Les technologies de réduction des émissions de CO2 évoluent rapidement, offrant de nouvelles possibilités pour la production de carburants durables. Une équipe de chercheurs américains a mis au point un système d’intelligence artificielle transformant le dioxyde de carbone en éthylène, ce qui laisse entrevoir des applications prometteuses pour l’industrie et l’environnement.
Le système conçu par les chercheurs lie deux atomes de carbone pour former des hydrocarbures, avec des performances inégalées dans le domaine de la photosynthèse artificielle. L’éthylène, un composé organique largement utilisé dans l’industrie plastique, est produit avec une efficacité, un rendement et une longévité nettement supérieurs aux autres systèmes existants.
Concernant les performances du système, Zetian Mi, professeur de génie électrique et informatique à l’Université du Michigan et auteur correspondant de l’étude publiée dans Nature Synthesis, a affirmé : «L’activité et la stabilité sont environ cinq à six fois supérieures à ce qui est généralement rapporté pour la réduction du dioxyde de carbone en éthylène par énergie solaire ou lumineuse».
Une alternative durable à la production traditionnelle
Actuellement, l’éthylène est principalement produit à partir de pétrole et de gaz, dans des conditions de température et de pression élevées, générant d’importantes émissions de CO2. Le système développé par l’équipe de recherche offre une alternative plus écologique, en utilisant le dioxyde de carbone qui serait autrement rejeté dans l’atmosphère pour fabriquer des plastiques.
L’objectif à long terme vise à lier des chaînes plus longues d’atomes de carbone et d’hydrogène pour produire des carburants liquides facilement transportables. Un des défis majeurs consiste à éliminer tout l’oxygène du CO2 (source de carbone) et de l’eau (H2O, source d’hydrogène).

Un dispositif innovant basé sur des nanofils
La lumière est absorbée par le dispositif grâce à deux types de semi-conducteurs : une forêt de nanofils de nitrure de gallium, chacun mesurant seulement 50 nanomètres de large, et la base de silicium sur laquelle ils ont été cultivés. La réaction transformant l’eau et le dioxyde de carbone en éthylène se produit sur des clusters de cuivre d’environ 30 atomes qui parsèment les nanofils.
Les nanofils sont immergés dans de l’eau enrichie en dioxyde de carbone et exposés à une lumière équivalente à celle du soleil à midi. L’énergie lumineuse libère des électrons qui décomposent l’eau près de la surface des nanofils de nitrure de gallium. De l’hydrogène est créé par ce processus pour alimenter la réaction de l’éthylène, mais aussi de l’oxygène que le nitrure de gallium absorbe pour devenir de l’oxyde de nitrure de gallium.
Un rôle crucial est joué par le cuivre en retenant l’hydrogène et en captant le carbone du dioxyde de carbone, le transformant en monoxyde de carbone. Avec l’hydrogène présent et un apport d’énergie lumineuse, l’équipe suppose que deux molécules de monoxyde de carbone se lient avec l’hydrogène. La réaction serait achevée à l’interface entre le cuivre et l’oxyde de nitrure de gallium, où les deux atomes d’oxygène sont éliminés et remplacés par trois atomes d’hydrogène issus de la décomposition de l’eau.

Des performances remarquables
Il a été constaté par l’équipe que 61% des électrons libres générés par les semi-conducteurs sous l’effet de la lumière contribuaient à la réaction de production d’éthylène. Bien qu’un catalyseur différent à base d’argent et de cuivre ait atteint une efficacité similaire d’environ 50%, son fonctionnement nécessitait un fluide à base de carbone et ne pouvait durer que quelques heures avant de se dégrader.
En revanche, le dispositif de l’équipe du Michigan a fonctionné pendant 116 heures sans ralentissement, et des dispositifs similaires ont été testés pendant 3 000 heures. La longévité s’explique en partie par la relation synergique entre le nitrure de gallium et le processus de décomposition de l’eau : l’ajout d’oxygène améliore le catalyseur et permet un processus d’auto-guérison.
Enfin, l’éthylène a été produit par le dispositif à un taux plus de quatre fois supérieur à celui des systèmes concurrents les plus proches.
Concernant les objectifs futurs, Bingxing Zhang, assistant de recherche en génie électrique et informatique à l’Université du Michigan et premier auteur de l’article, a expliqué : «Nous voulons produire d’autres composés multicarbone tels que le propanol à trois carbones ou des produits liquides».
Les carburants liquides, qui pourraient permettre à de nombreuses technologies de transport existantes de devenir durables, constituent l’objectif ultime du professeur Mi. Les limites de la longévité du dispositif seront explorées dans de futurs travaux, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles applications potentielles dans le domaine des énergies renouvelables et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Légende illustration : Le dispositif expérimental du laboratoire de Zetian Mi, où son équipe a préparé un dispositif de photosynthèse artificielle capable de transformer le dioxyde de carbone et l’eau en éthylène, ce qui constitue une étape vers la fabrication de carburants solaires. Yuyang Pan éclaire le dispositif. Crédit photo : Sylvia Cardarelli et Jero Lopera, Ingénierie électrique et informatique, Université du Michigan
Article : « Interfacially coupled Cu-cluster/GaN photocathode for efficient CO2 to ethylene conversion » (DOI: 10.1038/s44160-024-00648-9)