Les haies, ces éléments naturels souvent négligés dans les paysages agricoles, se révèlent être bien plus qu’un simple décor champêtre. Leur rôle dans le stockage du carbone et la préservation des écosystèmes suscite un intérêt croissant, à mesure que les politiques environnementales s’orientent vers des solutions basées sur la nature. Une étude récente apporte des données précises sur leur capacité à enrichir les sols en carbone, tout en soulignant l’importance de leur gestion durable.
Une recherche menée par une équipe scientifique sous la direction de l’Université de Leeds a permis de quantifier les effets des haies sur le stockage du carbone dans les sols. Les résultats montrent que les sols situés sous les haies contiennent en moyenne 40 tonnes de carbone supplémentaires par hectare comparativement aux prairies adjacentes. Cette différence reste constante quel que soit l’endroit en Angleterre, indépendamment des variations climatiques, géologiques ou pédologiques. L’étude repose sur des échantillons prélevés dans neuf fermes réparties sur cinq sites distincts : Yorkshire, Cumbria et West Sussex.
Le processus d’enrichissement carboné est attribué à la décomposition progressive des feuilles tombées, des racines et autres matières organiques incorporées dans le sol. Les haies plus anciennes présentent une capacité supérieure à stocker le carbone, bien qu’une limite maximale soit atteinte au fil du temps. Les conclusions de l’étude confirment l’efficacité des haies comme levier pour améliorer la qualité des sols.
Des bénéfices multiples pour les écosystèmes agricoles
Au-delà de leur rôle dans le stockage du carbone, les haies offrent des avantages écologiques non négligeables. Elles constituent des corridors biologiques essentiels reliant divers habitats au sein des terres agricoles. Ces structures végétales fournissent également nourriture et refuge à une multitude d’espèces, y compris des plantes, des animaux sauvages et même du bétail. « Il est bon d’avoir la science pour appuyer ce que nous, agriculteurs, savons déjà« , a affirmé James Robinson, agriculteur laitier en Cumbrie et président anglais du Réseau d’agriculture respectueuse de la nature. Il ajoute : « Les haies doivent être perçues comme un atout majeur tant pour les agriculteurs que pour le paysage.«
En effet, les haies jouent un rôle crucial dans la santé du bétail, la protection des cultures et la biosécurité. De plus, elles favorisent la biodiversité visible sur les exploitations, avec une augmentation notable des oiseaux, des chauves-souris et des pollinisateurs. Selon Dr Sofia Biffi, chercheuse en écosystèmes agricoles, « les agriculteurs peuvent désormais savoir qu»ils participent activement au stockage du carbone dans les sols grâce à leurs efforts de plantation. »
Un cadre politique renforcé pour les haies
La reconnaissance scientifique des bienfaits des haies s’accompagne d’un soutien politique accru. Le gouvernement britannique a fixé un objectif ambitieux : planter 72 500 kilomètres de haies d’ici 2050. Parallèlement, le Comité britannique sur le changement climatique recommande une augmentation de 40 % du réseau de haies pour atténuer les effets du changement climatique. En 2024, des législations relatives à la gestion des haies ont été adoptées, imposant notamment une zone tampon de deux mètres autour des haies où l’utilisation de pesticides et d’engrais est interdite. Une interdiction de taille est également appliquée durant les mois d’été.
Pippa Chapman, co-auteure de l’étude et professeure de biogéochimie à l’Université de Leeds, a souligné l’importance de maintenir les haies existantes. Elle explique : « Si une haie est retirée, le carbone supplémentaire stocké dans le sol s’échappe rapidement dans l’atmosphère. » Ainsi, des actions telles que la plantation, le comblement des lacunes et l’élagage sont encouragées pour protéger ce capital naturel.
Des implications pour les objectifs climatiques nationaux
Les données recueillies lors de cette étude pourraient servir à modéliser l’impact des nouvelles plantations de haies sur les objectifs de neutralité carbone du Royaume-Uni. L’équipe de recherche, composée de membres issus des départements de géographie et de biosciences des universités de Leeds et de Sheffield, envisage d’approfondir leurs travaux pour explorer davantage les interactions entre les haies et les sols.
Les résultats obtenus illustrent non seulement l’importance des haies dans la lutte contre le changement climatique mais aussi leur rôle dans la transition vers des pratiques agricoles plus durables. Les haies, en tant qu’éléments vivants du paysage, incarnent une solution naturelle qui conjugue productivité agricole et préservation environnementale.
Légende illustration : Les haies augmentent de 40 % le stockage du carbone dans le sol
Article : « Consistent soil organic carbon accumulation under hedges driven by increase in light particulate organic matter » – DOI : 10.1016/j.agee.2025.109471
Source : Université de Leeds