILES et moins carboné, il faut d’abord s’attaquer aux transports et au chauffage et pas à l’électricité. D’ailleurs, l’électricité pourra croître en bénéficiant de transfert d’usages (par exemple avec la voiture électrique). Cela laisse une place aux renouvelables électrogènes qui auront de toute façon du mal à « manger » tout le fossile électrogène qui reste surtout si on commence à faire décrôître le nucléaire.
Sauf que vos chères centrales vont arriver en fin de vis pour 80% d’entre elles dans les 15/20ans. Du coup par quoi on remplace? Là il faudra des ENR, et sans doute de nouvelles centrales et par conséquent il faudra faire en sorte de les financer le plus justement possible. Vous qui êtes un adepte de la démonstration du MWh EPR en fonction du taux d’actualisation, vous devriez lire cette étude avec attention…
Reste que la priorité pour la France est bien de diminuer rapidement son addiction aux FOSSILES qui lui coûte très cher et non de fermer prioritairement des centrales nucléaires qui lui procure un avantage compétitif non négligeable. La facture pétrolière devient difficilement supportable et participe trop au creusement de la dette. Tout ceci ne doit pas nous empêcher de développer les EnR et du nucléaire de nouvelle génération.
Vous radotez mon cher, avec votre obsession… 🙂 « Tout ceci ne doit pas nous empêcher de développer les EnR » c’est bien l’objet de la note en question, et qui propose un moyen d’en réduire le cout pour le consommateur. Et ça peut même s’appliquer à votre nucléaire.
Nous sommes bien d’accord que la vision court termiste qui prévaut dans le monde d’aujourd’hui pose des difficultés majeures pour le financement des projets à coût de construction très élevé et à long retour d’investissement. c’est évidemment le cas pour le nucléaire mais aussi pour l’hydraulique. Ce qui est nouveau c’est que l’on affiche les difficultés de financement des EnR après avoir longtemps assuré que ce n’était pas cher. Terra Nova se préoccupe même de la soutenabilité de la CSPE, ou comment rendre la CSPE durable en la rendant moins douloureuse (car évidemment les Français ne peuvent plus ignorer le poids grandissant des subventions aux EnR et notamment les 1,5 milliards du photovoltaïque). Comme on l’a vu avec le nucléaire, le coût moyen du kWh à long terme dépend essentiellement du coût de l’argent qui a permis l’investissement de départ et de la durée d’amortissement retenue. On préfère faire du gaz même si le coût du combustible peut faire exploser les coûts d’exploitation : Le commentaire qui va avec le graphique : « Coût de production – en euros – d’un MWh électrique au gaz, en fonction du prix du MWh de gaz en euros (de 5 à 110 euros). A 70 euros par MWh le gaz est au même prix – par MWh – que le pétrole à 110 dollars par baril (au taux de change de 2012). Les autres hypothèses sont un taux de charge de 80%, 800 euros par kW installé, 30 ans de durée de vie, des charges d’exploitation annuelles hors combustible de 3% de la valeur à neuf de la centrale, un taux d’actualisation de 4%, et enfin un rendement de 55%. »
Je souhaite quand même signaler au lecteur d’Enerzine que l’un des rédacteurs du rapport de Terra Nova n’est autre qu’Alain Grandjean qui est polytechnicien (heureusement il a pas fait les Mines) et de surcroît travaille avec Jean Marc Jancovici. C’est lourd à porter comme pédigree à en croire certains commentateurs qui abhorrent les élites. Remarquez, je viens de citer un graphique de Jean Marc Jancovici !