Alors que la demande mondiale de lithium ne cesse de croître, les méthodes traditionnelles d’extraction posent des défis environnementaux et logistiques sans précédent. Face à cette urgence, une équipe de chercheurs britanniques propose une alternative innovante, exploitant des ressources inattendues : les eaux salées. Leur approche, fondée sur des membranes polymères haute précision, pourrait redéfinir les règles du jeu dans un secteur sous pression.
Le lithium, pilier des batteries modernes, est principalement extrait de minerais ou de saumures par des procédés longs et gourmands en eau. Ces méthodes, qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre, peinent à répondre à la demande galopante. Une équipe dirigée par Dr Qilei Song, du département de génie chimique de l’Imperial College de Londres, a conçu une membrane polymère capable de filtrer le lithium des eaux salines avec une sélectivité inégalée. Publiée dans *Nature Water*, cette avancée repose sur des polymères à microporosité intrinsèque (PIMs), dont les pores en forme d’entonnoir permettent de séparer les ions lithium des autres contaminants comme le magnésium.
« Les membranes agissent comme un tamis moléculaire, attirant spécifiquement les ions lithium sous l’effet d’un courant électrique », explique Dingchang Yang, doctorant ayant piloté les expérimentations. Testées sur des saumures synthétiques, ces membranes ont produit du carbonate de lithium de qualité batterie, avec un rendement supérieur aux méthodes conventionnelles.
Vers une production industrielle accélérée
Contrairement aux innovations restées confinées aux laboratoires, cette technologie a été pensée pour une montée en échelle rapide. Les polymères, solubles dans des solvants courants, s’intègrent aisément aux procédés industriels existants. « La synthèse repose sur des monomères commerciaux et des modifications chimiques simples, facilitant leur déploiement », précise Dr Song. L’équipe collabore désormais avec Imperial Enterprise et ChemEng Enterprise pour explorer des partenariats industriels, notamment dans le traitement de saumures réelles issues de lacs salés ou de sources géothermales.
« Nous souhaitons créer une entreprise dédiée aux technologies climatiques et travailler avec des acteurs du secteur pour extraire le lithium à grande échelle », ajoute le chercheur, soulignant l’urgence d’une transition énergétique soutenue par des matériaux critiques.
Des applications au-delà du lithium
Si l’extraction du lithium occupe le devant de la scène, les membranes PIMs ouvrent des perspectives dans des domaines aussi variés que la purification de l’eau ou le recyclage de métaux stratégiques. « Cette technologie pourrait révolutionner la récupération du cuivre et d’autres ions métalliques dans les eaux usées minières », note Professeur Sandro Macchietto, directeur du département de génie chimique. Ces travaux s’inscrivent dans une logique d’économie circulaire, alignée sur les objectifs du Rio Tinto Centre for Future Materials, basé à l’Imperial College.
La recherche a bénéficié d’une collaboration internationale impliquant l’Université de Birmingham, le University College London, et l’Institut Laue-Langevin à Grenoble, entre autres. Une preuve que les défis mondiaux exigent une réponse collective, où science et industrie convergent.
Légende illustration : Les saumures des lacs salés recèlent des réserves inexploitées de lithium
Solution-processable polymer membranes with hydrophilic subnanometre pores for sustainable lithium extraction Dingchang Yang, Yijie Yang, Toby Wong, Sunshine Iguodala, Anqi Wang, Louie Lovell, Fabrizia Foglia, Peter Fouquet, Charlotte Breakwell, Zhiyu Fan, Yanlin Wang, Melanie M Britton, Daryl R Williams, Nilay Shah, Tongwen Xu, Neil B. McKeown, Maria-Magdalena Titirici, Kim E Jelfs, Qilei Song. Nature Water 2025. 10.1038/s44221-025-00398-8
Source : Imperial College