Minkwan Kim, University of Southampton et Ian Williams, University of Southampton
Le premier satellite artificiel au monde, le Spoutnik 1 de l’Union soviétique, a été lancé en octobre 1957. Trois mois plus tard, il est tombé en dehors de son orbite. Lorsque Spoutnik a percuté la haute atmosphère à une vitesse incroyable, le frottement l’a fait chauffer et brûler presque entièrement. Quelques petits restes du satellite seraient restés dans la haute atmosphère, comme la fumée et les cendres après un incendie : les premiers débris spatiaux de l’humanité.
Sept décennies plus tard, les scientifiques comme nous commencent à peine à comprendre comment ces débris spatiaux peuvent nuire à la couche d’ozone, au climat et même à la santé humaine. Nous ne savons toujours pas quelle quantité de ces débris l’atmosphère peut supporter avant qu’ils ne causent des dommages importants à l’environnement.
Aujourd’hui, le nombre d’objets en orbite s’élève à plus de 28 000. Plus de 11 000 d’entre eux sont des satellites actifs, dont la plupart appartiennent à des « méga-constellations » commerciales : des groupes de satellites qui travaillent ensemble pour fournir un accès à l’internet. Il s’agit par exemple de Starlink, exploité par SpaceX d’Elon Musk, de Kuiper d’Amazon ou de Guowang de Chine.
Les opérateurs suivent une règle de 25 ans : à ce moment-là, la mission d’un satellite est considérée comme terminée et il est descendu dans l’atmosphère, où la gravité et la friction entrent en jeu. Si cette méthode permet de libérer de l’espace, des milliers de satellites brûlent chaque année dans l’atmosphère.
Un nouveau problème
Jusqu’à récemment, la destruction de satellites à haute altitude n’était pas un problème. La quantité de débris d’engins spatiaux était relativement faible par rapport aux débris de météorites naturelles.

Mais d’ici 2030, la population mondiale de satellites devrait dépasser les 60 000, et des milliers d’engins spatiaux rentreront dans l’atmosphère et brûleront chaque année. Chaque satellite pesant autant qu’une petite voiture, cela fait beaucoup. Nous menons des recherches sur ce problème et, selon nos premières estimations, environ 3 500 tonnes d’aérosols seront ajoutées à l’atmosphère chaque année d’ici à 2033.
Les aérosols sont de minuscules particules en suspension dans l’air. Ils peuvent jouer un rôle important dans le climat de la Terre, en le refroidissant ou en le réchauffant selon leur type et leur couleur. Les particules claires réfléchissent généralement la lumière du soleil et provoquent un refroidissement, tandis que les particules plus foncées, qui contiennent généralement de la suie, absorbent la lumière du soleil et réchauffent l’atmosphère.
Certains de ces aérosols sont particulièrement inquiétants. En 2023, des scientifiques américains ont découvert dans la stratosphère des particules contenant divers métaux, notamment de l’aluminium et du lithium. Ces particules provenaient d’engins spatiaux et de débris tels que les propulseurs d’appoint jetables qui leur sont attachés. Lorsque les engins spatiaux brûlent lors de leur rentrée dans l’atmosphère, ils libèrent des substances chimiques telles que des oxydes métalliques et des oxydes d’azote.
La composition complète de ces émissions n’est pas encore claire. Mais on sait que les principaux polluants trouvés dans les débris de satellites affectent l’équilibre thermique de l’atmosphère, ce qui pourrait être à l’origine du changement climatique mondial.
L’oxyde d’aluminium, par exemple, pourrait en fait contribuer à refroidir la Terre en réfléchissant la lumière du soleil. En fait, certains scientifiques spécialistes de la géo-ingénierie ont proposé d’en injecter de minuscules particules dans la stratosphère pour contenir le réchauffement climatique.
Il est encore trop tôt pour déterminer l’ampleur exacte du refroidissement qui en résulterait. Nous ne savons pas non plus dans quelle mesure une telle perturbation de l’équilibre énergétique de la Terre pourrait avoir des conséquences inattendues, notamment des phénomènes météorologiques extrêmes.
Mais nous savons comment fonctionne le processus. Et nous savons que la quantité d’oxydes d’aluminium provenant des réintroductions de satellites s’approche désormais des niveaux produits par les météorites, et qu’elle les dépassera bientôt largement. Il s’agit là d’un phénomène que nous devons au moins suivre de près.
Réouvrir le trou de la couche d’ozone ?
L’oxyde d’aluminium et d’autres polluants agissent également comme des catalyseurs dans la dégradation de la couche d’ozone, une partie de la stratosphère qui protège la Terre du rayonnement solaire.

Dans les années 1970 et 1980, la couche d’ozone a été dévastée par un groupe de produits chimiques connus sous le nom de CFC, largement utilisés dans les réfrigérateurs, les bombes aérosols et les produits de nettoyage. Le protocole de Montréal de 1987 a permis d’éliminer progressivement les CFC et d’autres substances appauvrissant la couche d’ozone, ce qui a permis de réaliser des progrès considérables dans la réparation des dommages.
Selon le Forum économique mondial, les avantages économiques de la protection de la couche d’ozone s’élèvent à environ 2,2 billions de dollars américains (1,7 billion de livres sterling) au total. Pour prendre un exemple, une couche d’ozone plus fine augmente l’exposition aux rayons ultraviolets (UV) nocifs, ce qui entraîne une incidence plus élevée du cancer de la peau et de la cataracte.
La rentrée des satellites et des débris spatiaux peut donc non seulement affecter l’atmosphère terrestre, mais aussi poser de sérieux risques pour le climat mondial et la santé publique. Plus grave encore, contrairement aux polluants terrestres, les polluants provenant d’anciens engins spatiaux peuvent persister dans la haute atmosphère pendant des décennies, voire des siècles, et passer inaperçus jusqu’à ce que leurs effets sur les concentrations d’ozone deviennent évidents.
De nouvelles solutions sont nécessaires
L’histoire nous fournit de précieuses leçons, nous permettant de tirer des enseignements des erreurs du passé. Malgré le succès du protocole de Montréal, la couche d’ozone ne devrait pas se reconstituer complètement avant 2066, ce qui signifie qu’il faudra 80 ans d’efforts pour restaurer ce qui a été endommagé en quelques décennies seulement.
Le désastre du changement climatique du XXIe siècle a été déclenché lorsque l’humanité a commencé à brûler des combustibles fossiles à l’échelle mondiale au milieu du XIXe siècle. Nous nous efforçons toujours de résoudre ce problème en réduisant les émissions de carbone. Nous ne devons pas aggraver les dommages causés à l’environnement par les débris de satellites qui s’accumulent à la limite de l’atmosphère terrestre.
Il n’y a cependant pas de solution simple. Si nous voulons bénéficier des avantages des réseaux mondiaux de satellites, nous devons vraiment les laisser brûler dans l’atmosphère. C’est la seule méthode d’élimination rentable à l’heure actuelle.
Pour l’instant, la contribution de l’industrie spatiale à l’appauvrissement de la couche d’ozone et au changement climatique est relativement faible. Mais comme l’activité spatiale continue de croître de manière exponentielle, nous ne pouvons pas nous permettre de négliger les conséquences des débris de satellites.
Minkwan Kim, professeur associé d’astronautique, University of Southampton et Ian Williams, professeur de sciences environnementales appliquées, University of Southampton
Cet article est republié dans The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.