Les particules en suspension dans l’air, invisibles à l’œil nu mais omniprésentes, posent des questions croissantes quant à leurs effets sur la santé humaine et les écosystèmes. Leur rôle dans la formation de composés secondaires tels que le sulfate demeure mal compris, alors que ces substances amplifient la pollution atmosphérique. Une récente étude menée par une équipe internationale sous la direction de KAUST offre un nouvel éclairage sur ce phénomène complexe.
Un phénomène négligé : la contribution des aérosols au sulfate atmosphérique
Des chercheurs ont exploré les mécanismes chimiques impliquant des aérosols organiques issus de la combustion de biomasse. Ces particules, souvent présentes lors d’événements comme les feux de forêt, contiennent des molécules capables d’absorber la lumière et de générer des états excités dits «triplets». Ce processus, bien que rarement pris en compte dans les modèles climatiques, semble jouer un rôle déterminant dans la conversion du dioxyde de soufre en sulfate. Les travaux ont permis de montrer que cette transformation s’avère particulièrement active dans les régions sujettes aux incendies.
La découverte repose sur des expériences utilisant un réacteur à flux d’aérosols pour reproduire les interactions entre les particules submicroniques et l’atmosphère. Des taux d’oxydation trois ordres de grandeur supérieurs à ceux observés dans des solutions massives ont été mesurés. Cette observation confirme que les états triplet, jusqu’alors sous-estimés, catalysent des réactions cruciales dans la formation de sulfate.
Une menace sanitaire et environnementale exacerbée
Les aérosols primaires et secondaires sont responsables de troubles respiratoires et cardiovasculaires ayant entraîné sept millions de décès prématurés chaque année. En Arabie saoudite, où les concentrations d’aérosols figurent parmi les plus élevées mondialement, l’espérance de vie moyenne s’est raccourcie de près de 1,5 an. Les particules issues de la combustion de biomasse représentent entre 60 et 85 % des aérosols organiques primaires émis annuellement. Elles absorbent également la lumière solaire, accentuant les phénomènes de brouillard et contribuant au réchauffement atmosphérique.
« Les simulations indiquent que la formation de sulfate induite par les états triplet augmente les niveaux de sulfate dans les régions riches en aérosols organiques issus de la combustion de biomasse », a déclaré Zhancong Liang, soulignant ainsi l’importance de prendre en compte ces dynamiques dans les modèles atmosphériques actuels. Cette inclusion pourrait permettre une meilleure anticipation des épisodes de pollution secondaire.
Vers une approche prédictive des réactions chimiques atmosphériques
Les scientifiques prévoient désormais de développer un cadre prédictif basé sur les structures chimiques des aérosols organiques issus de la combustion de biomasse. Cependant, la diversité et l’ambiguïté mécanique de ces composés rendent leur paramétrisation complexe. « Il est nécessaire d’utiliser des échantillons présentant des compositions variées pour examiner leurs interactions avec différentes molécules atmosphériques, telles que les composés organiques volatils », a ajouté Liang, soulignant un besoin urgent de recherche complémentaire.
Leurs efforts visent à affiner la compréhension des interactions entre les molécules excitées et les autres composants atmosphériques. L’objectif ultime consiste à intégrer ces données dans des modèles climatiques globaux afin d’améliorer la précision des prédictions concernant la pollution secondaire et ses impacts environnementaux.
Une contribution significative à la gestion de la qualité de l’air
L’étude réalisée par l’équipe dirigée par Chak Chan et Zhancong Liang a permis d’identifier un mécanisme jusque-là négligé dans la formation de sulfate. Les résultats obtenus illustrent comment les particules issues de la combustion de biomasse peuvent accélérer les réactions chimiques atmosphériques. Une meilleure compréhension de ces processus pourrait aboutir à des stratégies plus efficaces pour limiter les concentrations de polluants secondaires.
En somme, l’intégration des paramètres cinétiques découverts dans les modèles existants pourrait non seulement améliorer la fiabilité des prédictions météorologiques, mais aussi offrir des pistes concrètes pour atténuer les effets délétères des activités humaines sur l’environnement.
Légende illustration : Les aérosols issus de la combustion de la biomasse représentent 60 à 85 % du total des aérosols organiques primaires émis chaque année, ce qui constitue une grave menace pour l’environnement et contribue à sept millions de décès prématurés chaque année. Crédit : Kaust
Liang, Z., Zhou, L., Chang, Y., Qin, Y. & Chan, C. K. Biomass-burning organic aerosols as a pool of atmospheric reactive triplets to drive multiphase sulfate formation. Proceedings of the National Academy of Sciences 121, e2416803121 (2024).| article.