L’industrie électronique connaît une transformation majeure grâce à l’utilisation innovante de matériaux biologiques. La soie, appréciée depuis des millénaires pour ses qualités exceptionnelles, fait l’objet d’une recherche pionnière susceptible de modifier profondément la conception des composants microélectroniques.
La soie, matériau ancestral, trouve désormais sa place dans le domaine de l’électronique de pointe. Jusqu’à présent, son utilisation restait limitée en raison de la structure chaotique des fibres soyeuses. Une équipe de scientifiques du Laboratoire National Pacific Northwest (PNNL) du Département de l’Énergie américain a surmonté cet obstacle majeur.
Leurs découvertes démontrent la faisabilité de créer une couche bidimensionnelle uniforme de fragments protéiques de soie (fibroïnes) sur du graphène, matériau carboné reconnu pour son excellente conductivité électrique. L’association soie-graphène pourrait être exploitée pour la fabrication de transistors sensibles et ajustables, particulièrement convoités par l’industrie de la microélectronique pour les capteurs de santé portables et implantables.
Une approche reproductible et biocompatible
Chenyang Shi, auteur principal de l’étude, a souligné l’importance de leurs travaux : «Notre méthode offre une approche reproductible pour l’auto-assemblage des protéines de soie, élément essentiel à la conception et à la fabrication d’électronique à base de soie». Il a ajouté : «Le caractère non toxique et aqueux de notre système est primordial pour garantir la biocompatibilité.»
L’équipe du PNNL envisage également l’utilisation de cette technologie comme composant clé des transistors à mémoire ou «memristors» dans les réseaux neuronaux informatiques. Les memristors permettent aux ordinateurs de reproduire le fonctionnement cérébral humain, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Un contrôle précis pour des applications avancées
James De Yoreo, chercheur Battelle au PNNL et professeur à l’Université de Washington, a expliqué les défis rencontrés : «De nombreuses recherches ont exploité la soie pour moduler les signaux électroniques, mais le désordre naturel des protéines de soie limitait le contrôle possible». Il a poursuivi : « Fort de notre expérience dans la maîtrise de la croissance des matériaux sur les surfaces, nous avons cherché à créer une interface plus performante. »
L’équipe a réussi à contrôler minutieusement les conditions de réaction, en incorporant des fibres de soie individuelles au système aqueux de manière précise. Grâce à des conditions de laboratoire rigoureuses, les chercheurs ont obtenu une couche 2D hautement organisée de protéines disposées en feuillets β parallèles précis, l’une des structures protéiques les plus répandues dans la nature.
Cette étude marque quelque part le début d’un contrôle précis de l’agencement de couches de soie sur des composants électroniques fonctionnels. Les chercheurs prévoient d’utiliser ce matériau de base et cette technique pour développer leur propre soie artificielle, enrichie de protéines fonctionnelles pour en accroître l’utilité et la spécificité.
Les axes de recherche futurs comprennent l’amélioration de la stabilité et de la conductivité des circuits intégrés à base de soie, ainsi que l’exploration du potentiel de la soie dans l’électronique biodégradable. Ces avancées pourraient favoriser l’utilisation de la chimie verte dans la fabrication électronique, contribuant ainsi à une industrie plus durable et respectueuse de l’environnement.
Légende illustration : Des molécules individuelles de protéines de soie, ou « fibroïnes de soie » (bleu), sont déposées sur une surface de graphène entourée d’eau (sphères verte et rouge) et se développent en un feuillet bidimensionnel (2D) d’une précision atomique. Le dépôt contrôlé de fibres de soie pourrait déboucher sur de nombreux dispositifs électroniques biodégradables. Crédit : (Graphic illustration by Mike Perkins | Pacific Northwest National Laboratory)
Article : « Two-dimensional silk » – DOI: 10.1126/sciadv.ado4142