L’industrie chimique se trouve confrontée à un problème majeur : la corrosion des tuyauteries. Une start-up néerlandaise, Senergetics, a mis au point une solution novatrice pour détecter ce phénomène dès son apparition, même sous d’épaisses couches d’isolation. La technologie développée promet des économies considérables et une diminution importante des émissions de CO2.
La corrosion constitue un problème majeur pour les propriétaires d’usines chimiques. Dans une grande installation, des kilomètres de tuyaux en acier sont fréquemment recouverts d’une épaisse couche d’isolation pour éviter les déperditions d’énergie. La détection des zones où l’eau s’est infiltrée et a commencé à ronger l’acier s’avère particulièrement laborieuse et coûteuse dans ces sections.
Diverses techniques d’imagerie permettent d’examiner à travers la laine de verre et le revêtement, mais elles ne fournissent qu’un aperçu ponctuel de la situation à un endroit donné. Leur coût élevé restreint leur utilisation aux seules zones suspectes. Une surveillance continue de l’ensemble des tuyauteries pour détecter la corrosion sous isolation (CSI) représenterait un avantage considérable pour les opérateurs d’usines.
Senergetics : une innovation basée sur la photonique intégrée
Senergetics, une start-up basée à Eindhoven, s’apprête à commercialiser un système de détection à fibre optique capable de repérer la CSI ainsi que les fuites. Ce dispositif, facilement installé le long du revêtement extérieur des tuyaux, a démontré sa capacité à réduire jusqu’à 60% les coûts de maintenance lors d’un récent projet pilote dans une usine réelle. Les économies potentielles se chiffrent en millions d’euros.
Le système conçu par Senergetics offre un double avantage : il fonctionne également comme un moniteur de perte d’énergie, quantifiant les inefficacités thermiques dues à une mauvaise isolation. Au-delà des économies supplémentaires, cette fonctionnalité pourrait aider les entreprises à réduire leurs émissions de CO2. Selon les estimations, les pertes de chaleur annuelles mondiales causées par une isolation industrielle inadéquate équivalent à 520 mégatonnes de CO2, soit approximativement la quantité produite par 170 000 ménages néerlandais pour leurs besoins annuels en électricité et en chauffage. Senergetics estime pouvoir éliminer au moins 10% de ce gaspillage.

Une technologie de pointe utilisant la fibre optique
La technologie de détection utilisée par Senergetics a été développée par PhotonFirst, une entreprise basée à Alkmaar. Ces systèmes de capteurs se composent de fibres optiques inscrites avec des microstructures appelées réseaux de Bragg (FBG), qui réfléchissent partiellement la lumière traversant la fibre. Lorsque la fibre subit un changement de température, la longueur d’onde de la lumière réfléchie change proportionnellement. La mesure de ce décalage permet de quantifier le changement de température.
Anitha, CTO et co-fondatrice de Senergetics, a précisé : «Des centaines ou des milliers de capteurs sont déployés pour collecter des données en continu. L’application de l’apprentissage automatique et de l’IA pour analyser ces données nous permet de détecter efficacement les environnements corrosifs.»
Après plusieurs essais dans différentes usines aux Pays-Bas et en Allemagne, Senergetics a récemment été invitée à effectuer un test de suivi à l’usine de crème glacée Ben & Jerry’s d’Unilever. La co-fondatrice a souligné : «Lors du premier test, nous avons réussi à indiquer avec précision les zones où la CSI se produisait, démontrant ainsi la valeur de notre technologie en termes d’opérations de maintenance et de sécurité.»
Un autre test a été réalisé pour Kaefer, un fournisseur allemand de services techniques pour les installations industrielles. Senergetics s’est mesurée à sept solutions concurrentes et est sortie victorieuse de cette confrontation.
Forte de ces résultats, la jeune entreprise s’impatiente de proposer sa technologie sur une base commerciale. Le principal obstacle restant concerne la certification pour une utilisation dans des environnements industriels, mais la CTO se montre plutôt confiante quant à la possibilité de surmonter ces difficultés. Elle a ajouté : «Notre technologie repose sur de minuscules impulsions lumineuses, ce qui limite considérablement les risques pour la sécurité. Nous sommes conformes aux directives européennes ATEX pour les environnements potentiellement explosifs, par exemple.»
Senergetics vise le lancement d’un produit commercial – une combinaison de matériel et de logiciel par abonnement – d’ici la fin de l’année.