La formation des bulles, malgré sa simplicité apparente, intrigue toujours la communauté scientifique. Des chercheurs* en se penchant sur la cinétique de croissance de bulles au bout d’une paille, ont mis en lumière une particularité surprenante : sous certaines conditions, la croissance des bulles peut devenir instable, leur volume passant rapidement d’une forme à une autre.
Les bulles occupent une place de choix dans divers secteurs techniques et industriels. Par exemple, elles font office de micro-réacteurs contrôlés pour les études de réactions chimiques complexes en microfluidique.
Cette technique, qui a permis de nombreuses avancées dans des secteurs de pointe tels que l’encapsulation de produits de haute valeur, exige un contrôle précis de la formation des bulles et des gouttes. Cependant, le processus d’alimentation en liquide des puces microfluidiques demeure encore partiellement empirique.
Zoom sur la formation des bulles de savon
Dans cette étude, Marc Grosjean et Elise Lorenceau du LIPhy ont analysé en détail la taille et la dynamique de formation des bulles de savon, en utilisant un tube cylindrique pour simplifier la géométrie – un modèle de référence pour la formation des bulles et gouttelettes. Une extrémité du tube était fermée par un film de savon, l’autre reliée à un grand réservoir de gaz de volume variable. Lorsqu’ils réduisaient le volume du réservoir, le film de savon se courbait, prenant la forme d’une calotte sphérique dont la croissance se révélait instable.
Les facteurs déterminants de cette instabilité incluaient le diamètre de la paille, les propriétés spécifiques de la solution savonneuse, et curieusement, le volume du réservoir à gaz, un paramètre souvent sous-estimé.

En fonction des conditions de gonflage, certaines tailles de bulles seraient inaccessibles. Les bulles grosses, voire très grosses, se forment facilement, mais pas les petites.
Les « bulles de savon » de Manet et Chardin
Au cours de leur recherche, ils ont constaté une instabilité pendant le gonflage d’une bulle connectée à un réservoir d’un volume défini par une constriction. Si le volume est trop grand ou si la constriction est trop étroite, la formation de petites bulles devient impossible. Les chercheurs espèrent que leurs résultats clarifieront le processus de formation des bulles et des gouttes dans les expériences microfluidiques à venir.
En marge, cette étude offre un nouvel éclairage sur l’art, en particulier sur les célèbres œuvres « Bulles de savon » de Manet et Chardin. Il apparaît que les paramètres de l’expérience menée par les enfants soufflant ces bulles correspondent bien à l’instabilité identifiée par les chercheurs du LIPhy.
En synthèse
La formation de bulles est un phénomène fascinant qui touche à la fois l’ingénierie microfluidique et l’art. La nouvelle étude du LIPhy nous offre une compréhension plus précise de la dynamique de ces bulles et des conditions qui peuvent rendre leur croissance instable. Alors que cette découverte permettra d’améliorer le contrôle de la formation de bulles en microfluidique, elle offre également un aperçu fascinant de la manière dont des artistes comme Manet et Chardin ont représenté des bulles dans leurs œuvres.
* du laboratoire Interdisciplinaire de Physique (LIPhy – CNRS/UGA), Leurs résultats ont été publiés à la fin du mois de mai dans la revue Physical Review Fluids. Croissance instable de bulles à partir d’une constriction Marc Grosjean et Elise Lorenceau