KIER atteint le rendement le plus élevé au monde (23,64 %) avec une cellule solaire tandem flexible à couche mince en pérovskite/CIGS
Une équipe Coréenne a marqué un tournant dans le domaine de l’énergie solaire en développant des cellules tandem pérovskite/CIGS ultra-légères et flexibles, affichant un rendement record de 23,64 %. Ce résultat, le plus élevé jamais enregistré pour cette catégorie de dispositifs, ouvre des perspectives inédites pour l’intégration de l’énergie photovoltaïque dans des secteurs exigeant légèreté et adaptabilité, de l’aéronautique à l’automobile en passant par l’architecture.
Dépasser les Limites du Silicium
Les cellules solaires à base de silicium cristallin, bien que dominantes grâce à leur coût modéré et leur facilité de production, butent aujourd’hui sur un plafond d’efficacité théorique. Les cellules tandem, qui combinent silicium et pérovskite, ont permis d’atteindre des rendements supérieurs à 34 %, mais leur poids et leur rigidité restreignent leur usage dans des applications critiques comme les drones, les satellites ou les véhicules légers.
Les cellules CIGS (alliage de cuivre, indium, gallium et sélénium), bien que flexibles et compatibles avec des substrats souples, peinaient jusqu’ici à rivaliser en termes de performance. Leur rendement modéré et la complexité de leur fabrication ont longtemps limité leur déploiement.
Un Procédé Innovant pour des Résultats Sans Précédent
L’équipe de l’Institut coréen de recherche sur l’énergie (KIER) sous la direction de Yi Chang-keun a contourné ces obstacles en concevant un procédé de fabrication simplifié, baptisé lift-off. Celui-ci consiste à déposer une fine couche de polyimide sur un substrat de verre rigide, servant de support temporaire pendant l’assemblage de la cellule tandem. Une fois les couches actives déposées, le dispositif est décollé du verre, laissant une cellule flexible et légère. Cette méthode, contrairement aux approches classiques utilisant directement des substrats souples, garantit une uniformité des dépôts et une stabilité accrue durant la production.
Un enjeu clé résidait dans la diffusion incontrôlée de potassium, issu du substrat de verre, dans la couche absorbante en CIGS. Ce phénomène génère des défauts cristallins, freinant le transport des charges électriques et dégradant le rendement. Les chercheurs ont identifié que la couche de polyimide agit comme une barrière sélective, limitant cette diffusion. Validée par des simulations numériques, cette découverte a permis de réduire drastiquement les défauts, portant le rendement à 23,64 %, soit une amélioration de plus de 30 % par rapport aux précédents records.
La durabilité des cellules a également été testée : après 100 000 cycles de flexion, elles conservent 97,7 % de leur efficacité initiale, confirmant leur résistance aux contraintes mécaniques.
Vers une Commercialisation Accélérée
« Ces résultats valident la faisabilité industrielle d’une technologie solaire alliant haute performance et légèreté », souligne le Dr. Inyoung Jeong, coauteur principal de l’étude. Le Dr. Kihwan Kim, coresponsable du projet, met en avant l’avantage compétitif de ces cellules : avec un rapport puissance/poids dix fois supérieur à celui des cellules tandem silicium-pérovskite, elles répondent aux exigences des secteurs nécessitant des modules ultra-légers, tels que l’aérospatiale ou les transports.
Publiée dans Joule, une revue de référence en énergie (facteur d’impact : 38,6), cette recherche s’appuie sur une collaboration entre le KIER, l’Université nationale de Gyeongsang et l’Université Yonsei. Les équipes visent désormais à optimiser les procédés de fabrication pour des surfaces plus grandes et à améliorer la stabilité à long terme, en vue d’une industrialisation rapide.
Alors que la demande mondiale pour des solutions énergétiques décarbonées s’intensifie, l’innovation du KIER illustre comment l’alliance entre science des matériaux et ingénierie procédurale peut repousser les frontières du possible. En combinant rendement, légèreté et résilience, ces cellules solaires flexibles pourraient accélérer la transition vers des systèmes énergétiques plus durables, tout en redéfinissant les standards de l’industrie photovoltaïque.
*CIGS : Semi-conducteur composé de cuivre, d’indium, de gallium et de sélénium (CuIn₁₋ₓ GaₓSe₂), connu pour ses excellentes propriétés photoélectriques. Il est utilisé comme couche absorbant la lumière dans les cellules solaires à couche mince. Il peut notamment être fabriqué sur des substrats très flexibles tels que le polyimide ou les films métalliques, ce qui lui confère une flexibilité exceptionnelle.
* Perovskite : Matériau dont la structure cristalline est similaire à celle du titanate de calcium (CaTiO₃), connu pour ses excellentes propriétés d’absorption de la lumière, ce qui en fait un matériau prometteur pour les cellules solaires de la prochaine génération.
Légende illustration : Image en coupe d’une cellule solaire tandem pérovskiteCIGS prise au microscope électronique.
Article : « Flexible and lightweight perovskite/Cu(In,Ga)Se2 tandem solar cells » – DOI : 10.1016/j.joule.2024.11.011