Déjà connu des anciens Égyptiens, le verre est l’un des matériaux les plus anciens fabriqués par l’homme ; Pourtant, sa formation à partir de poudres granulaires chauffées à plus de 1000°C comporte encore des zones d’ombre.
Pour la première fois, une équipe pilotée par le laboratoire Surface du verre et interfaces (CNRS/Saint-Gobain) (1), est parvenue à visualiser la formation de ce matériau en temps réel et de l’intérieur même de l’échantillon grâce à la tomographie X, technique d’imagerie 3-D. Ces expériences, réalisées à l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility), permettent de mieux comprendre comment les différentes matières premières réagissent entre elles pour se transformer en verre. L’une des motivations de ces travaux, publiés sur le site de The Journal of the American Ceramic Society, est d’obtenir du verre de bonne qualité à des températures inférieures à celles utilisées actuellement par l’industrie.
Les chercheurs ont étudié un mélange proche de celui utilisé pour fabriquer le verre à vitres, composé de deux tiers de sable de silice, et d’un tiers de carbonates de sodium et de calcium. Dans les fours industriels, ce mélange est porté à 1500°C et doit rester plusieurs jours dans le four pour supprimer les bulles ou les défauts cristallins. Le processus demande donc beaucoup d’énergie, et l’un des enjeux industriels est d’obtenir du verre de bonne qualité à des températures moins élevées. Mais pour cela, il est nécessaire de comprendre les différentes étapes de la transformation des matières premières, ainsi que le couplage entre les réactions chimiques et la microstructure du mélange initial.
Pour ce faire, les chercheurs ont observé, pour la première fois, la réaction en train de se produire grâce à la tomographie X. La puissante ligne de lumière ID15a du synchrotron européen situé à Grenoble, a permis d’obtenir in situ une image en 3D toutes les quinze secondes de la réaction en cours, et ceci avec une résolution spatiale de 1,6 microns. Ainsi, les chercheurs ont pu observer les contacts qui s’opèrent entre les éléments présents, et la transformation de matériaux granulaires en verre fondu.
Ces images uniques révèlent l’importance des contacts entre grains d’espèces différentes. Ce sont eux qui déterminent si les réactions menant à la production du verre liquide se produisent ou pas. Par exemple, selon l’absence ou la présence de tels contacts, le carbonate de calcium peut soit être incorporé à un liquide très réactif, soit produire des défauts cristallins. Les chercheurs ont aussi été surpris de la haute réactivité du carbonate de sodium à l’état solide: sa grande mobilité avant la fonte des matériaux augmente le nombre de contacts avec les autres grains, ce qui favorise les réactions.
Les chercheurs veulent à présent réaliser de nouvelles expériences en faisant varier la taille des grains ou la montée en température. À long terme, ces travaux fondamentaux pourraient donner des clés pour réduire la quantité de défauts produits au début de la formation du verre, et trouver ainsi des procédés de fabrication plus rapides et moins gourmands en énergie. En outre, ils espèrent développer les méthodes d’imagerie et de traitement des données pour permettre aux chercheurs et aux industriels d’imager la transformation d’autres mélanges granulaires réactifs intervenant dans l’élaboration de verres et matériaux différents.
© The American Ceramic Society
Réactions entre un grain de carbonate de sodium (rouge) et deux grains de sable de silice (bleu et jaune), observées à différentes températures sous deux angles différents. Ces réactions produisent des silicates de sodium qui sont les précurseurs du verre. Il faut noter les mouvements du grain de carbonate de sodium, qui s’accroche successivement à un de ces voisins puis à l’autre : ces mouvements favorisent l’avancée des réactions. La taille des grains de sable est d’environ 100 microns.
Notes :
(1) En collaboration avec l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP – CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier), le laboratoire Sciences et Ingénierie, des MAtériaux et Procédés (SIMaP, CNRS/Institut polytechnique de Grenoble Université Joseph Fourier, Grenoble) et l’INRIA Saclay (Parietal).
Références :
In-situ synchrotron microtomography reveals multiple reaction pathways during soda-lime glass synthesis, par Emmanuelle Gouillart, Michael J. Toplis, Julien Grynberg, Marie.-Helene Chopinet, Elin Sondergard, Luc Salvo, Michel Suéry, Marco Di Michiel, Gael Varoquaux. Publié en ligne sur le site de The Journal of the American Ceramic Society. Publication papier à venir.