Lorsque les appareils électroniques se connectent à une source d’énergie pour retrouver leur autonomie, peu de personnes s’interrogent sur le mécanisme qui rend cet acte quotidien possible. Pourtant, derrière cette simplicité apparente se cache une technologie qui a redessiné les contours de la vie moderne : les batteries lithium-ion rechargeables. L’essor de ces dispositifs a non seulement permis l’émergence des smartphones, des véhicules électriques et des écouteurs sans fil, mais a également posé un problème persistant : comment améliorer leur capacité tout en garantissant leur sûreté ? Une récente étude menée par des chercheurs de l’Institut Weizmann des sciences apporte des éléments de réponse inédits.
Dendrites : les ennemis invisibles des batteries modernes
L’une des limites majeures des batteries au lithium métal repose sur un phénomène complexe : la formation de dendrites. Ces structures microscopiques, comparables à de minuscules filaments, apparaissent pendant chaque cycle de charge. Elles finissent par créer des ponts métalliques à l’intérieur de la batterie, provoquant ainsi un transfert incontrôlé d’électrons. Ce phénomène est non seulement destructeur pour la batterie, mais peut également entraîner des risques d’incendie. Jusqu’à présent, les scientifiques disposaient de peu d’outils pour analyser précisément ce processus.
Une percée méthodologique a été réalisée dans le laboratoire du Prof. Michal Leskes. Le Dr. Ayan Maity et son équipe ont développé une technique innovante permettant non seulement de comprendre quelles interactions influencent la croissance des dendrites, mais aussi d’évaluer rapidement l’efficacité et la sécurité des composants alternatifs. Cette approche ouvre une nouvelle dimension dans la recherche sur les batteries.
Un « ratio d’or » découvert grâce à la spectroscopie RMN
Les batteries rechargeables fonctionnent en permettant aux ions chargés positivement de circuler entre l’anode et la cathode via un électrolyte conducteur. Dans les batteries au lithium métal, l’anode, constituée de lithium pur, offre une densité énergétique exceptionnelle. Toutefois, le lithium métal réagit chimiquement avec presque tous les matériaux qu’il rencontre, favorisant la formation rapide de dendrites.
Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont exploré l’utilisation d’un électrolyte solide, composé de polymères et de particules céramiques. Leur objectif était d’identifier la proportion idéale entre ces deux matériaux. En employant la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN), ils ont pu suivre l’évolution des dendrites et examiner les interactions chimiques. « Nous avons découvert une sorte de ratio d’or », explique Michal Leskes. « Les électrolytes contenant 40 % de céramique présentaient la durée de vie la plus longue. »
Cependant, une observation inattendue est venue compliquer ce constat : bien que le nombre de dendrites augmente dans les configurations optimales, leur croissance semble bloquée, réduisant ainsi la formation de ponts dangereux.
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Le rôle crucial de la couche SEI
La question centrale soulevée par cette découverte concerne le mécanisme bloquant la progression des dendrites. Les chercheurs ont formulé une hypothèse basée sur la présence d’une fine couche appelée SEI (solid electrolyte interphase), qui se forme à la surface des dendrites lorsqu’elles réagissent avec l’électrolyte. La composition chimique de cette couche influence directement le mouvement des ions au sein de la batterie.
Pour caractériser la SEI, les scientifiques ont adopté une méthode rarement utilisée dans l’étude des batteries : la polarisation nucléaire dynamique. Cette technique amplifie les signaux RMN en exploitant les spins des électrons polarisés du lithium. Grâce à cela, ils ont pu déterminer avec précision la composition chimique de la SEI et identifier les interactions entre le lithium et les différents composants de l’électrolyte.
Une découverte surprenante est ressortie de cette analyse : certaines couches SEI peuvent simultanément accélérer le transfert d’ions dans l’électrolyte et bloquer des substances potentiellement dangereuses. Ce double effet pourrait être exploité pour concevoir des batteries plus performantes.
Vers une nouvelle génération de batteries
Les résultats obtenus par l’équipe de recherche offrent des perspectives tangibles pour le développement de batteries plus robustes, capables de fournir davantage d’énergie tout en réduisant leur coût environnemental et économique. De telles batteries pourraient alimenter des appareils plus grands et plus intelligents sans nécessiter une augmentation de leur taille physique, tout en prolongeant leur durée de vie.
« L’une des choses que j’apprécie le plus dans cette étude, souligne Michal Leskes, est que sans une compréhension profonde des principes fondamentaux de la physique, nous n’aurions pas pu percer les mystères des batteries. Notre démarche illustre parfaitement l’esprit du Weizmann Institute : partir d’une question scientifique pure pour aboutir à des applications pratiques susceptibles d’améliorer la vie de chacun. »
Légende illustration : Dendrites qui se sont développées dans une pile à l’étain, vues au microscope électronique. Source : Shakked Schwartz et Ayan Maity
Source : Weizmann Institute