Une conférence intitulée « Les facteurs clé de réussite pour les grands projets solaires » et relative notamment au projet méditérranée "Desertec" a été organisée par BearingPoint, cabinet de conseil et Enerpresse, le 12 janvier dernier.
Au menu de cet évènement, des analyses, des recommandations et un débat sur le cas du projet Desertec.
Les experts participants à cette conférence :
- Emmanuel AUTIER, Associé Utilities au sein du cabinet BearingPoint,
- Philippe LOREC, Adjoint du directeur général de l’Energie et du Climat du Ministère de l’écologie,
- Lynn NAHMANI, Experte en financement de projet,
- Jean CHRISTOPHE, Directeur Général de la Deutsche Pfandbrief Bank
- Mustapha Kamal FAID, Ancien directeur général à l’Observatoire Méditerranéen de l’Energie
Voici une Synthèse des échanges avec les experts :
A. Comment sécuriser ce type de projet ?
M. Lorec, Adjoint Directeur Général au Ministère de l’Ecologie a rappelé que Desertec est un projet à l’échéance relativement lointaine (2040) et de 400 Mds €. Aujourd’hui, le vrai sujet est d’être en capacité de réaliser des petits projets. Nous sommes dans des régimes transitoires aujourd’hui et le besoin du soutien des états, de subventions (BEI, Banque mondiale, KfW…) est plus que jamais d’actualité.
L’urgence est de mettre en place une structuration financière qui consiste à compléter une rentabilité qui n’existe pas aujourd’hui, pour permettre à de tels projets de se développer et de devenir rentables.
Par ailleurs, il est fondamental de disposer d’un cadre général de coopération, d’un cadre politique qui puisse exister même après la phase de transition, afin de sécuriser les projets dans ces pays.
Par ailleurs, la rentabilité peut être également améliorée grâce au cadre politique qui permettra de cadrer les facteurs de risques (monétaires, pays…). Différents outils sont en train d’être mis en place pour prendre en compte les différents risques.
B. Quelles sont les technologies qui vous semblent les plus appropriées aujourd’hui ?
Monsieur Lorec a affirmé que la fondation Desertec était très orientée vers technologie CSP à ce jour. Aujourd’hui, la Dii est plus ouverte à toutes les technologies. Il est fondamental de prendre en compte les spécificités territoriales et du projet avant de réaliser un choix de technologie. Par exemple, sur des réseaux particuliers, des profils énergétiques particulier, le stockage n’est pas indispensable.
Il faudra faire preuve de pragmatisme et adapter le choix des technologies à chaque territoire.
C. Quelle pourrait être la relation ad hoc entre le Nord-Sud ?
Monsieur Kamal Faid, PDG SPTEC, ex président observatoire de l’OME a rappelé que la relation Nord-Sud était une relation entre pays producteurs et pays consommateurs. Cette relation pour être optimale, devra résoudre plusieurs équations : quel est le coût d’accès de l’énergie aux pays du nord ? Est-ce que les pays du sud doivent consacrer une partie de leur ressources financières à développer les centrales solaires pour exporter l’énergie ? Dans quel cadre les sites seront exploités (rentes solaires ? paiement d’une redevance / kWh produite ? concession) ?
Les pays du sud devront aussi participer aux enjeux technologiques. Il sera important de ne pas reproduire le schéma de l’industrie pétrolière. Jusqu’à la fin des années 60, il était dit aux pays du sud « Vous n’avez pas de savoir-faire, ni d’argent, laisseznous (pays du nord) exploiter votre source d’énergie et vous aurez en échange 12,5% de chaque baril ». Après les années 60, des ingénieurs et techniciens locaux ont com mencé à contribuer. Aujourd’hui, aucun pays producteur n’est capable de reproduire un schéma de raffinerie simple. Ils continuent tous à importer le moindre boulon.
Le Maghreb peut jouer un rôle entre l’Europe et l’Afrique Sub-saharienne. Cependant, du chemin reste à être parcouru lorsqu’on voit qu’entre les pays du Maghreb, la possibilité de développer des politiques énergétiques communes n’existe pas encore, que des centres de recherche communs n’ont pas encore vu le jour.
D. Quel type de schéma de financement optimal pour ce type de projets ?
Lynn Nahmani, experte en investissement en énergie, a indiqué qu’en 2010 la banque mondiale a donné 200 à 300 milliards de dollars de subventions pour le solaire. En même temps, il y a eu des engagements d’investissements de 1000 milliards de dollars jusqu’en 2020, sur les énergies renouvelables. Desertec représentent la moitié des investissements en énergies renouvelables en Europe.
La marché obligataire (émission des projects bonds) peut être un facteur clé de développement de ces projets. Ce concept, très développé aux USA, traîne les pieds en Europe. La Banque mondiale depuis 2008 a mis des milliards de dollars de green bonds. Aujourd’hui, les agences multilatérales sont très sollicitées et peuvent jouer des rôles importants.
Le recours à des fonds verts (structure de fonds propres ou structurés) peut également être une option.
En matière de structure de financement, la structure du projet Shams (600 Millions de dollars) à Abu Dhabi, indique l’implication très importante du pays (fonds) et du gouvernement qui a concédé les terrains. La conception de feed-in-tarif n’est pas utilisée.
Chaque projet doit mettre en place son propre montage. Desertec, n’est pas un projet mais une mosaïque de projets. Des milliers de projets construits indépendamment du point de vue financier, n’est peut-être pas la bonne adoption.
Les facteurs de succès pour le financement d’un tel projet sont les suivants :
– Garantir la viabilité économique (tarifs de rachat, taxation stable …)
– Disposer d’une technologie éprouvée
– S’appuyer sur une solidité financière des intervenants
– Disposer d’un cadre juridique garant de la loi
– Identifier des risques quantifiables assumés par des entités ad hoc.
Pour Desertec, c’est la notion de Réglementation stable qui est la plus en jeu. En 2010, Standard & Poors a réuni des acteurs privé-publics pour débattre du financement de ces investissements, des risques au développement des énergies renouvelables. Les risques ont été hiérarchisés de la façon suivante :
– Risque pays très important et risque de pérennité politique : inadéquation entre durée très longue des investissements (20 à 50 ans) et durée des réglementations
– Concernant les pays du nord (France, Espagne, Italie, …), le manque de cadre réglementaire stable pour les ENR est un des facteurs les plus importants.
=> Le risque politique n’est pas là où l’on imagine. Il n’est pas tant dans les pays du sud (printemps arabe) mais plutôt dans les pays du nord, en vertu du cadre réglementaire.
E. Quel type de PPP, quelle type de répartition entre privé et public ?
Monsieur Christophe, spécialiste des Partenariats Publics-Privés, PPP, a rappelé que différents modèles de PPP existent : PPP simples à complexes (ex : concessionnaire supporte un risque de transport…)
Avec le PPP, l’expertise privée est mobilisée dans un contrat global. Plus le projet est complexe, plus le fait d’arriver à engager le privé à long terme est important pour la réussite du projet. Le PPP est une approche flexible, qui permet d’allouer les risques aux partenaires les plus à même de les supporter. Par ailleurs, le PP évolue dans le temps : des PPP peuvent être très publics au départ puis se privatiser après.
Les Facteurs clés de succès sont les suivants :
– Disposer d’un cadre juridique stable
– Disposer d’un projet technique convaincant
– Prendre en compte des projets viables du point de vue de la personne publique et privée
– Prendre en compte des projets dont la taille est finançable
– S’appuyer sur des partenaires expérimentés
– Avoir des partenaires publics solvables
La pérennité va être largement de la responsabilité de la personne publique. Le PPP peut apporter plus de pérennité en mettant tous les acteurs autour de la table. Mais le PPP ne répondra pas à la question : comment trouver les fonds en période de crise financière ?
Pour cette question, il s’agira de vous auprès des :
– Fonds d’investissements publics (fonds inframed (350 ME et ce fonds a pour objectif de lever 1 Mds)) ; institutions multilatérales ; agences de crédit export …
– Fonds privés : interroger les banques régionales du maghreb et explorer les pistes des financements islamiques …
Voir aussi : la 1ère partie
[DVID]