Pour garantir la sécurité d’approvisionnement de notre futur système énergétique, il ne suffit pas de développer les énergies renouvelables, il faut aussi des mécanismes de contrôle complexes qui gèrent efficacement la production, l’injection et la consommation. Des chercheurs de l’Empa ont donc développé un algorithme de contrôle prédictif qui optimise la gestion de l’énergie au niveau du bâtiment – sans pour autant restreindre le confort des utilisateurs.
Depuis plus de dix ans, on ne fait pas que parler de la transition énergétique, on y travaille aussi. On le constate régulièrement : Le problème primaire n’est pas la production d’énergie renouvelable, mais la logistique liée à notre système de distribution. Jusqu’à présent, celui-ci était axé sur des installations de production qui injectaient en permanence une certaine quantité d’énergie dans le réseau électrique. Pour que nous puissions à l’avenir couvrir nos besoins en énergie par des sources renouvelables, il faut donc à la fois développer les installations de production et les technologies intelligentes qui garantissent en permanence la stabilité du réseau. En effet, contrairement aux sources d’énergie traditionnelles comme le charbon ou l’uranium, une installation solaire ne produit pas la même quantité d’électricité en permanence : elle est soumise aux conditions météorologiques et surtout au rythme jour/nuit. D’une part, les besoins en énergie doivent donc être minimisés lorsque la production est faible – par exemple la nuit – et, d’autre part, les pics de production doivent être consommés localement afin de ne pas surcharger le réseau électrique.
Pour pouvoir gérer cette logistique complexe, des systèmes automatisés s’imposent. Ils peuvent optimiser la consommation d’électricité sur la base de la production locale, des moyens de stockage disponibles et de la disponibilité du réseau, de manière à garantir en permanence la stabilité du réseau et la flexibilité des consommateurs. Concrètement, cela signifie que grâce à la planification énergétique prévisionnelle, le système du bâtiment garantit que je peux prendre une douche chaude ou cuisiner même si la production d’électricité est insuffisante pour couvrir les besoins réels. Parallèlement, l’énergie surproduite n’est pas nécessairement stockée localement, mais injectée dans le réseau électrique dans la mesure du possible, de sorte que la demande puisse être satisfaite à tout moment.
De la théorie à la pratique : le test au NEST
Afin de démontrer que de tels systèmes automatisés sont adaptés à la pratique, des chercheurs de l’« Urban Energy Systems Lab » de l’Empa ont étudié au NEST dans quelle mesure un bâtiment habité peut réunir sous un même toit différents critères de demande flexibles. L’accent a été mis sur la réduction des émissions de CO2, la flexibilité de la demande en énergie et le confort des habitants. Grâce à un algorithme de contrôle prédictif, l’équipe a réussi à optimiser la gestion de l’énergie au sein du bâtiment avec la configuration suivante : une installation photovoltaïque pour la production d’électricité, un stockage sur batterie, une pompe à chaleur et une station de recharge bidirectionnelle pour les véhicules électriques. L’objectif principal était de minimiser les émissions de CO2 pendant l’exploitation, en privilégiant l’électricité du réseau lorsqu’elle était disponible à partir de sources renouvelables. L’algorithme a appris à prédire le comportement des occupants pendant une semaine.
Le système du bâtiment en tant qu’acteur du système énergétique
Tout d’abord, les chercheurs ont pu montrer que leur système permettait de réduire de plus de 10 % les émissions de CO2 du bâtiment. Il était au moins aussi important de constater que le bâtiment était capable de communiquer à l’avance quand et combien d’électricité il pouvait prélever ou injecter dans le réseau. Cela est particulièrement pertinent lorsque la production ou la demande d’électricité est (trop) importante aux heures de pointe. L’expérience a donc montré que la disponibilité flexible des énergies renouvelables ne pose pas de problème a priori. Toutefois, dans de telles circonstances, il est essentiel de disposer d’informations fiables sur la demande et d’une planification prévisionnelle – deux tâches qu’un algorithme auto-apprenant peut accomplir mieux et de manière plus cohérente qu’un être humain ne pourrait jamais le faire.
Afin de rendre les résultats évolutifs dans les applications correspondantes, les bâtiments doivent donc être numérisés de manière conséquente à l’avenir. Mais pour que l’infrastructure informatique nécessaire ne génère pas elle-même de grandes quantités de CO2, le chercheur de l’Empa Hanmin Cai s’est déjà penché, dans le cadre d’une autre étude, sur l’utilisation de matériel réutilisé, notamment d’anciens smartphones, pour l’automatisation des bâtiments.
Vers le marché via une start-up : transfert de technologie « made by Empa »
Aujourd’hui déjà, Hanmin Cai et sa collègue, Federica Bellizio, préparent de proposer leur technologie sur le marché dans le cadre de leur start-up « Kuafu ». Federica Bellizio a récemment été récompensée par l’« Empa Entrepreneur Fellowship », une bourse destinée aux chercheurs qui souhaitent créer leur propre entreprise. Avec leur système piloté par les données, ils veulent jouer un rôle de passerelle entre les exploitants de réseaux et les fournisseurs d’énergie et contribuer ainsi très concrètement à l’optimisation énergétique et à la décarbonation dans le secteur du bâtiment.
Auteur : Christoph Stapfer – EMPA
Légende illustration : L’unité UMAR du NEST a servi de banc d’essai pour l’étude expérimentale. Crédit : Zooey Braun
Article : H. Cai, P. Heer ; Experimental implementation of an emission-aware prosumer with online flexibility quantification and provision ; Sustainable Cities and Society ; Volume 111 (2024) ; doi.org/10.1016/j.scs.2024.105531