L’essor fulgurant des technologies d’intelligence artificielle générative suscite autant d’enthousiasme que d’inquiétudes quant à leurs conséquences environnementales. Ces systèmes, capables de produire du texte, des images ou encore des simulations complexes, s’avèrent particulièrement gourmands en ressources. Leur empreinte écologique, bien qu’encore mal évaluée, pourrait peser lourdement sur les écosystèmes et les infrastructures énergétiques mondiales. Quels mécanismes sous-tendent cette voracité ?
Les modèles d’intelligence artificielle générative nécessitent une puissance de calcul phénoménale pour leur entraînement initial. Des architectures comme GPT-4, qui comptent plusieurs milliards de paramètres, ont été formées grâce à des clusters informatiques fonctionnant à plein régime. Selon des estimations récentes, la phase d’entraînement seule a consommé 1 287 mégawattheures d’électricité, suffisamment pour alimenter environ 120 foyers américains pendant un an. Une telle dépense s’est traduite par l’émission de près de 552 tonnes de dioxyde de carbone.
Des fluctuations énergétiques intenses marquent également le processus d’apprentissage. Noman Bashir, chercheur au MIT Climate and Sustainability Consortium, a souligné que ces variations doivent être absorbées par des générateurs diesel afin de protéger le réseau électrique. «Le besoin en puissance pour un cluster d’entraînement peut atteindre sept à huit fois celui d’un travail informatique standard« , a-t-il affirmé, illustrant ainsi l’ampleur des besoins.
Une demande croissante pour les centres de données
Les centres de données, véritables poumons numériques de cette technologie, voient leur consommation électrique grimper de manière exponentielle. En Amérique du Nord, celle-ci est passée de 2 688 mégawatts fin 2022 à 5 341 mégawatts douze mois plus tard. À l’échelle mondiale, les installations ont consommé 460 térawattheures en 2022, plaçant ces infrastructures entre l’Arabie saoudite et la France en termes de consommation énergétique annuelle.
Le rythme effréné de construction de nouveaux centres ne semble pas ralentir. D’ici 2026, leur consommation devrait atteindre 1 050 térawattheures, soit davantage que celle du Japon ou de la Russie. Les experts mettent en garde : la majorité de cette énergie proviendra de centrales thermiques alimentées par des combustibles fossiles.
La face cachée de l’inférence
Même après leur entraînement, les modèles continuent de solliciter des ressources importantes. Lorsqu’un utilisateur interagit avec un outil tel que ChatGPT pour résumer un email ou générer du contenu, chaque requête exige une puissance de calcul substantielle. Il a été estimé qu’une simple interrogation consomme cinq fois plus d’électricité qu’une recherche web classique.
Bashir a relevé que les interfaces intuitives masquent souvent aux utilisateurs l’impact environnemental de leurs actions. «L’aisance avec laquelle on accède à ces services dissuade de réduire son usage», a-t-il expliqué. Par ailleurs, les versions successives des modèles, régulièrement mises à jour, rendent obsolètes les précédentes itérations, gaspillant ainsi l’énergie investie dans leur formation initiale
Au-delà de la consommation électrique, des ressources précieuses comme l’eau sont mobilisées pour refroidir les équipements. Pour chaque kilowattheure utilisé, deux litres d’eau sont nécessaires. Cette utilisation intensive perturbe les écosystèmes locaux et met à rude épreuve les réserves municipales.
La fabrication des processeurs graphiques (GPU), essentiels au traitement des charges de travail intensives, génère elle aussi des externalités négatives. Extraire les matériaux bruts requis implique des procédés miniers polluants et l’utilisation de produits chimiques toxiques. Transporter ces composants ajoute encore aux émissions carbone associées.
Vers une approche plus responsable ?
Elsa A. Olivetti, professeure au département de science et génie des matériaux du MIT, a rappelé que l’empreinte écologique de l’IA générative dépasse largement la simple consommation électrique. «Il existe des conséquences systémiques persistantes liées aux choix effectués», a-t-elle déclaré. Un article publié en 2024 par son équipe insiste sur la nécessité d’évaluer tous les coûts environnementaux et sociétaux avant de poursuivre leur développement.
Malgré tout, des pistes existent pour atténuer ces effets. Une meilleure gestion des infrastructures, des innovations dans le domaine des semi-conducteurs, ainsi qu’une transparence accrue sur les impacts permettraient d’alléger le bilan global.
Légende illustration : MIT News explore les implications des technologies et applications d’IA générative en matière d’environnement et de développement durable. Crédit : image éditée par MIT News
Article : « The Climate and Sustainability Implications of Generative AI » – DOI: 8ulgrckc/release/2