L’évolution rapide de la technologie microélectronique pose un défi majeur en termes de consommation énergétique. Cet article se penche sur les recherches innovantes visant à transformer radicalement l’efficacité énergétique des micropuces, en mettant en lumière les collaborations scientifiques et les avancées technologiques qui pourraient redéfinir notre utilisation future de l’énergie dans le domaine de l’électronique.
Les micropuces qui alimentent nos appareils électroniques, bien que de taille réduite, contiennent des millions de transistors, ces commutateurs électriques minuscules qui s’approchent désormais du niveau atomique. La densité de ces composants dans un espace aussi restreint que la tête d’une épingle est stupéfiante.
Toutefois, cette miniaturisation a un coût énergétique non négligeable, avec une consommation qui augmente de manière exponentielle. Les prévisions indiquent que d’ici 2030, les microélectroniques pourraient représenter 20% de la consommation énergétique mondiale.
Ce n’est que récemment que la microélectronique a commencé à utiliser une grande partie de l’électricité terrestre. Il s’agit d’un problème urgent. Le ministère de l’énergie s’est engagé à trouver des solutions efficaces sur le plan énergétique qui permettront d’aplanir la courbe de la demande d’électricité utilisée par la microélectronique.
Jeffrey Elam, directeur du programme de recherche sur le dépôt de couches atomiques d’Argonne
La recherche de solutions énergétiquement efficaces
Face à cette problématique, le Département de l’énergie américain s’engage à trouver des solutions pour réduire la demande en électricité des microélectroniques.
Jeffrey Elam, directeur du programme de recherche en Dépôt de Couches Atomiques (Atomic Layer Deposition – ALD) à Argonne, souligne l’urgence de la situation. Un projet financé à hauteur de 4 millions de dollars par le DOE vise à utiliser l’ALD pour développer de nouveaux matériaux et dispositifs permettant de créer des microchips consommant jusqu’à 50 fois moins d’énergie que les puces actuelles.
L’explosion de l’intelligence artificielle et son impact énergétique
L’avancée technologique, notamment l’essor de l’intelligence artificielle (IA), accélère la consommation énergétique dans le domaine du calcul informatique. Les applications d’IA, qui analysent d’énormes quantités de données, consomment une grande quantité d’électricité. Avec la généralisation de l’IA, les centres de données, qui alimentent ces applications, verront leur consommation énergétique augmenter significativement.
L’augmentation des dispositifs « intelligents » et de leurs besoins en données contribue également à cette hausse de la consommation électrique.
Surmonter le goulot d’étranglement de von Neumann
Jeffrey Elam met en lumière une limitation majeure des ordinateurs actuels : le goulot d’étranglement de von Neumann.
Plus de 90% de l’énergie d’un ordinateur est dépensée pour transférer des données entre la mémoire et les fonctions logiques, situées sur des puces séparées. Cette énergie, principalement perdue sous forme de chaleur, souligne la nécessité de développer des transistors et des micropucesà faible consommation pour éviter une crise énergétique.
Utiliser le dépôt de couches atomiques pour redéfinir le microchip
Argonne est à la pointe de la recherche sur l’ALD, une technique de dépôt de films minces cruciale pour la fabrication de microélectroniques. Cette méthode permet de produire des couches extrêmement fines, d’un atome d’épaisseur, avec une précision remarquable. Les scientifiques d’Argonne utilisent l’ALD pour repenser la micropuce et réduire la consommation d’énergie en éliminant le va-et-vient des données.
Ils développent un matériau semiconducteur 2D, le disulfure de molybdène (MoS2), pour remplacer le silicium et permettre une intégration 3D des fonctions de mémoire et de logique, réduisant potentiellement l’utilisation d’énergie de 90%.
Vers une nouvelle génération de dispositifs électroniques
En collaboration avec l’Université de Boise State, Argonne a développé des méthodes ALD pour créer des films MoS2 2D. Ces films seront utilisés pour créer des transistors à effet de champ semiconducteurs 2D (2D-FETs) qui peuvent être empilés en 3D.
Parallèlement, les scientifiques d’Argonne démontrent l’utilisation de MoS2 ALD dans les memtransistors, composants électroniques utilisés pour construire des circuits neuromorphiques qui imitent les connexions entre les neurones dans le cerveau, utilisant significativement moins d’énergie. Cette technologie a le potentiel d’utiliser un million de fois moins d’énergie par rapport aux dispositifs en silicium conventionnels.
Légende illustration : Anil Mane, chercheur principal à Argonne, tient une plaquette de silicium de 300 mm recouverte par dépôt de couche atomique à l’aide de l’instrument à l’arrière-plan. Crédit : Argonne National Laboratory.