La recherche sur les matériaux supraconducteurs franchit une nouvelle étape grâce aux travaux de physiciens du MIT et de leurs collaborateurs. Un matériau inédit aux propriétés supraconductrices et métalliques singulières vient d’être créé, marquant un jalon important dans l’étude des structures atomiques.
Les chercheurs du MIT ont élaboré un matériau composé de couches atomiques ondulées d’une épaisseur de quelques milliardièmes de mètre. La répétition de ces couches permet d’obtenir un échantillon macroscopique manipulable manuellement. Cette caractéristique facilite grandement l’exploration du comportement quantique du matériau, notamment les interactions à l’échelle atomique qui déterminent ses propriétés.
L’étude, publiée dans la revue Nature, revêt une importance particulière car le matériau a été synthétisé par conception rationnelle. La formulation du matériau s’appuie sur les connaissances approfondies de l’équipe en science des matériaux et en chimie de cette famille de composés. Cette approche permet d’envisager la création d’autres matériaux aux propriétés inhabituelles.
Bien que d’autres matériaux présentent des structures atomiques ondulées, l’équipe estime que celui-ci atteint un niveau de perfection inégalé. Les couches nanoscopiques d’ondes sont uniformes sur l’ensemble du cristal, composé de milliers de ces couches ondulées.
Joseph Checkelsky, chercheur principal et professeur associé de physique au MIT, a affirmé : « De tels matériaux dépassent la conception conventionnelle d’un cristal. L’observation et la compréhension des nouvelles propriétés physiques qui peuvent émerger constituent une opportunité passionnante. »
Les matériaux bidimensionnels : un domaine en pleine expansion
Les matériaux bidimensionnels, composés d’une ou de quelques couches d’atomes, suscitent un vif intérêt chez les physiciens. Leur manipulation permet de produire des matériaux aux propriétés nouvelles et inhabituelles. Par exemple, la rotation ou la torsion d’une ou plusieurs couches selon un angle léger crée un motif unique appelé super-réseau de moiré. Ce phénomène peut engendrer des propriétés telles que la supraconductivité et le magnétisme non conventionnel.
Cependant, les matériaux de moiré sont difficiles à fabriquer et à étudier en raison de leurs dimensions atomiques. L’équipe de Checkelsky s’est donc concentrée sur la création de matériaux analogues plus faciles à manipuler.
Aravind Devarakonda, ancien doctorant du MIT et actuellement professeur assistant à l’Université Columbia, a expliqué : « Nous mélangeons essentiellement des poudres de matériaux, les exposons à des températures de quelques centaines de degrés Celsius dans un four, et nous nous appuyons sur des réactions chimiques pour former naturellement des cristaux macroscopiques aux propriétés dictées par des interactions à l’échelle atomique. C’est l’avancée clé.«

Une structure en couches ondulées
Le nouveau matériau se compose d’une couche métallique atomiquement fine de tantale et de soufre empilée sur une couche « d’espacement » composée de strontium, de tantale et de soufre. Cette structure se répète sur des milliers de couches pour créer un large cristal.
Devarakonda et ses collègues pensent que les ondes se forment en raison d’une incompatibilité de taille et de structure entre les réseaux cristallins de chaque couche. Par conséquent, une couche – celle composée de tantale et de soufre – se courbe pour s’adapter à l’autre, formant l’onde.
Des propriétés inhabituelles aux applications prometteuses
Ces ondes microscopiques sont à l’origine des propriétés intéressantes du matériau. À une certaine température, le matériau peut devenir supraconducteur, permettant aux électrons de circuler sans résistance. Devarakonda a précisé : « Les électrons sont imprimés par les modulations structurelles [ondes]. La supraconductivité adopte également cette ondulation. Dans certaines parties, elle est forte, et dans d’autres, elle est affaiblie.«
De même, le matériau présente des propriétés métalliques inhabituelles. Les électrons trouvent plus facile de circuler dans les creux d’une onde – ou dans une vallée – que de monter et descendre les collines d’une onde. « Nous avons donc donné une directionnalité aux électrons. Il leur est plus facile de circuler dans une direction plutôt que dans l’autre« , a ajouté Devarakonda.
L’équipe a démontré que l’introduction de la structure ondulée peut modifier radicalement le comportement des couches. Cette découverte ouvre de nombreuses possibilités d’applications dans divers domaines de la physique et de l’ingénierie des matériaux.
Légende illustration : Micrographie électronique à transmission d’un nouveau matériau présentant des couches ondulées d’atomes. Crédit : Checkelsky Lab, MIT
Article : « Evidence of striped electronic phases in a structurally modulated superlattice » – DOI : s41586-024-07589-5