Alors que la demande croissante pour des appareils électroniques à haute autonomie et des véhicules électriques aux performances accrues se heurte aux limites des batteries lithium-ion actuelles, une nouvelle génération de dispositifs énergétiques suscite un intérêt marqué dans les cercles scientifiques. L’accent est désormais mis sur des technologies capables de repousser les contraintes énergétiques tout en répondant aux exigences environnementales contemporaines.
Une équipe dirigée par Kelsey Hatzell, professeure associée en génie mécanique et aérospatial ainsi qu’au sein du Centre Andlinger pour l’énergie et l’environnement, a exploré des pistes permettant d’améliorer les performances des batteries sans anode à électrolyte solide. Leurs travaux ont permis de lever un voile sur des mécanismes fondamentaux susceptibles de surpasser les capacités des batteries lithium-ion traditionnelles. « Si ces batteries peuvent être introduites avec succès, il sera possible d’accéder à des densités énergétiques impossibles avec les batteries conventionnelles« , a t-elle affirmé.
Dans une batterie classique, deux électrodes – une cathode positive et une anode négative – sont séparées par un électrolyte liquide. Les ions circulent entre ces composants pour produire de l’énergie. Toutefois, les dispositifs étudiés par Kelsey Hatzell remplacent cet électrolyte liquide par un matériau solide. Ce changement modifie substantiellement les propriétés physiques et chimiques du système. Par ailleurs, l’absence d’anode réduit encore davantage les coûts de fabrication tout en augmenté la compacité des dispositifs.
Contact imparfait : un obstacle technique complexe
Malgré leurs avantages potentiels, ces batteries présentent des défis techniques notables. Parmi eux figure le maintien d’un contact optimal entre l’électrolyte solide et le collecteur de courant. Une étude publiée dans ACS Energy Letters par Se Hwan Park, chercheur postdoctoral au sein du groupe de Hatzell, a examiné l’influence de la pression appliquée sur ce contact critique. « Au cours de la charge et de la décharge, la batterie subit une réaction électrochimique. En appliquant une pression externe, des forces mécaniques sont également introduites« , explique t-il. Cette interaction complexe souligne la difficulté de garantir un dépôt uniforme des ions.
Des pressions faibles entraînent un contact irrégulier, provoquant des zones de surchauffe et des vides qui fragilisent l’électrolyte. À l’inverse, des pressions élevées amplifient les imperfections présentes à la surface des matériaux, engendrant des fractures sous l’effet des contraintes mécaniques. De telles observations ont conduit Kelsey Hatzell à souligner que « résoudre cette problématique de contact constitue une étape indispensable« .
Couches intermédiaires : une solution innovante
Pour pallier ces difficultés, une autre recherche menée par l’équipe a porté sur l’utilisation de couches intermédiaires, appelées intercouches, placées entre l’électrolyte et le collecteur de courant. Publiée le 19 décembre dans Advanced Energy Materials, cette étude a révélé que des particules de carbone et d’argent nanométriques facilitent un dépôt métallique plus homogène. Les résultats obtenus montrent que la taille des nanoparticules d’argent influence directement la stabilité du système.
Les particules de 200 nanomètres créent des structures filiformes instables, tandis que celles de 50 nanomètres favorisent des configurations plus denses et uniformes. « La morphologie du métal lors du dépôt et du retrait est liée à la stabilité du système« , a dit Se Hwan Park. Ces découvertes guideront probablement les stratégies futures de conception industrielle.

Passage à l’échelle industrielle : un horizon proche ?
Un article publié le 2 janvier dans Nature Materials par Kelsey Hatzell et ses collaborateurs du projet MUSIC a synthétisé les progrès réalisés dans ce domaine. La transition des laboratoires vers des chaînes de production commerciales demeure un objectif central.
Des entreprises comme Samsung et Toyota ont annoncé des calendriers ambitieux pour la production de masse d’ici à 2030. Kelsey Hatzell a exprimé son optimisme quant à la capacité des recherches actuelles à soutenir ce déploiement : « Le travail effectué aujourd’hui au sein de MUSIC pourrait servir de fondation au développement de ces batteries à grande échelle« .
L’intégration de ces innovations dans les processus manufacturiers existants reste cependant un défi majeur. Les efforts concertés des chercheurs visent à rendre ces dispositifs non seulement performants mais également viables économiquement.
Légende illustration : Un dispositif construit pour mesurer les effets de la pression sur un système de batterie. (Photo de Bumper DeJesus). Crédit : Bumper DeJesus, Centre Andlinger pour l’énergie et l’environnement
Article : « Filament-Induced Failure in Lithium-Reservoir-Free Solid-State Batteries » – DOI : 10.1021/acsenergylett.5c00004