Comment garantir la fiabilité des semi-conducteurs de puissance dans les environnements spatiaux, où les radiations cosmiques mettent à rude épreuve leurs performances électroniques ? C’est à cette problématique que s’est attelée une équipe de chercheurs sud-coréens, ouvrant de nouvelles dimensions dans l’étude des matériaux avancés comme le carbure de silicium. Leur travail, publié dans une revue scientifique internationale, éclaire les défis technologiques liés à l’exploration spatiale et au développement des composants électroniques de demain.
Le carbure de silicium, un matériau au potentiel stratégique pour l’espace
Les semi-conducteurs de puissance, piliers des dispositifs électroniques modernes, jouent un rôle comparable à celui des muscles dans le corps humain, en contrôlant la conversion et la régulation de l’énergie électrique. Si le silicium est, jusqu’à présent, le matériau le plus couramment employé dans ce domaine, son monopole s’effrite peu à peu face à l’émergence de matériaux dits à large bande interdite (WBG) comme le carbure de silicium (SiC). Ces derniers offrent des performances nettement supérieures, notamment une résistance accrue aux hautes températures, une consommation énergétique réduite et une aptitude à supporter des tensions jusqu’à dix fois supérieures à celles du silicium classique.
Appliqué aux véhicules électriques, par exemple, le carbure de silicium contribue à accroître l’efficacité énergétique d’environ 10 %. Ses propriétés exceptionnelles attirent également l’attention des secteurs spatial et militaire. Pourtant, dans l’espace, les radiations cosmiques, dominées à 80 % par des protons à énergie élevée, provoquent des dégradations significatives des caractéristiques électriques de ces matériaux. Rares sont aujourd’hui les technologies capables d’évaluer avec précision la résistance de ces semi-conducteurs dans un tel environnement extrême.

Une simulation inédite des radiations spatiales en Corée
Pour la première fois en Corée, des chercheurs du Korea Electrotechnology Research Institute (KERI), dirigés par le Dr Jae Hwa Seo, ont mis au point une méthodologie innovante permettant de tester la résistance des semi-conducteurs en carbure de silicium face aux radiations cosmiques. Dans le cadre de cette expérimentation, l’équipe a collaboré avec le KERI pour exploiter un accélérateur capable de produire des protons à haute énergie (100 MeV). Grâce à cette approche, il a été possible de reproduire avec précision les conditions extrêmes rencontrées dans l’espace.
Les tests ont révélé des altérations structurelles majeures, notamment des dommages aux réseaux cristallins du matériau et une augmentation des courants de fuite. En réponse à ces constats, l’équipe a élaboré des critères de conception visant à garantir la fiabilité à long terme des composants électroniques à base de SiC dans des applications spatiales. Ces résultats, publiés dans la revue scientifique Radiation Physics and Chemistry, ont été reconnus comme une contribution importante dans le domaine des sciences nucléaires et des technologies. Ils témoignent de l’excellence en recherche fondamentale et appliquée.
Un impact au-delà des applications spatiales
Lors d’une déclaration, le Dr Seo a souligné que « tester des composants clés dans des environnements simulés conformément à divers paramètres d’effets de radiation est aujourd’hui considéré comme une technologie fondamentale pour l’industrie spatiale mondiale ». Il a également précisé que ces travaux trouveront des applications dans des secteurs variés, tels que les équipements médicaux utilisant des radiations, les centrales nucléaires, ou encore l’électronique militaire et de défense.
Bien que le SiC demeure un matériau phare, l’équipe explore également les potentialités offertes par le diamant, dont les propriétés semi-conductrices surpassent celles de tout autre matériau connu. En collaboration avec la province de Gyeongnam et l’entreprise japonaise Orbray, les chercheurs ambitionnent de développer des semi-conducteurs de puissance résistant à des radiations ultra-élevées, dépassant les 200 MeV.

Une ambition de leadership technologique mondial
Ces avancées démontrent la volonté de la Corée du Sud de se positionner comme un acteur clé dans les industries aérospatiales à forte valeur ajoutée. La recherche sur les semi-conducteurs de nouvelle génération pourrait doter le pays d’un avantage concurrentiel, tout en répondant aux besoins croissants en technologies fiables et robustes. Avec le soutien de partenaires académiques et industriels, l’équipe du KERI ouvre de nouvelles perspectives pour répondre aux défis de l’exploration spatiale et contribuer à la transition énergétique mondiale.
Légende illustration : Semi-conducteurs de puissance SiC développés par le KERI. Crédit : Korea Electrotechnology Research Institute
Article : ‘Degeneration mechanism of 30 MeV and 100 MeV proton irradiation effects on 1.2 kV SiC MOSFETs’ / ( 10.1016/j.radphyschem.2024.112378 ) – National Research Council of Science & Technology – Publication dans la revue Radiation Physics and Chemistry