Bharat Baruah (Université de l’État de Kennesaw)
Pouvez-vous imaginer un smartphone avec un écran tactile en bois ? Ou une maison avec des fenêtres en bois ? Probablement pas, sauf si vous avez entendu parler du bois transparent. Fabriqué en modifiant la structure naturelle du bois, ce matériau a été proposé comme une alternative solide et écologique au plastique. Mais la biodégradabilité du bois est souvent sacrifiée dans le processus. Les chercheurs espèrent y remédier en créant des bois transparents à partir de matériaux presque entièrement naturels et en les rendant conducteurs d’électricité.
« De nos jours, le plastique est omniprésent, y compris dans les appareils que nous portons sur nous. Et c’est un problème lorsque nous arrivons à la fin de la durée de vie de cet appareil. Il n’est pas biodégradable », commente Bharat Baruah, professeur de chimie à la Kennesaw State University et présentateur de cette recherche. « Je me suis donc demandé si nous pouvions créer quelque chose de naturel et de biodégradable.
Baruah s’est intéressé aux bois transparents dans le cadre de ses activités extra-professionnelles, à savoir le travail du bois. Mais il s’est rendu compte que les bois transparents signalés par d’autres scientifiques utilisaient des matériaux tels que des époxydes, une forme de plastique, pour assurer leur solidité. Pour trouver des matériaux naturels qui permettraient au bois de rester solide et stable au fil du temps, il s’est à nouveau tourné vers ses expériences personnelles.
Ayant grandi dans l’État d’Assam, dans le nord-est de l’Inde, M. Baruah a rencontré des bâtiments qui étaient restés debout pendant des siècles, bien avant l’invention de la version moderne du ciment. Les anciens maçons créaient le ciment en mélangeant du sable avec du riz gluant et des blancs d’œuf. M. Baruah a émis l’hypothèse que ces mêmes matériaux seraient parfaits pour conférer résistance et stabilité à ses bois transparents.
Le bois est composé de trois éléments : la cellulose, l’hémicellulose et la lignine. Pour le rendre transparent, la lignine et l’hémicellulose sont éliminées, laissant place à un réseau de cellulose poreux, semblable à du papier. Un matériau incolore vient ensuite combler ces pores, tout en rétablissant une certaine rigidité.
Avec l’aide de Ridham Raval, étudiant de premier cycle à l’université, M. Baruah a transformé des morceaux de balsa en bois naturel semi-transparent en retirant la lignine et l’hémicellulose à l’aide d’une chambre à vide et de produits chimiques, notamment du sulfite de sodium (un agent de délignification), de l’hydroxyde de sodium (une version de la lessive) et de l’eau de Javel diluée. Les pores ont ensuite été rebouchés en les trempant dans un mélange de blanc d’œuf et d’extrait de riz, ainsi que dans un agent de durcissement appelé diéthylènetriamine pour que le matériau reste transparent. Selon les chercheurs, ces réactifs, lorsqu’ils sont utilisés en petites quantités, comme c’est le cas dans cette expérience, présentent peu de risques pour l’environnement.
Au final, l’équipe a obtenu des tranches de bois semi-transparentes, durables et flexibles. L’équipe s’est ensuite penchée sur les applications potentielles de ses bois d’ingénierie, notamment pour remplacer les fenêtres en verre. Une fois de plus, Baruah a fait appel à ses talents de menuisier et a transformé un nichoir en une minuscule maison isolée à une seule fenêtre. Pour tester l’efficacité énergétique de la maison modernisée, il a placé le nichoir sous une lampe chauffante et a placé une jauge de température à l’intérieur. La température à l’intérieur de la maison était de 9 à 11 degrés Fahrenheit (5 à 6 degrés Celsius) plus basse lorsque le bois transparent était utilisé que lorsque le verre l’était, ce qui suggère que ce nouveau matériau pourrait servir d’alternative au verre dans les fenêtres.
Pour élargir encore les applications potentielles du bois transparent, l’équipe a également incorporé des nanofils d’argent dans certains échantillons. Cet ajout a permis au bois de conduire l’électricité, ce qui pourrait être utile pour des capteurs portables ou des revêtements de cellules solaires. Les nanofils d’argent ne sont pas biodégradables, mais l’équipe espère mener d’autres expériences en utilisant d’autres matériaux conducteurs, tels que le graphène, afin de conserver leurs bois transparents entièrement naturels.
Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour augmenter la transparence des bois, Baruah est heureux que cette première étape ait utilisé des matériaux naturels et peu coûteux. « Je veux faire comprendre à mes étudiants de premier cycle qu’il est possible de faire des recherches intéressantes sans dépenser des milliers d’euros », conclut-il.
Légende illustration : Cette tranche de bois semi-transparente est fabriquée à partir de matériaux naturels et pourrait être utilisée dans des applications allant des capteurs portables aux fenêtres à haut rendement énergétique. Bharat Baruah