Les composants électroniques connaissent une évolution constante, repoussant les limites du stockage d’informations. Une étude récente apporte un éclairage inédit sur le fonctionnement des memristors, dispositifs capables de conserver des données même en l’absence d’alimentation électrique.
La séparation de phase : un phénomène clé pour la mémoire non volatile
Les chercheurs de l’Université du Michigan ont mis en lumière le rôle fondamental de la séparation de phase dans la capacité des memristors à retenir l’information. Ce phénomène, comparable à la séparation de l’huile et de l’eau, s’associe à la diffusion de l’oxygène pour permettre à ces composants électroniques de conserver les données après la coupure de l’alimentation.
Jusqu’à présent, les modèles théoriques ne parvenaient pas à expliquer pleinement la rétention d’information à long terme observée dans les expériences. Jingxian Li, doctorante en sciences des matériaux et ingénierie à l’Université du Michigan et première auteure de l’étude, a indiqué : « Les expériences ont démontré que les dispositifs peuvent conserver des informations pendant plus de 10 ans, alors que les modèles utilisés dans la communauté indiquent que les informations ne peuvent être conservées que pendant quelques heures. »
Les mémoires RRAM : un potentiel pour l’intelligence artificielle économe en énergie
L’équipe de recherche a concentré ses efforts sur un type spécifique de memristor appelé mémoire à accès aléatoire résistive (RRAM). Ces dispositifs sont considérés comme une alternative prometteuse aux mémoires RAM volatiles utilisées dans l’informatique classique, notamment pour les applications d’intelligence artificielle économes en énergie.
Le dispositif RRAM étudié, une mémoire à changement de valence (VCM) de type filamentaire, se compose d’une couche isolante d’oxyde de tantale prise en sandwich entre deux électrodes de platine. L’application d’une tension spécifique provoque la formation d’un filament conducteur, permettant le passage du courant électrique. Ce processus réversible offre la possibilité de stocker des informations binaires.
La taille des filaments : un facteur déterminant pour la rétention de l’information
La microscopie à force atomique a été utilisée par les chercheurs pour observer la formation de filaments d’une largeur d’environ cinq nanomètres dans les dispositifs RRAM. Yiyang Li, professeur assistant en sciences des matériaux et ingénierie à l’Université du Michigan et auteur principal de l’étude, a expliqué : « Dans ces dispositifs, les ions d’oxygène préfèrent s’éloigner du filament et ne diffuseront jamais en arrière, même après une période indéfinie. Ce processus s’apparente à la façon dont un mélange d’eau et d’huile ne se mélangera pas, quel que soit le temps d’attente, car ils ont une énergie plus faible dans un état démixé. »
Les expériences ont révélé que la taille des filaments influence considérablement le comportement de rétention. Les filaments de moins de 5 nanomètres se dissolvent avec le temps, tandis que ceux de plus de 5 nanomètres se renforcent. Cette différence ne s’explique pas par la seule diffusion, soulignant ainsi l’importance de la séparation de phase dans ce processus.
Des applications concrètes pour le futur
Les résultats de cette étude laissent entrevoir de nombreuses applications potentielles. L’équipe de recherche a déjà réussi à prolonger la rétention de mémoire d’une puce mémoire résistante aux radiations, passant d’un jour à plus de 10 ans. Cette amélioration significative pourrait s’avérer particulièrement utile pour l’exploration spatiale.
D’autres domaines bénéficieront de ces avancées, notamment le calcul en mémoire pour des applications d’intelligence artificielle plus économes en énergie, ou encore le développement de peau électronique. Cette interface électronique extensible, conçue pour reproduire les capacités sensorielles de la peau humaine, trouvera des applications dans les prothèses, les trackers de fitness ou encore la robotique de précision.
Etude : « Thermodynamic origin of nonvolatility in resistive memory » (DOI: 10.1016/j.matt.2024.07.018