L’Association Française Indépendante de l’Electricité et du Gaz (AFIEG**) a indiqué dans un communiqué avoir pris connaissance du souhait de Delphine Batho, de procéder à l’étude de « scénarios alternatifs » à une mise en concurrence des concessions hydroélectriques.
La ministre de l’Ecologie et de l’Energie a dit la semaine dernière être opposée à une libéralisation de l’hydroélectricité.
"J’ai demandé l’étude de scénarios alternatifs à la mise en concurrence des concessions de barrages qui arriveront à échéance dans les prochaines années", avait précisé la ministre au cours d’une audition à l’Assemblée nationale.
L’AFIEG rappelle que le processus de renouvellement des concessions hydrauliques, initié en 2006, résulte à la fois des engagements européens de la France et des dispositions de la loi Sapin de 1993. Elle soutiendra en conséquence "la procédure concurrentielle prévue aujourd’hui par les textes, tout en acceptant qu’une meilleure prise en compte des attentes locales puisse être incluse dans le décret final en cours de modification."
A la suite de l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence, la loi de 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières1 a transformé EDF en société de droit privé. Puis, en 2006, les dispositions de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques2 ont supprimé le droit de préférence dont jouissait l’entreprise sur le renouvellement des concessions hydrauliques3, encadrant désormais celui-ci par une mise en concurrence au moyen d’une procédure d’appel d’offres, conformément aux dispositions de la loi « Sapin » de 1993.
En avril 2010, l’Etat avait annoncé que dix concessions hydroélectriques d’une puissance cumulée de 5.300 MW, regroupant plusieurs barrages et centrales en chaînes concessives, seraient renouvelées d’ici 2015. Les concessions hydroélectriques dans les Alpes (chaîne du Drac amont, chaîne du Beaufortain et complexe de Bissorte), les Pyrénées (vallées d’Ossau, du Louron et de la Têt) et le Massif Central (vallées de la Dordogne et de la Truyère) devant ainsi être attribuées entre 2013 et 2015. L’Etat français a retenu trois critères de sélection : "énergétique, environnemental, et économique."
Alors que les premiers appels d’offres auraient dû être lancés début 2011, et que le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie s’est doté de conseils externes pour un budget de 4,7 millions d’euros par an, la procédure est en attente d’une impulsion politique.
Dans une approche constructive, l’AFIEG a rendu publique hier une note technique qui explique l’intérêt de la procédure actuelle et détaille pourquoi il est désormais nécessaire d’établir un calendrier précis et engageant du processus. Celle-ci considère que l’échéance de fin d’année proposée par François Brottes, Président de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée Nationale, est raisonnable.
Enerzine a repris 5 points développés par l’AFIEG :
1- Quel est l’intérêt pour les citoyens et les entreprises de l’ouverture du marché de l’énergie et des concessions hydrauliques en particulier?
"L’ouverture du marché et la concurrence ont plusieurs vertus. D’abord, dans le cadre des concessions, elle permettra à l’Etat de faire valoir ses intérêts économiques, sociaux et environnementaux en renégociant la mise en exploitation de sa force hydraulique"
"L’Etat va ainsi mettre en concurrence des entreprises pour que la ressource en eau soit exploitée le plus efficacement possible sur le plan énergétique, financier et environnemental. Une mise en concurrence permet également de « challenger » le monopole actuel et de sélectionner le meilleur candidat aux regards des enjeux actuels et de faire émerger de nouvelles opportunités de gestion des ressources hydrauliques en France. Ainsi, l’ouverture à la concurrence du renouvellement des concessions hydroélectriques permet une meilleure valorisation du bien public (optimisation du productible, amélioration du patrimoine, partage plus équilibré de la ressource en eau…) qui concourt directement à l’intérêt général. Le renouvellement des concessions représente également une formidable opportunité pour les acteurs locaux dans la mesure où la modernisation des exploitations générera des investissements nouveaux, par nature favorables à l’emploi local."
"Enfin, cette procédure de renouvellement offre une dynamique entre acteurs locaux et futurs concessionnaires, favorisant ainsi l’émergence de projets collectifs autres qu’énergétiques au profit du développement des vallées."
2- Faut-il craindre un impact social de cette procédure ?
"Cette procédure prévoit une reprise par le nouveau concessionnaire des personnels directement affectés à la concession. Il n’y a donc aucune crainte à avoir pour l’emploi. On peut même s’attendre à une création nette de centaines d’emplois locaux liés d’une part à la décentralisation attendue, et d’autre part aux investissements productifs stimulés par la procédure."
"En outre les personnels transférés continueront à bénéficier du statut des Industries Electriques et Gazières (IEG) conformément au cadre légal."
3- La France est-elle obligée de passer par une mise en concurrence ? Les autres pays le font-ils ?
"En France, il a été décidé en 1919 de « nationaliser » la force motrice des eaux en énonçant que « nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau sans une autorisation de l’Etat »; deux régimes ont été institués, l’un d’autorisation, l’autre de concession dès que la puissance dépasse 4,5 MW."
"Dans les deux cas, l’utilisation de la force motrice des eaux est délivrée par l’Etat pour une durée inférieure à 75 ans et un régime transitoire prévoyait que les installations préexistantes pouvaient encore turbiner pendant 75 ans (jusqu’en 1994) avant d’être soumises à autorisation ou concession. La transformation d’EDF en Société Anonyme en 2004 a supprimé le bénéfice de la dérogation aux obligations de mise en concurrence des concessions qui était prévu dans la loi Sapin. Puis le droit de préférence a été abrogé par la loi LEMA de 2006 à la suite d’une procédure en manquement de la Commission européenne. Conformément aux recommandations du rapport du Conseil Général des Mines dit « rapport Leteurtrois », la France a adopté la procédure de renouvellement en vigueur. Il s’agit ainsi d’un choix politique français, dans le respect du droit européen en matière d’égalité de traitement, de transparence et de non-discrimination (article 86 (3) TUE)."
"En Suède, le marché de la production électrique est ouvert à la concurrence. La production d‘électricité en Suède est constituée d’environ 50% d’hydroélectricité, et 40% d’origine nucléaire. Les principaux opérateurs du marché de la production d’électricité sont Vattenfall, E.ON, Fortum et Statkraft. En Suède, les propriétaires d’actifs hydroélectriques doivent obtenir régulièrement un renouvellement de leur licence d’exploitation. Les opérateurs internationaux Statkraft, Fortum et E.ON disposent de parts de marché significatives aux côtés de Vattenfall, opérateur historique national qui en détient moins de 50%. EDF était présente dans l’hydro-électricité suédoise jusqu’en
2005, date à laquelle EDF a décidé de se retirer."
"En Suisse, le régime juridique est celui de la concession et un processus de renouvellement des concessions, transparent et non discriminatoire, y est déjà engagé. La production hydraulique suisse est détenue par un foisonnement d’acteurs : les trois plus grands opérateurs que sont Alpiq, BKW, et Axpo, ne détiennent que la moitié du parc hydraulique suisse. Certains ouvrages sont parfois même détenus par plusieurs opérateurs (Partner Plant Model). Aujourd’hui, rien ne s’oppose donc à ce qu’une société étrangère puisse se porter candidate au renouvellement des concessions suisses. Des opérateurs étrangers sont présents au sein du capital de sociétés ou d’ouvrages concédés. A titre d’illustration, la production valaisanne est détenue à 10% par des opérateurs étrangers, dont 3% par EDF et 7% par EnBW."
"En Italie, la réforme du marché a imposé qu’aucun acteur ne possède plus la moitié du parc installé, et cette règle a abouti à la cession par l’opérateur historique de 15 GW d’actifs, dont plus de 2 GW hydrauliques. Aujourd’hui, en production, les parts de marché des plus gros acteurs sont de 26,4% pour Enel, 9,4% pour ENI, 8,4% pour Edison, et 5,2% pour E.ON."
"En Allemagne, le marché énergétique comporte une pluralité d’acteurs et applique déjà les règles de concurrence fixées par la Commission européenne. De nombreux acteurs possèdent ou exploitent de petites centrales hydroélectriques. Dans le domaine des grandes centrales, le marché est également concurrentiel puisqu’il compte non seulement les principales compagnies d’électricité allemandes et les grandes sociétés municipales de distribution (Stadtwerke), mais aussi des acteurs internationaux majeurs comme Statkraft, GDF-Suez, Verbund ou Vattenfall. Ainsi, 7 opérateurs possèdent chacun plus de 100 MW de capacités hydroélectriques, avec une part de marché ne dépassant pas 30 % pour le plus gros exploitant de moyens hydroélectriques. Par ailleurs, E.ON a dû céder outre-Rhin une trentaine d’ouvrages représentant 700 MW, dont une centrale de pompage-turbinage (STEP) de 220 MW et une de 127 MW, soit 20% de sa capacité hydroélectrique en Allemagne, à des opérateurs européens, notamment français. E.ON a en particulier déjà transféré 262 MW à Statkraft, 312 MW à Verbund et 132 MW à GDF-Suez."
4- La perte potentielle par EDF d’actifs hydraulique va-t-elle se traduire par une augmentation de nos factures d’électricité ?
"Le prix payé pour l’électricité par les ménages comporte une part énergie, une part transport et distribution ainsi qu’une part afférente à diverses taxes. Aujourd’hui, la part énergie de la facture ne constitue que 40% de la facture globale. La consommation énergétique des ménages est essentiellement satisfaite par de l’électricité nucléaire (87% dans le tarif réglementé bleu). Le poids de l’hydroélectricité y est donc très faible. Et celle-ci représentant moins de 12% de la production électrique au niveau national, aucune conséquence à court terme n’est donc à attendre dans la tarification de détail."
"A l’inverse, les investissements dans l’hydroélectricité permettront d’accroître la part de la production provenant d’énergies renouvelables dans le mix énergétique global, sans affecter davantage la CSPE. En effet, cette source d’énergie renouvelable, lorsqu’elle fait l’objet de concessions de service public, ne bénéficie pas de mécanisme de soutien spécifique et coûteux pour le consommateur."
5) Un intérêt financier pour l’Etat et les collectivités
"La nouvelle redevance hydraulique applicable aux concessions ainsi renouvelées sera assise sur le chiffre d’affaires de la concession (vente d’énergie). Cette redevance, inédite en France à l’exception de celle s’appliquant sur la concession du Rhône, génèrera des revenus supplémentaires et très substantiels pour l’Etat comme pour les collectivités territoriales concernées. Cette redevance sera d’autant plus importante que les nouveaux concessionnaires optimiseront le productible des ouvrages existants et développeront de nouveaux projets, comme les y encourage la procédure de renouvellement."
"En l’état actuel de la législation4, un tiers de cette redevance ira aux départements et un sixième aux communes du territoire concerné par la concession. Le reste des recettes reviendra à l’Etat."
"Ainsi, le glissement des délais entraîne une moindre recette fiscale, cumulée sur les 10 concessions, de 150 millions d’euros par an pour l’Etat et les collectivités concernées, en prenant une hypothèse de redevance à 30%."
1 Loi n° 2004-803 du 9 août 2004
2 Loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006
3 La loi de 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique prévoyait que le concessionnaire actuel avait un droit de préférence s’il acceptait les conditions du nouveau cahier des charges définitif.
4 Art. 46 du projet de loi de finances rectificatives adopté le 31 juillet 2012
** L’AFIEG, créée en mars 2012 et présidée par Fleur Thesmar, entend être l’interlocuteur des pouvoirs publics et présenter, au bénéfice du consommateur, une alternative aux dysfonctionnements actuels des marchés de l’énergie. Ses membres fondateurs sont ALPIQ, ENEL, EON, et VATTENFALL, BKW et NOVAWATT étant pour leur part membres associés.
Qu’attendre d’une ministre n’ayant aucune expérience dans l’environnement et l’énergie ou aucun thème apparenté, ni aucune éducation ou formation scientifique ! Regardez son CV : Avec une telle expérience, on ne la prendrait pas pour être réceptionniste téléphonique d’une entreprise travaillant dans l’environnement, mais pour être ministre, pas de problème !
S’investir dans l’hydaulique pour une société ,c’est tentant vu l’espérance de gains financiers dans le proche avenir , mais il faut pouvoir disposer d’une analyse technique pointue lors de visites de barrages ( expertise et travaux ) . Et il n’est pas si facile de trouver cela dans une contexte réglementaire contraignant car cela touche à la sécurité des personnes en aval et à la protection du cours d’eau . EDF a une longue expérience dans ce domaine et des équipes pointues ;nul n’est irremplaçable mais ce ne sera pas si facile .
Il n’y a pas qu’Edf, il y a aussi Suez, Vattenfall, E-ON, RWE, Statkraft, etc… qui possèdent des bases installées hydroélectriques importantes en Allemagne, Suède, Norvège, et ailleurs en Europe, qui pourraient aisément investir en France avec leurs experts.