Le 18 février 2008, un tube d’un générateur de vapeur du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Fessenheim s’est fissuré à la suite d’une « anomalie de supportage », conduisant à une fuite du circuit primaire vers le circuit secondaire. Cet événement a été classé au niveau 0 sur l’échelle internationale INES (1). L’Autorité de Sûreté Nucléaire examine les réponses apportées par EDF.
L’ASN a demandé à EDF, par lettre du 24 avril 2008, de poursuivre ses investigations afin d’identifier précisément les causes de la fissuration du tube concerné. Par mesure préventive, l’ASN a également demandé à EDF de procéder, avant le 30 septembre 2008, au bouchage de l’ensemble des tubes de générateur de vapeur en anomalie de supportage du parc des centrales nucléaires français.
A ce jour, EDF a entrepris le bouchage d’environ 2500 tubes pour lesquels cette opération présentait le caractère le plus urgent. EDF a également proposé des mesures compensatoires jugées satisfaisantes sur les réacteurs de 900 MWe, en baissant notamment la puissance de certains réacteurs.
L’ASN considère que les mesures nécessaires à court terme ont été prises par EDF. Cependant, elle estime que la stratégie à long terme de traitement du phénomène de fatigue vibratoire présentée par EDF reste encore insuffisamment étayée.
En conséquence l’ASN a demandé à EDF de lui proposer une nouvelle stratégie intégrant les mesures envisagées pour réduire, sur les tubes en anomalie de supportage maintenus en service, le risque d’instabilité vibratoire. Les investigations porteront en particulier sur les moyens pouvant être mis en œuvre pour détecter les facteurs aggravants connus, dont l’encastrement, et renforcer la surveillance des tubes en anomalie de supportage ainsi que sur la révision de certaines études de sensibilité.
1. Instabilité vibratoire des tubes de générateur de vapeur
Un générateur de vapeur est un échangeur thermique qui utilise l’énergie du circuit primaire pour transformer l’eau du circuit secondaire en vapeur qui alimentera la turbine. La surface d’échange est composée de plusieurs milliers de tubes (3300 à 5600 selon le type de réacteur) dans lesquels circule l’eau primaire portée à haute température (320 °C) et haute pression (155 bar). Il existe différents modèles de générateur de vapeur sur le parc français.
Les tubes sont normalement maintenus dans leur partie supérieure par des barres anti-vibratoires afin d’éviter les dommages qui pourraient être causés par les vibrations du tube. Certaines de ces barres ont été mal positionnées lors de la fabrication, laissant ainsi des tubes en « anomalie de supportage ».
S’appuyant sur une démarche mise en place au niveau international après deux incidents survenus au Japon et aux Etats-Unis, l’ASN a demandé à EDF au début des années 1990 de déterminer les tubes les plus sensibles au phénomène d’instabilité vibratoire.
2. Etudes et traitement du risque d’instabilité vibratoire
Il existe des moyens de traitement des tubes en anomalie de supportage. Ils peuvent, entre autres moyens, être obturés par la pose d’un bouchon : aucun fluide ne circulant plus dans le tube, le risque de fuite est supprimé.
Toutefois, les conséquences, en termes de sûreté, du bouchage d’un grand nombre de tubes doivent être examinées attentivement, estime l’ASN : en cas d’incident, le volume d’eau disponible pour refroidir le cœur du réacteur est alors plus faible.
L’origine des vibrations
Les vibrations sont dues aux efforts exercés sur le tube par le fluide contenu dans l’enceinte du générateur de vapeur, où circule le fluide dit secondaire. Une modélisation de l’écoulement permet de déterminer une vitesse critique du fluide à partir de laquelle le risque d’instabilité vibratoire existe.
Au niveau international, le critère de sensibilité à la fatigue vibratoire est défini par le rapport entre la vitesse réelle et cette vitesse critique. Un moyen de réduire le risque est donc de modifier la vitesse du fluide secondaire, ce qui peut être réalisé en abaissant la puissance du réacteur.
Les facteurs aggravants
Un tube de générateur de vapeur est soutenu sur sa hauteur par plusieurs plaques percées appelées plaques entretoises. En fonctionnement, des dépôts peuvent se former sur ces plaques et provoquer l’encastrement du tube dans la plaque. Ces dépôts peuvent également boucher partiellement les trous des plaques entretoises: c’est le colmatage.
Le retour d’expérience international a permis de mettre en avant plusieurs facteurs augmentant le risque d’apparition d’une fissure due à la fatigue vibratoire, dont l’encastrement des tubes et le colmatage. L’encastrement est une condition nécessaire à l’apparition de fissures dues à la fatigue vibratoire. Le colmatage est un facteur aggravant : il influe sur l’écoulement du fluide et modifie les efforts exercés sur les tubes.
3. Résultats des récentes études d’EDF
Les premières études réalisées par EDF dans les années 1990 n’avaient pas permis d’anticiper la fissuration à Fessenheim. La révision de ces études, sur la base de nouveaux modes de calculs, met en évidence la nécessité de boucher le tube à l’origine de la fuite primaire/secondaire survenue à la centrale nucléaire de Fessenheim le 18 février 2008.
Par ailleurs, la reprise des calculs sur les réacteurs de 1300 MWe ne montre pas d’évolution significative des facteurs de risques liés à la fatigue vibratoire. Les réacteurs de 1300 MWe présentent en effet une marge plus importante que les réacteurs de 900 MWe.
L’ASN note que sur les réacteurs de 1450 MWe (Palier N4), les conditions de circulation du fluide secondaire permettent de conserver les générateurs dans un état de propreté garantissant à court terme l’absence de facteurs aggravants de type colmatage ou encastrement.
Position de l’ASN
Suite à l’analyse des résultats des dernières études d’EDF, l’ASN considère que les mesures nécessaires à court terme ont été prises par EDF. Cependant, elle estime que la stratégie à long terme de traitement du phénomène de fatigue vibratoire présentée par EDF reste encore insuffisamment étayée.
En conséquence l’ASN a demandé à EDF de lui proposer une nouvelle stratégie intégrant les mesures envisagées pour réduire, sur les tubes en anomalie de supportage maintenus en service, le risque d’instabilité vibratoire.
Les nouvelles demandes de l’ASN devront se traduire par des investigations qui porteront en particulier sur les moyens pouvant être mis en œuvre pour détecter les facteurs aggravants connus, dont l’encastrement, et renforcer la surveillance des tubes en anomalie de supportage, ainsi que sur la révision de certaines études de sensibilité.
L’ASN a exprimé ces demandes complémentaires dans un courrier du 30 septembre 2008. Ces nouvelles demandes se substituent à celles émises dans son courrier du 24 avril 2008.
1) Les incidents classés au niveau 0 ne font pas systématiquement l’objet d’un "avis d’incident", sauf s’ils présentent un intérêt particulier. Ils concernent des écarts par rapport au fonctionnement normal des installations.