Les scientifiques cherchent depuis longtemps à reproduire en laboratoire les conditions extrêmes régnant au cœur des étoiles et des planètes. Une équipe internationale de chercheurs vient de franchir une étape importante dans ce domaine, ouvrant de nouvelles voies pour l’astrophysique et la recherche sur la fusion nucléaire.
Une équipe de recherche dirigée par le Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf (HZDR), en collaboration avec des collègues du European XFEL, a mis au point une technique novatrice pour créer et observer des états de matière extrêmes. L’innovation repose sur l’utilisation d’un fil de cuivre plus fin qu’un cheveu humain.
Jusqu’à présent, la génération de telles conditions nécessitait l’emploi des lasers les plus puissants du monde, comme le National Ignition Facility (NIF) en Californie. La rareté de ces installations limitait considérablement les possibilités d’expérimentation. La nouvelle approche, décrite dans la revue Nature Communications, permet d’obtenir des résultats similaires avec un laser beaucoup plus compact.
Un phénomène complexe observé grâce à des technologies de pointe
Le Dr Alejandro Laso Garcia, auteur principal de l’étude, a expliqué : «Les puissants flashs de rayons X du European XFEL nous ont permis d’observer les phénomènes se produisant à l’intérieur du fil». Cette combinaison unique d’un laser à impulsions courtes et d’un laser à rayons X a révélé un effet inattendu.
Le processus se déroule en plusieurs étapes. L’impulsion laser interagit d’abord avec le fil, générant une onde de choc locale. Simultanément, des électrons à haute énergie se propagent le long de la surface du fil, créant des ondes de choc supplémentaires. Ces ondes convergent vers le centre du fil, produisant momentanément des pressions et des températures extrêmement élevées.
Des résultats impressionnants aux implications multiples
Les mesures ont montré que la densité du cuivre au centre du fil atteignait brièvement huit à neuf fois celle du cuivre «normal» à température ambiante. Le Pr Thomas Cowan, directeur de l’Institut de physique des radiations du HZDR, a précisé : «Nos simulations informatiques indiquent que nous avons atteint une pression de 800 mégabars, soit 800 millions de fois la pression atmosphérique et 200 fois la pression qui règne à l’intérieur de la Terre». La température a également atteint des niveaux astronomiques, avoisinant les 100 000 degrés Celsius.
Les conditions obtenues se rapprochent de celles observées dans la couronne d’une naine blanche. Le Dr Laso Garcia a souligné que cette méthode pourrait également être utilisée pour reproduire les conditions régnant à l’intérieur de planètes gazeuses géantes, y compris les exoplanètes récemment découvertes.
Des applications pour la fusion nucléaire
Au-delà de son intérêt pour l’astrophysique, cette nouvelle technique de mesure s’avère prometteuse pour la recherche sur la fusion nucléaire. Le Dr Ulf Zastrau, responsable du groupe HED au European XFEL, a ajouté : «Notre expérience démontre de manière impressionnante comment nous pouvons générer des densités et des températures très élevées dans une grande variété de matériaux».
Cette avancée pourrait avoir un impact significatif sur la recherche fondamentale dans le domaine de la fusion par confinement inertiel, où des équipes du monde entier travaillent sur le développement de centrales à fusion basées sur des lasers haute performance. La méthode développée par l’équipe du HZDR permettrait d’observer en détail les processus se déroulant à l’intérieur des capsules de combustible lors de leur irradiation par des impulsions laser.
En conclusion, cette découverte scientifique ouvre de nouvelles voies pour l’étude des conditions extrêmes prévalant dans l’Univers et pourrait accélérer le développement de technologies de fusion nucléaire plus efficaces, contribuant ainsi à relever les défis énergétiques du futur.
Légende illustration : Vue artistique du fil en implosion / un fort courant d’électrons à haute énergie (rose) chauffe la surface, entraînant des ondes de choc qui compriment le fil dans le sens radial.
Article : « Cylindrical compression of thin wires by irradiation with a Joule-class short-pulse laser » – DOI: ( 10.1038/s41467-024-52232-6 ) – Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf – Publication dans la revue Nature Communications /