Sous l’impulsion conjointe de l’Institut coréen de recherche en électrotechnologie (KERI) et de l’Institut coréen des sciences des matériaux (KIMS), une innovation majeure devrait transformer la production d’électrodes pour batteries rechargeables. Baptisée « technologie de fabrication d’électrodes sèches haute performance par séchage par pulvérisation », cette méthode accroît significativement la densité énergétique des accumulateurs tout en réduisant leur empreinte environnementale.
Les électrodes des batteries secondaires résultent d’un mélange complexe : matériaux actifs (stockage de l’énergie), additifs conducteurs (facilitation du flux électrique) et liants (cohésion des composants). Jusqu’à présent, deux approches se partageaient le marché : le procédé humide, utilisant des solvants, et le procédé sec, privilégiant un mélange de poudres sans liquide. Si ce dernier est réputé plus écologique et propice à des densités énergétiques élevées, son principal talon d’Achille résidait dans l’hétérogénéité des mélanges, limitant performances et rentabilité.
L’emprunt à l’industrie agroalimentaire
Pour contourner cet obstacle, les équipes de KERI et KIMS ont puisé dans les savoir-faire de secteurs éloignés : l’agroalimentaire et la pharmacie. Leur solution ? Adapter le « séchage par pulvérisation », une technique employée notamment pour la fabrication du café instantané. Leur protocole débute par la dispersion des matériaux actifs et additifs conducteurs dans une suspension liquide, pulvérisée ensuite dans une chambre en verre portée à haute température. Sous l’effet thermique, le solvant s’évapore quasi instantanément, laissant place à une poudre composite homogène. Le procédé, maîtrisé à l’échelle industrielle dans d’autres domaines, garantit une répartition précise des particules, éliminant les défauts de dispersion.
La poudre composite est ensuite acheminée vers les laboratoires de KERI, spécialistes des électrodes sèches. Les chercheurs y intègrent les liants via une étape clé : la « fibrillation ». Ce procédé étire les polymères en fibres microscopiques, tissant un réseau tridimensionnel qui agrippe fermement matériaux actifs et additifs. L’ensemble est ensuite calandré — compressé en un film mince à densité uniforme — pour former l’électrode finale.

Des résultats record
Les performances obtenues défient les standards actuels. Alors que les électrodes commerciales contiennent généralement 2 à 5 % d’additifs conducteurs, les prototypes développés réduisent cette proportion à 0,1 %, libérant un espace précieux pour les matériaux actifs. Ces derniers atteignent désormais 98 % de la composition, un record mondial. Résultat : une capacité surfacique de 7 mAh/cm², doublant les 2-4 mAh/cm² des électrodes traditionnelles.
Publiés dans Chemical Engineering Journal, ces travaux soulignent un progrès significatif vers des batteries plus puissantes et durables.
Les implications industrielles sont vastes. « Optimiser l’agencement des matériaux permet non seulement d’améliorer la densité énergétique, mais aussi d’envisager des applications dans les batteries à semi-conducteurs solides ou au lithium-soufre », souligne Insung Hwang, chercheur principal au KERI. Son homologue du KIMS, Jihee Yoon, ajoute : « L’objectif est désormais de réduire les coûts de production et de valider la scalabilité du procédé, en vue d’un transfert technologique vers les industriels. »
Un écosystème en mutation
Alors que la demande mondiale pour des solutions de stockage énergétique performantes explose, cette innovation sud-coréenne pourrait accélérer la transition vers des batteries plus vertes et efficientes. En croisant expertise académique et pragmatisme industriel, les instituts KERI et KIMS dessinent les contours d’une révolution silencieuse, où l’ingéniosité technique rencontre l’urgence écologique.
Lexique
- Séchage par pulvérisation : Technique de déshydratation instantanée d’une suspension liquide en poudre composite, utilisée ici pour homogénéiser les matériaux d’électrodes.
- Fibrillation : Procédé d’étirage des liants en fibres microscopiques pour structurer l’électrode.
- Calandrage : Compression des matériaux en un film mince à densité uniforme, étape finale de fabrication.
- Matériaux actifs : Composants stockant l’énergie dans une batterie (ex. : oxydes métalliques, graphite).
- Additifs conducteurs : Particules (ex. : noir de carbone) facilitant le transfert électronique dans l’électrode.
- Densité énergétique : Capacité de stockage d’énergie par unité de volume ou de masse, ici optimisée à 98 % de matériaux actifs.
- Areal capacity : Mesure de la capacité électrique par cm² (7 mAh/cm² pour les électrodes développées).
Légende illustration : (Première rangée, à gauche) Le chercheur principal Jihee Yoon du KIMS et (Première rangée, à droite) le chercheur principal Insung Hwang du KERI ont réussi à fabriquer des électrodes sèches pour des batteries secondaires de grande capacité en utilisant la technique de séchage par pulvérisation.
Article : « A breakthrough in dry electrode technology for high-energy-density lithium-ion batteries with spray-dried SWCNT/NCM Composites » – DOI : 10.1016/j.cej.2025.160159