Les micro-organismes pourraient affecter la stabilité de l’entreposage de résidus radioactifs, un problème encore méconnu, qui fait l’objet d’une étude pionnière à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
Sous terre, le temps semble s’être arrêté. C’est pourquoi les profondeurs de la Terre sont considérées comme les endroits les plus sûrs pour enfouir les déchets nucléaires. Mais les scientifiques ont constaté une intense activité bactérienne dans ce monde souterrain, suite à l’intrusion humaine. Des scientifiques de l’EPFL ont lancé un programme de recherche afin d’identifier ces microorganismes souterrains. Ils comptent mieux comprendre quelle pourrait être leur influence sur l’étanchéité des barrières utilisées pour confiner les déchets nucléaires – conteneurs, béton ou roches, par exemple.
Il s’agit d’identifier les bactéries présentes dans les profondeurs, et de comprendre comment elles transforment la chimie de leur milieu. Plus encore, il s’agit également de prédire comment ces microorganisme pourraient évoluer sur de longues périodes. Autant d’informations qui permettront d’évaluer, à long terme, la sécurité des sites d’enfouissement.
«Pour identifier les microbes qui évoluent dans la roche, nous utilisons des techniques de séquençage d’ADN et des outils bio-informatiques» explique le Rizlan Bernier-Latmani, directrice du projet et responsable du laboratoire de microbiologie environnementale à l’EPFL. Les données fourniront aussi un aperçu des types de molécules que les microbes peuvent produire en transformant leurs substrats. «Nous parlons de très longues durées, plusieurs centaines de milliers d’années. Si les bactéries peuvent transformer leur milieu, elles le feront.»
Rizlan Bernier-Latmani a lancé une campagne expérimentale à des centaines de mètres de profondeur, sous le Mont Terri, près de St. Ursanne dans le Jura. Un site qui n’abrite pas – et n’abritera jamais – de déchets nucléaires. Ce lieu est devenu une plateforme de recherche et de collaboration internationales pour étudier la pertinence de la roche argileuse dans l’enfouissement des déchets radioactifs. Les résultats obtenus sur ce site expérimental pourront être transférés à d’autres sites similaires.
Évaluer le potentiel des microbes
Rizlan Bernier-Latmani cite plusieurs processus bactériologiques qui pourraient avoir un impact sur la stabilité du stockage de déchets radioactifs. La corrosion des déchets métalliques et des conteneurs de stockage, ou la production de gaz, peuvent affecter le confinement des déchets radioactifs. On présume aussi de potentiels effets bénéfiques. En effet, les microbes peuvent également consommer certains gaz qui, au fil du temps, pourraient augmenter la pression dans un environnement étanche et scellé. De plus, en modifiant la conformation des éléments radioactifs, les bactéries peuvent réduire leur solubilité, et les figer à l’intérieur du substrat rocheux.
« Pour prendre en compte l’activité des micro-organismes, il nous faut mieux la comprendre. Ainsi, nous pourrons évaluer la sécurité, de l’environnement de stockage sur le long terme », explique la chercheuse.
Observer l’adaptation des bactéries en temps réel
La technologie de séquençage d’ADN permet d’identifier des quantités infimes de bactéries, même dans les cas où ils ne représenteraient que 0.1% de la population microbienne. «Il est très important de repérer même les bactéries présentes en faibles quantités, parce qu’elles pourraient prospérer une fois l’environnement de stockage sous scellés.»
Cette même technique permettra de résoudre un problème épineux. Dans les communautés microbiennes, différentes espèces coexistent pendant des millénaires. L’environnement est en constante évolution. En conséquence, il arrive que les bactéries mutent et acquièrent de nouvelles fonctions. Elles peuvent même s’emparer des gènes d’autres espèces – un processus connu sous le nom de « transfert génétique horizontal ». Afin de mieux cerner la façon dont les bactéries pourraient évoluer sur des milliers d’années, les scientifiques doivent identifier l’ensemble des gènes exprimés par toute la communauté microbienne.
Comment identifier tous les types de bactéries présents dans les dépôts d’argile, sous le Mont Terri? Dans le passé, les scientifiques prélevaient des bactéries à partir d’échantillons d’eau, et les cultivaient jusqu’à ce qu’elles atteignent une population suffisamment importante pour être analysée. Or, seul un pour-cent des espèces bactériennes peuvent être mises en culture. De fait, les résultats étaient loin de représenter l’ensemble des espèces présentes.
Aujourd’hui, de nouvelles techniques permettent aux scientifiques d’analyser les populations bactériennes sans avoir à les mettre en culture. Grâce à ces techniques, l’ADN de tous les micro-organismes présents dans un échantillon peut être extrait, séquencé, puis réuni en utilisant des algorithmes bio-informatiques. Cela permet d’identifier tous les microbes et de cataloguer leur machinerie moléculaire de manière exhaustive – on dresse la liste complète des protéines qu’ils peuvent produire. Les scientifiques peuvent même identifier avec précision quelles protéines sont utilisées à un moment donné. Cela fournit un aperçu de la stratégie adoptée par les bactéries pour survivre, et surtout du danger qu’elles pourraient représenter.
Un aquarium à bactéries
Rizlan Bernier-Latmani et son équipe utilisent un nouveau bioréacteur – un aquarium à bactéries – qui peut s’intégrer directement au substrat rocheux des tunnels profonds. De la sorte, ils peuvent extraire des échantillons d’eau souterraine, qui leur permet d’observer la prolifération des bactéries et leur activité dans leur milieu naturel.
À l’heure actuelle, les scientifiques cherchent à comprendre comment les bactéries s’adaptent à leur régime sous-terrain, et comment leur présence peut influer la sécurité des dépôts. Ils les stimulent, en enrichissant l’eau souterraine avec des molécules différentes : par exemple l’hydrogène, pour simuler l’accumulation du gaz qui résulte la corrosion des conteneurs en acier. En même temps, ils auront accès à de nombreux paramètres en temps réel –pH, quantité d’oxygène dissous ou sulfates. Avec les techniques de séquençage d’ADN, ils pourront observer les bactéries alors même qu’elles s’adaptent à leur nouvel environnement.
On ne sait toujours pas si les microbes étaient présents à l’origine, ou s’ils ont colonisé le substrat rocheux pendant les travaux forage. Mais ils sont bien là, et ils sont actifs. Des centres souterrains ont été sélectionnés pour offrir l’option la plus viable en matière de stockage des déchets nucléaires car, contrairement à la surface de la terre, le substrat rocheux semble être figé dans le temps. Les microorganismes, quant à eux, continuent de prospérer à leur propre rythme.
… en irradiant les déchets nuclèaires !
Il n’est plus un jour sans que l’on apprenne qu’il existe de nouveaux effets néfastes à l’énergie atomique !!!! Depuis Fukushima, les langues se délient et ce n’est plus politiquement incorrect de dire tout le mal que fait cette industriel et plus des effets à longs termes qu’elle ne sait pas gérer. Et c’est tant mieux ! La prochaine étape, c’est d’arrêter la construction de ces grosses cochonneries avant qu’il n’y ait plus de déchets que nous ne pourrons jamais en traiter avant qu’ils ne nous irradient définitivement. ATOME GO HOME !
Ou comment montrer encore une fois qu’il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de maîtriser les matières radioactives… Malheureusement…
Je rejoins Nicias : Les déchets HA-VL sont dangereux… pour les hommes comme pour les bactéries. Ces chercheurs doivent sans doute avoir de bonnes raisons d’effectuer ces travaux, mais je serais bien curieux de connaitre l’espèce de bactérie qui survit à ces environnements sous pression et confinés ET à ces débits de dose monstrueux ! Surtout pendant des milliers d’années… M’enfin, cette recherche ne sera jamais inutile, même si elle sert finalement à autre chose que le stockage de déchet.
Le titre de cet article est particulièrement racoleur. Les études de sotckage des déchets radioactifs en couche géologique profonde sont particulièrement abouties contrairement à ce que laissent croire les médias et cet article. Le risque dans le stockage, c’est l’eau. On sait parfaitement évaluer la vitesse de migration des actinides dans les différentes couches d’argile/béton/acier ainsi que l’on connait parfaitement les vitesses de corrosion de l’inox et du verre (qui constitue la matrice dans laquelle les déchets HA sont fondus). Le pH n’est qu’un paramètre qui est considéré. Pour les apeurés qui crient des slogans sans même savoir de quoi est consitué un déchet nucléaire, sachez que dans le réacteur nucléaire d’Oklo, au gabon, la migration des radioéléments, non emprisonné dans du verre, puis de l’inox, puis du béton, puis de la Bentonite a été de l’ordre de quelque cm en 2 milliards d’année, malgré la présence d’eau. Soit beaucoup plus lent que les scénarios les plus optimistes.
… en espèrant que ce ne soient pas les mêmes ingénieurs qui fassent les « études particulièrement abouties » que ceux qui ont fait celles de TMI, Tchernobyl ou Fukushima, ni dimensionné les digues du Blayais, où défini l’épaisseur des domes et autres radiers et qualités de béton de l’EPR de Flamanville… Espèrons qu’ils ont fait des progrès depuis.
Franchement , vous ne croyez pas qu’il y a nettement plus important à gérer pour l’humanité que de savoir si des bactéries vont ronger des fûts de déchets dans 100 000 ans à 500 mètres sous terre ! Pendant ce temps là, il y a 6 millions de morts par an à cause du tabac et pendant 100 000 ans (s’il y a encore des hommes) cela fera 600 milliards de morts cumulés. Et au fait, il y a des bactéries qui mangent le mercure rejeté par les cheminées des centrales à charbon-lignite ? Sinon, je suis d’accord avec Nicias, il faut irradier les déchets nucléaires pour stériliser les fûts.
Dès qu’un problème ou qu’une critique surgit sur le nucléaire : le chevalier Dan1 débarque à grand coup de : Le Charbon!! Le Charbon!! Et on y ajoute une bonne couche de millions ou de milliards de morts qui n’ont aucun rapport avec le sujet, ici le tabac et le tour est joué… Consternant. ça vas quand même devenir de plus en plus difficile de nous vendre vos cochonneries nucléaires, le développement de plus en plus rapide des ENR et le vieillissement des retraités/actifs du nucléaire qui sévissent un peu partout n’arrange pas vos affaires.
Quel honneur, je passe de comptable du 19ième siècle à preu chevalier en passant par retraité d’EDF, d’AREVA…, responsable d’agence de COM….. Si j’évoque si souvent le charbon, c’est tout de même parce c’est la filière électrogène qui progresse le plus vite en valeur absolue (bien plus vite que les EnR), qui n’est pas exempte de risques chroniques et dont on ne parle quasiment jamais et dont les « écologistes » se désintéressent de façon coupable. il n’est donc jamais inutile de remettre les choses en perspective quand on parle d’énergie. Dans cet article on va encore « faire mal aux mouches » en discutant de futilités, au moment où l’on déverse sans contrôle dans l’atmosphère des milliards de tonnes de déchets que les bactéries ne mangent pas. Exit le tabac qui ne fait pas partie des filières énergétiques, mais gardons le charbon-lignite qui est un concurrent redoutable du nucléaire (plus de 40% de l’électricité).
Bonjour, L’influence des bactéries sur le stockage des déchets radioactifs fait l’objet de nombreuses études par l’Andra depuis des années. Les bactéries ne pourront pas se développer au sein de la roche argileuse (porosité très faible), mais elles pourront se développer au sein des ouvrages en fonction de l’apport de nutriments nécessaires à leur développement. Il s’agira à la fois de bactéries préexistantes et de bactéries apportées par l’Homme. Néanmoins, les expériences de corrosion, menées par l’Andra et différents organismes de recherche qui ont été réalisées en présence d’argile prélevée sur le site ou au sein de la formation argileuse, montrent que l’impact des bactéries sur la corrosion des conteneurs de stockage en acier contenant les déchets vitrifiés est limité. Les vitesses de corrosion mesurées intègrent ainsi l’influence des bactéries. L’impact de l’activité bactérienne est donc pris en compte dans les évaluations de la sûreté du stockage géologique profond.