Alors que la Commission européenne avance dans son processus d’élaboration d’un « Cadre 2030 pour les politiques climatiques et énergétiques », le débat entre les Etats membres de l’Union européenne fait émerger des options contrastées, en matière de pilotage de la politique européenne de l’énergie et de l’éventuel maintien d’un objectif contraignant de production d’énergie d’origine renouvelable.
Pour éclairer les enjeux en oeuvre, l’étude Kurt Salmon en partenariat avec HEC Paris s’est attaché à décrire les stratégies de transition énergétique de trois pays européens : l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni.
Des centaines de milliards d’euros restent à trouver pour financer la transition énergétique au cours de la prochaine décennie, avec des effets de concurrence entre pays dans la course à la compétitivité, sans mesure des implications pour l’emploi. Pour HEC Paris et son centre de géopolitique, ce sont à la fois l’enjeu économique de compétitivité du continent européen et l’enjeu géopolitique d’indépendance énergétique qui sont désormais posés.
L’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni présentent des stratégies de transition énergétique distinctes avec des résultats contrastés :
► L’Energiewende constitue bel et bien un tournant historique pour l’Allemagne et présente d’ores et déjà des transformations substantielles de son offre en énergie, à travers la montée en puissance des énergies renouvelables ;
► La doctrine de soutenabilité énergétique espagnole est en échec économique et aucune relance du projet de transition énergétique ne semble envisageable sans une véritable réforme structurelle du secteur électrique ;
► La stratégie de décarbonisation de l’économie du Royaume-Uni est une réflexion au long cours, qui se traduit, à court terme, par la relance du programme nucléaire.
Les implications économiques des programmes de transition énergétiques engagés sont également distinctes :
► Les besoins en investissements de l’Allemagne et du Royaume-Uni s’élèvent à 530 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 400 milliards d’euros pour le seul projet allemand ;
► L’Espagne fait désormais face à une dette cumulée de 26 milliards d’euros de son secteur électrique.
Deux approches du financement de la transition énergétique ressortent de l’étude :
► Le Royaume-Uni fait porter l’essentiel du risque aux investisseurs privés pour le financement de ses infrastructures et limite sa prise de risque public pour les politiques de décarbonisation à 11 milliards d’euros à l’horizon 2022 ;
► En Allemagne, tous les leviers de financement semblent mobilisables face à l’ampleur de besoins, à commencer par la hausse du prix de gros de l’électricité à l’horizon 2020 (+44% par rapport 2013) et de la tonne CO2 (+467%) et le projet politique de couplage de l’Energiewende aux marchés financiers.
Ce sont bien deux stratégies économiques différenciées qui sont en œuvre en Allemagne et au Royaume-Uni :
► Les investissements programmés dans le secteur électrique au Royaume-Uni sont essentiellement des investissements de productivité destinés à consolider la compétitivité prix du pays ;
► L’Allemagne s’est lancée dans une recherche globale de compétitivité structurelle qui correspond en réalité à la recherche d’un nouveau modèle de croissance.
Il n’existe toutefois pas d’étude de référence au sujet de l’impact de la transition énergétique sur l’emploi : la mesure précise des mouvements en termes de transferts / création / destructions d’emploi entre les secteurs conventionnels et les secteurs d’innovation devrait à l’évidence constituer un des critères de décision de la puissance publique.
« Plus qu’une lecture technico-économique des trajectoires de transition énergétique de trois pays, cette étude pose la question de la coordination au niveau de l’Union européenne. Il s’agit non seulement d’un enjeu de compétitivité pour le continent, au moment où les Etats-Unis connaissent eux-mêmes un boom énergétique significatif, mais également, à terme, d’un enjeu géopolitique d’indépendance énergétique. » – Jérémy Ghez, Professeur affilié d’Economie et d’Affaires internationales à HEC Paris et Directeur académique du Centre HEC Paris de Géopolitique.
« Outre le fait de ne pas confondre les objectifs poursuivis à travers le processus de transition énergétique, l’Union européenne et ses Etats membres vont plus que jamais devoir s’aligner sur leurs anticipations des prix de l’énergie, qu’il s’agisse des prix des énergies fossiles ou des prix de l’électricité. Les politiques de maîtrise de la demande en énergie et de développement des énergies renouvelables ont pour préalable la clarification des règles de fonctionnement des marchés de l’énergie » – Céline Alléaume, Senior Manager au sein du secteur Energy & Utilities du cabinet Kurt Salmon.
Synthèse de l’étude par pays
Allemagne :
► Le tournant énergétique (Energiewende), désigné comme « une tâche herculéenne » par la Chancelière Angela Merkel, correspond à un objectif de réduction de 50% de la consommation en énergie primaire et à l’accroissement de la part des énergies renouvelables jusqu’à 60% dans la consommation finale à l’horizon 2050 ;
► D’ici à 2030, 400 milliards d’Euros sont nécessaires pour financer l’Energiewende, ce qui correspond à un tiers de l’effort engagé pour la réunification de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Allemagne de l’Est (1300 milliards d’euros), et en fait un véritable projet de société ;
► En formulant l’hypothèse d’une contribution constante du consommateur particulier d’électricité, restent +300 milliards euros à trouver à l’horizon 2030, ce qui appelle à la mise en œuvre d’une stratégie de financement globale, mobilisant tous les leviers à disposition de la société allemande ;
► L’augmentation du prix de gros de l’électricité (+44%) et de la tonne CO2 (+467%) à l’horizon 2020 par rapport à 2013 est d’ores et déjà assumée dans les hypothèses économiques de référence ;
► Le projet politique en négociation repose sur le couplage de l’Energiewende aux marchés financiers, dont la recapitalisation du secteur bancaire allemand, un programme d’attractivité des investisseurs privés, y compris internationaux. Les besoins de financement sont tels qu’ils forcent en outre à interroger la tenabilité du frein à l’endettement public introduit dans la Constitution allemande à partir de 2016. Une relance fiscale est-elle envisageable ? Si oui à quelle échéance ?
► C’est l’ensemble de ces éléments qu’il conviendra d’apprécier dans le cadre de l’accord en discussion entre CDU et SPD pour former le futur gouvernement allemand attendu fin 2013.
Espagne :
► La trajectoire de transition énergétique amorcée au milieu des années 2000, et formalisée à travers la doctrine de la Sostenibilidad Energética en 2007, est à l’arrêt ;
► Fondé sur la réduction de la dépendance aux importations en énergies fossiles et le développement d’un leadership mondial dans les énergies renouvelables, le projet de transition énergétique espagnol échoue sur les dysfonctionnements du secteur électrique qui ont conduit à un déficit tarifaire record ;
► Le déficit tarifaire du système électrique espagnol résultant du fort niveau de soutien aux énergies renouvelables (augmentation de 497% en 8 ans) et de son financement initial par le consommateur particulier, aboutit à une dette cumulée entre 2005 et 2013 de plus de 26 milliards d’euros ;
► Le caractère tardif et limité de la réponse des pouvoirs publics à travers la Reforma del sistemo electrico de 2013 a finalement conduit à une explosion de la facture pour les ménages : +63% en 8 ans ;
► Selon toute vraisemblance, il ne devrait pas y avoir de relance de la transition énergétique en Espagne sans véritable réforme structurelle du secteur électrique et assainissement des finances publiques.
Royaume-Uni :
► Positionné en leader mondial sur le changement climatique avec des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (-80% à l’horizon 2050 par rapport à l’année 1990), le Royaume-Uni s’efforce de repenser la décarbonisation de l’économie à long terme, en s’appuyant sur des mécanismes de marché et la recherche d’un prix plancher du carbone ;
► Les principaux investissements programmés visent avant tout à combler le déficit d’investissement dans le secteur électrique, estimé à +130 milliards d’Euros d’ici à 2020-2030, principalement à travers la sortie du charbon, le développement de cycles combinés à gaz et la relance du nucléaire dans la prochaine décennie, avec une option désormais ouverte pour un recours aux gaz de schiste ;
► Malgré l’existence d’une ingénierie en matière de politiques publiques parmi les plus sophistiquées au monde, les différents dispositifs en soutien à la politique de maîtrise de la demande en énergie sont contraints en termes de financement. Le Green Deal ne dispose pas à ce jour des incitations financières nécessaires à sa mise en œuvre, hormis sur le chapitre précarité énergétique. Nombre d’experts contestent même la soutenabilité des objectifs de réduction carbone définis dans les plans budgétaires 2018 – 2022 et 2023-2027.
Ce rapport souleve des faits averes mais passe sur un point capital : dans tous les pays l’auto-consommation se developpe, mu par deux facteurs : la baisse de prix d’installation des systemes et le prix de l’electricite. Particuliers comme entreprises s’y mettent et la vente directe est en train de se developper a grande echelle, surtout en Allemagne. Un tel paradigme de marche ne demande aucun soutien ni publique ni prive.
Un détail, et non des moindres, me semble primordial à prendre en compte : le dynamisme démographique. La population allemande regresse et veillit rapidement. Taux de natalité de 8.3/1000. La démographie au royaume uni, est sur une tout autre dynamique avec un taux de natalité de 12.3/1000. Soit dit en passant, le taux de mortalité est aussi plus élevée en Allemagne. Si bien que les projections prévoient un croisement des courbes démographique pour ces deux pays en 2050 (lien). Certains scenarii sont encore plus pessimiste pour l’Allemagne. En résumé, pour baisser sa consommation globale, l’Allemagne n’aura même pas d’effort à faire sur les économies d’énergie. Il lui suffira de maintenir le niveau de consommation actuelle par habitant.
Oui, toutes les simulations sous estiment l’autoproduction. En France, à ce jour : de moyen à aucun intérêt selon votre habitat et votre zone géographique autoproduire son eau chaude (sanitaire, lave linge, lave vaisselle) : oui dans le sud de la France. Autoproduire son électricité : non, nul part en France aux coûts actuels des panneaux, des équipements accessoires, du prix + maintenance des batteries , du coût de la pose. Il va falloir patienter avant de voir le développement massif du solaire thermique et du PV en France : c cher, de nombreux textes bloquent les installations. Nous ne sommes pas en Allemagne avec une législation bein plus adaptée à la transition énergétique qu’en France
Comme le montre ces chiffres de 2006, le seul chauffage résidentiel (sans l’eau chaude sanitaire) représente déjà 15% de l’énergie finale en europe (l’énergie finale était de 1300 millions de TEP en 2007). Avec l’isolation, l’Europe peut, ceci jusqu’à la fin des temps, en finir avec le chauffage au fioul, le chauffage au gaz, le chauffage au charbon, le chauffage électrique et avec le chauffage biomasse. Cette biomasse économisée sera alors disponible pour remplacer du charbon dans des centrales et du gaz naturel dans l’industrie.
et il est sans surprise (déjà largement évoqué sur Enerzine). Néanmoins, si on veut relativiser, le déficit accumulé ( 27Md€) c’est quasiment ce que payent en EEG les allemands chaque année. Si on veut en tirer quelques rêgles de conduite, ça prouve: – qu’il ne faut pas aller plus vite que la musique dans le déploiement des renouvelables ( si mes souvenirs sont bons, 3500MW de PV installés sur l’année 2008, une vraie folie compte-tenu des prix de l’époque). – qu’il faut faire payer sans attendre les consommateurs sans accumuler de déficit ( ce que font très bien les allemands) pour pouvoir piloter le système et le rendre peut-être plus plus lent mais au moins soutenable dans la durée. Ce que ça coute aux consommateurs et leur capacité à l’accepter est un autre problème.
Un autre point de vue: le nord de l’Europe (Allemands, Anglais) évolue lentment mais sûrement; le sud (l’Espagne) fonce à toute vitesse et puis se plante. La France, c’est comme l’Espagne, en pire: on avance très vite, puis on recule. C’est ce qui s’est passé pour le photovoltaïque. A quand une vraie transition énergétique courageuse, étalée dans la durée comme celle des allemands ?
Tiens donc , à nouveau sur Enerzine? Alors dites-nous donc en quoi l’Etat ( qui visiblement vous met des batons dans les roues puisqu’il devrait vous « foutre la paix ») vous empêche: de faire de l’isolation, d’acheter des appareils AA+ ou de la domotique, et de faire de l’autoproduction à moins de 10c€/kWh?
Isolation la base. Saperlipopette pourquoi ne pas y avoir penser plus tôt. Et pourquoi l’Etat ne nous fout pas la paix ? Ben peut être parce que certains attendent les milliards de l’Etat, et que même avec des milliards c’est compliqué et lent : Commençons déjà par les 200 milliards du quinquennat en cours et après on verra à étendre le plan. Cécile Duflot ayant réglé le problème de succession à la tête d’EELV redevient plus disponible pour mettre en oeuvre ce vaste plan qui marquera l’histoire de la France.
On remarquera effectivement un Etat irresponsable puisque alors « qu’on est déjà à moins de 10c?/kWh sur quasiment toute la France ! », il continue à édicter des tarifs d’achat de 14,5c€ pour de l’ISB et de 29 pour de l’intégré. Comprenne qui pourra pourquoi « il suffirait juste que l’Etat foute la paix » aux gens…..
Si je me prends une piaule en France , je serais assez partant pour bénéficier des subventions isolation. Ca permet de compenser la décote à la revente vue la baisse larvée des prix immobiliers. En revanche , je trouve le deal photovoltaïque insupportable : pas assez de marge de manoeuvre, je veux pouvoir disposer de mes engins, maintenance remplacement comme je l’entends et non comme le stipule le plan décennal En se débouillant bien et en faisant l’installation soi-même avec du stock dans les ballons d’ecs, frigo, congélo, batteries, on arrive même à un kwh à 0.06euro sur 10 ans , 0.04 sur 20 ans 0.02 sur 30… yaka acheter du bijonction et ne pas craindre le fer à souder ni l’échelle de toit
Pourquoi ce genre d’analyse clairement anti-EnR oublie t’elle que l’énorme coût des subventions au charbon en Espagne et en Allemagne (qu’on ne sent pas dans le coût de l’élec puisque subventions par un autre biais) ? Avec les tarifs d’achat, au moins c’est transparent : on sait combien coût une énergie. Quand à moi, les nouvelles que j’ai de l’Allemagne est que le prix de gros de l’électricité s’est effondré aux heures de pointe diurnes à cause du PV et de l’éolien qui applatissent complètement la pointe. Ceci n’est pas sans poser de problèmes de rentabilité aux centrales fossiles, mais cela montre surtout que le mécanisme de marché actuel, « bricolé » pour faire une place aux tarifs d’achat, n’est pas adapté à un haut niveau de pénétration d’énergies aux coûts de production marginaux nuls.
A lr83. Stoppez net, je suis assomé par votre argumentaire très aiguisé, aussi pertinent que percutant et d’une précision chirurgicale. Vous êtes tellement efficace que je reste coi ! Bon sinon, vous savez sortir de l’ad personam ?
A regismu. Vous voulez en venir où au juste ? Votre prose est vague et vous êtes dans l’ad personam. Si vous avez des questions précises et des faits ou chiffres à contester… faites le. Soyez précis et je vous répondrez !