L’innovation technologique repose souvent sur la capacité à exploiter les matériaux existants sous de nouvelles formes. L’enjeu réside dans la manière dont ces matériaux peuvent être adaptés pour répondre aux besoins actuels tout en respectant l’environnement. Une équipe de chercheurs canadiens a franchi une étape significative dans ce domaine en concevant une encre à base de graphène, ouvrant ainsi des horizons insoupçonnés dans divers secteurs industriels.
Des scientifiques de l’Université de Waterloo ont mis au point une encre permettant d’imprimer en 3D du graphène, un matériau connu pour ses propriétés exceptionnelles. Leur invention se distingue par son caractère écologique et sa polyvalence. L’encrage en question ne nécessite aucun solvant chimique, contrairement aux alternatives disponibles sur le marché. Cette caractéristique est particulièrement intéressante pour limiter les impacts environnementaux liés à la production de matériaux avancés.
Le graphène, bien que reconnu pour sa résistance mécanique, sa conductivité électrique et ses performances thermiques, était jusqu’à présent difficile à manipuler en raison de sa forme poudreuse. Les chercheurs ont surmonté cet obstacle en créant des nanofeuilles capables de se disperser dans l’eau sans perdre leur conductivité. Ce procédé unique a permis de produire la première encre entièrement composée de graphène.
«La mise en forme de matériaux graphitiques complexes pour des applications sophistiquées constituait un défi majeur freinant leur adoption généralisée», a affirmé Dr. Milad Kamkar, professeur au Département de génie chimique de l’Université de Waterloo. Selon lui, cette percée technique permet désormais d’imprimer en 3D le graphène sous n’importe quelle forme.
Vers une intégration dans des produits quotidiens
L’utilisation potentielle de cette encre s’étend à plusieurs domaines. Elle pourrait être employée avec des imprimantes 3D pour fabriquer des capteurs destinés aux montres connectées ou aux bracelets de fitness. Des dispositifs de surveillance du glucose pourraient également voir le jour grâce à cette technologie, offrant ainsi une solution innovante aux personnes atteintes de diabète.
Dans l’industrie automobile, des pièces imprimées en 3D à partir de graphène permettraient d’alléger les véhicules, entraînant une réduction conséquente de la consommation de carburant. En outre, ces pièces présenteraient une meilleure durabilité, améliorant ainsi la longévité des véhicules.
Les filtres conçus à partir de cette encre pourraient purifier l’eau, voire la désaliniser. De telles innovations contribueraient grandement à l’accès à une eau potable propre dans des régions défavorisées. D’autres applications incluent des structures super-absorbantes utilisées pour nettoyer les marées noires ou encore capturer le dioxyde de carbone atmosphérique afin d’atténuer les effets du changement climatique.
Un processus électrochimique novateur
Pour élaborer leur encre, l’équipe de recherche a développé un procédé électrochimique en deux étapes adapté à une production à grande échelle. Une méthode appelée intercalation, consistant à insérer une molécule entre les couches de graphite, a été spécialement conçue. Cette approche garantit une production continue de nanofeuilles de graphène directement dans l’eau.
«Nos progrès technologiques modernes ont engendré de nouveaux défis environnementaux», a ajouté Milad Kamkar, qui dirige également le Laboratoire de conception multiscale des matériaux à Waterloo. Il a ajouté : «Pour y faire face, il est impératif de concevoir des matériaux plus efficaces que ceux actuellement disponibles. Cela passe par un contrôle précis des propriétés matérielles à différentes échelles, allant du niveau moléculaire et nanométrique jusqu’à l’échelle macroscopique.»
Prochaines étapes et perspectives futures
Les chercheurs prévoient désormais d’explorer davantage les applications avancées de leur encre, notamment dans le domaine de la remédiation environnementale et de la capture du dioxyde de carbone. Ces travaux bénéficieront probablement d’une collaboration accrue avec des institutions internationales, telles que celles ayant participé à ce projet initial, y compris l’Université de Calgary, l’Université de Colombie-Britannique et l’Université Aalto en Finlande.
En somme, cette avancée illustre comment des solutions techniques ingénieuses peuvent répondre simultanément aux exigences industrielles et environnementales. Grâce à une approche méthodique et collaborative, l’équipe a réussi à transformer un matériau aussi complexe que le graphène en une ressource accessible et adaptable à une multitude d’applications.
Légende illustration : Le logo de l’Université du Wisconsin à l’encre de graphène
Article : « Additive-free graphene-based inks for 3D printing functional conductive aerogels » – DOI : /2024/ta/d4ta03082f