Et si l’élément le plus abondant de nos océans devenait la clé pour alimenter nos voitures et nos réseaux électriques ? Les chercheurs du laboratoire Argonne ont peut-être trouvé la réponse avec une nouvelle génération de batteries sodium-ion.
Les batteries lithium-ion dominent actuellement le marché des véhicules électriques et du stockage d’énergie renouvelable. Cependant, face à la demande croissante, des pénuries de lithium sont prévues dans les 5 à 10 prochaines années. Les batteries sodium-ion représentent une alternative intéressante, le sodium étant plus abondant et moins coûteux.
Jusqu’à présent, un obstacle majeur freinait leur commercialisation : les performances de la cathode (l’électrode positive) se dégradaient rapidement au fil des cycles de charge et décharge.
Gui-Liang Xu, chimiste au Laboratoire national d’Argonne du Département de l’Énergie des États-Unis, a affirmé : « Les batteries sodium-ion se présentent comme une alternative convaincante aux batteries lithium-ion en raison de l’abondance et du coût inférieur du sodium. »
Une nouvelle approche pour la cathode
L’équipe d’Argonne a développé une nouvelle conception de cathode à base d’oxyde de sodium, s’inspirant d’un modèle précédent pour les batteries lithium-ion. La structure des particules microscopiques de la cathode ressemble à un fruit exotique : un noyau riche en nickel entouré d’une chair composée de cobalt et de manganèse.
- Un mélange de métaux de transition (nickel, cobalt, fer ou manganèse)
- Une distribution non uniforme : noyau riche en nickel, enveloppe composée de cobalt et manganèse
- Le manganèse en surface assure la stabilité structurelle
- Le nickel au cœur offre une grande capacité de stockage d’énergie
Résoudre le problème des fissures
Les tests initiaux ont révélé une baisse progressive de la capacité de stockage due à l’apparition de fissures dans les particules. Ces fissures étaient causées par la tension entre le noyau et l’enveloppe lors des cycles.
Pour éliminer la tension, les chercheurs ont affiné leur méthode de préparation de la cathode :
- Utilisation d’un précurseur hydroxyde contenant nickel, cobalt et manganèse
- Création de deux versions : une avec un gradient de métaux du cœur à la surface, l’autre avec une distribution uniforme
- Chauffage du mélange avec de l’hydroxyde de sodium jusqu’à 600°C
- Surveillance en temps réel des changements structurels grâce à des installations de pointe
L’analyse a montré que la vitesse de chauffage était un facteur déterminant. Un chauffage lent (1°C par minute) a permis d’éviter la formation de fissures dans les particules à gradient. Les essais menés sur des cellules de petite taille, utilisant des particules de cathode préparées à un taux de montée en température plus lent, ont démontré le maintien de performances élevées sur plus de 400 cycles.
Le Dr Gui-Liang Xu souligne à nouveau : « La prévention des fissures pendant la synthèse de la cathode apporte des bénéfices considérables lors des cycles de charge et de décharge ultérieurs. Bien que la densité énergétique des batteries sodium-ion ne soit pas encore suffisante pour l’alimentation de véhicules sur de longues distances, elles s’avèrent parfaitement adaptées à la conduite urbaine«
Perspectives d’avenir
Bien que les batteries sodium-ion n’aient pas encore une densité énergétique suffisante pour les longs trajets, elles sont idéales pour la conduite urbaine. L’équipe travaille maintenant à éliminer le nickel de la cathode pour réduire davantage les coûts et améliorer la durabilité.
À terme, les batteries sodium-ion pourraient offrir un coût réduit, une longue durée de vie et une densité énergétique comparable à celle des cathodes au phosphate de fer lithium utilisées dans de nombreuses batteries lithium-ion actuelles. Cette avancée pourrait conduire à des véhicules électriques plus durables avec une autonomie satisfaisante.
Khalil Amine, chercheur distingué d’Argonne, a conclu : « Les perspectives s’annoncent très favorables pour les futures batteries sodium-ion, combinant faible coût, longue durée de vie, et une densité énergétique comparable à celle de la cathode au phosphate de fer lithié actuellement utilisée dans de nombreuses batteries lithium-ion. Cette avancée pourrait conduire à la conception de véhicules électriques plus durables offrant une autonomie satisfaisante. »
Les progrès réalisés par les chercheurs d’Argonne dans le domaine des batteries sodium-ion élargissent les possibilités pour l’avenir de la mobilité électrique et du stockage d’énergie. En résolvant le problème des fissures dans les cathodes, ils ont franchi un obstacle majeur vers la commercialisation de cette technologie. Les batteries sodium-ion pourraient bientôt jouer un rôle important dans la transition vers des solutions énergétiques plus durables et accessibles, transformant notre façon de stocker et d’utiliser l’énergie dans un avenir proche.
Cette recherche a été publiée pour la première fois dans Nature Nanotechnology. Outre Zuo, Wenqian Xu, Gui-Liang Xu et Amine, les auteurs d’Argonne sont Jihyeon Gim, Tianyi Li, Dewen Hou, Yibo Gao, Shiyuan Zhou, Chen Zhao, Xin Jia, Zhenzhen Yang et Yuzi Liu. Xianghui Xiao, de Brookhaven, a également apporté sa contribution.
Légende iIllustration : Représentation artistique illustrant la découverte clé selon laquelle l’abaissement de la vitesse d’échauffement pendant la préparation de la cathode pour les batteries sodium-ion a éliminé le problème de déformation et de fissuration dans les particules noyau-coquille avec un gradient de concentration. Crédit: Argonne National Laboratory.