L’exploration spatiale repose sur des technologies toujours plus sophistiquées, mais dont l’accès reste souvent limité par des coûts prohibitifs et des processus de fabrication complexes. Les propulseurs électrospray, bien que performants pour les manœuvres orbitales précises, n’échappent pas à cette règle. Une équipe du MIT a récemment proposé une solution innovante qui pourrait modifier ce paradigme en rendant ces dispositifs accessibles à un plus grand nombre d’acteurs.
Les moteurs électrospray exploitent un champ électrique appliqué à un liquide conducteur, générant ainsi un jet à haute vitesse de minuscules gouttelettes capables de propulser un satellite. Ces dispositifs se distinguent par leur efficacité supérieure à celle des puissants moteurs chimiques utilisés lors des lancements. Cependant, leur production traditionnelle s’appuie sur des techniques coûteuses et chronophages issues des salles blanches de fabrication de semi-conducteurs.
L’équipe du MIT a contourné cet obstacle en démontrant la faisabilité d’un moteur électrospray entièrement imprimé en 3D. Leur approche repose sur l’utilisation de matériaux et de méthodes d’impression tridimensionnelle commercialement disponibles, permettant une production rapide et nettement moins onéreuse. «Nous souhaitons démocratiser le matériel spatial», a affirmé Luis Fernando Velásquez-García, principal scientifique de recherche au Laboratoires de technologie des microsystèmes (MTL) du MIT.
Un procédé modulaire pour des composants complexes
La conception d’un moteur électrospray implique une intégration complexe entre des composants macroscopiques et microscopiques. Le système repose sur un réservoir de propergol qui circule à travers des canaux microfluidiques jusqu’à une série d’émetteurs. Un champ électrostatique est ensuite appliqué à la pointe de chaque émetteur, déclenchant un effet électrohydrodynamique qui façonne la surface libre du liquide en un cône meniscale éjectant un flux de gouttelettes chargées.
Pour surmonter les défis liés à cette architecture, les chercheurs ont adopté une approche modulaire combinant deux techniques d’impression 3D distinctes. La première, appelée impression par polymérisation à deux photons, a permis de fabriquer des pointes d’émetteurs extrêmement fines et des capillaires uniformes. La seconde, basée sur le traitement numérique de la lumière, a été utilisée pour produire le bloc collecteur, une pièce plus volumineuse qui intègre les modules d’émetteurs et l’électrode extractrice.
«Chaque technologie excelle à une certaine échelle. En les combinant, il devient possible de tirer parti des avantages spécifiques de chacune», a expliqué Velásquez-García. Cette synergie technique a permis de créer un prototype fonctionnel comprenant 32 émetteurs opérant de manière coordonnée.

Performance optimisée grâce à une modulation innovante
Outre leur méthode de fabrication, les chercheurs ont exploré les interactions entre les matériaux d’impression et le propergol conducteur. Des tests chimiques rigoureux ont été réalisés pour garantir la compatibilité et éviter toute corrosion ou fissuration, des phénomènes indésirables pour des équipements destinés à fonctionner sans maintenance prolongée.
Une découverte notable concerne l’impact de la modulation de tension sur le flux de gouttelettes. En ajustant cette tension, les chercheurs ont obtenu une plage de poussée plus large qu’en modulant simplement la pression du propergol. Ce résultat pourrait simplifier considérablement la conception des systèmes de propulsion, éliminant ainsi le besoin de réseaux complexes de tuyaux, de vannes ou de signaux de pression.
Le prototype final a surpassé les performances des moteurs électrospray existants, tout en étant plus léger et économique. «Nous avons pu démontrer qu’un propulseur plus simple peut produire de meilleurs résultats», a conclu Velásquez-García, mettant en avant l’efficacité de leur approche.

Vers une application spatiale généralisée
Au-delà de leur prototype actuel, les chercheurs envisagent d’explorer plusieurs axes d’amélioration. Parmi eux figurent la densification et l’agrandissement des tableaux d’émetteurs, ainsi que l’intégration de plusieurs électrodes pour découpler les processus de déclenchement de l’éjection électrohydrodynamique de la configuration du jet émis. À long terme, ils espèrent démontrer l’utilisation d’un moteur électrospray entièrement imprimé en 3D dans le cadre d’une mission CubeSat, y compris pour sa phase de désorbitation.
Cette avancée pourrait non seulement réduire les coûts associés aux missions spatiales, mais aussi favoriser une innovation plus distribuée dans le domaine de l’exploration orbitale. Les implications industrielles et académiques sont vastes, avec un potentiel particulier pour les petites institutions cherchant à participer activement à la recherche spatiale.
Légende illustration : Les ingénieurs du MIT ont fait la démonstration du premier moteur d’électrospray entièrement imprimé en 3D et émettant des gouttelettes. Ce dispositif, qui serait idéal pour permettre aux petits satellites d’effectuer des manœuvres en orbite, peut être produit pour une fraction du coût des propulseurs traditionnels.
Article : « High-Impulse, Modular, 3D-Printed CubeSat Electrospray Thrusters Throttleable via Pressure and Voltage Control » – DOI : 10.1002/advs.202413706