Les interactions entre gouttes d’eau et surfaces liquides, bien que souvent négligées dans le quotidien, jouent un rôle déterminant dans des phénomènes naturels et industriels variés. La compréhension de ces mécanismes complexes permettrait non seulement d’expliquer des phénomènes environnementaux mais aussi d’affiner les modèles prédictifs utilisés dans des secteurs aussi divers que la santé publique et l’agriculture. Une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a récemment levé un coin du voile sur ces dynamiques fascinantes.
Des scientifiques du MIT ont réalisé une série d’expériences visant à capturer en détail les dynamiques complexes qui se produisent lorsque des gouttes d’eau percutent une surface liquide. Ces travaux ont été menés sous la direction de Lydia Bourouiba, professeure au département de génie civil et environnemental ainsi qu’au département de génie mécanique du MIT. Dans leur publication, les chercheurs expliquent avoir utilisé des techniques d’imagerie haute vitesse pour observer simultanément ce qui se passe au-dessus et en dessous de la surface de l’eau lors d’un impact.
Un dispositif expérimental spécifique a été mis en place afin de dispenser des gouttes d’eau de tailles et de vitesses variables dans une piscine artificielle. «Nous avons observé une évolution commune dans toutes nos expériences», souligne Lydia Bourouiba. Cette observation est suivie d’une description minutieuse des phases successives du phénomène : formation d’une cavité sous la surface, apparition d’une couronne liquide, et éjection secondaire de micro-gouttelettes avant même que la couronne n’atteigne son apogée.
Une approche combinant physique et mathématiques
Pour parvenir à ces résultats, une technique d’imagerie inspirée des travaux de Harold «Doc» Edgerton, inventeur de la photographie ultrarapide, a été mise en œuvre. Les vidéos obtenues ont ensuite fait l’objet d’un traitement poussé grâce à des méthodes de traitement d’image développées en interne. Les données extraites ont permis de construire un modèle mathématique précis capable de prédire comment la forme d’une goutte évolue lorsqu’elle heurte une surface liquide.
Les chercheurs ont particulièrement porté attention à la couronne liquide, cette structure cylindrique éphémère qui s’élève juste après l’impact. Leur analyse a révélé que celle-ci est intimement liée aux propriétés de la cavité formée sous la surface. «Cette paroi cylindrique en mouvement est véritablement au cœur de tout le processus», précise Lydia Bourouiba. Elle constitue le lien entre le fluide contenu dans la piscine et les particules qui seront finalement éjectées dans l’air.
Applications potentielles dans divers domaines
La modélisation réalisée pourrait servir de base pour explorer comment des gouttes projetées peuvent transporter des particules présentes à la surface des masses d’eau. «Les impacts de gouttes sur des couches liquides sont omniprésents», rappelle la professeure. Ce type de phénomène peut entraîner la formation de nombreuses micro-gouttelettes secondaires capables de transporter des pathogènes, des particules ou des microbes présents à la surface des plans d’eau contaminés.
En agriculture, ces travaux pourraient contribuer à mieux comprendre la dispersion des pesticides dans l’environnement. Dans le domaine de la santé publique, ils offrent des pistes pour analyser la propagation de contaminants via les éclaboussures. Le modèle mathématique élaboré permet désormais d’étudier ces phénomènes en trois dimensions, ce qui constituait jusqu’alors un défi technologique majeur.
Une continuité avec les travaux historiques
L’équipe de chercheurs s’inscrit dans une lignée de recherches fondamentales initiées par des figures emblématiques telles qu’Harold «Doc» Edgerton. Cependant, contrairement aux études antérieures focalisées principalement sur les aspects visuels des éclaboussures, leurs travaux intègrent une dimension analytique plus poussée. « Les descriptions et la compréhension des phénomènes sous-jacents étaient jusqu’à présent très cloisonnées« , constate Lydia Bourouiba. L’approche adoptée ici tend à combler cette lacune en reliant systématiquement les observations sous la surface avec celles effectuées au-dessus.
Le développement de ce modèle mathématique a mobilisé plusieurs membres de l’équipe, dont Raj Dandekar, ancien doctorant, et (Eric) Naijian Shen, postdoctorant. Ensemble, ils ont réussi à formuler des équations d’évolution capables de relier les différentes propriétés d’une goutte impactante – largeur de sa cavité, épaisseur et profils de vitesse de la paroi de sa couronne – et de prédire leur évolution dans le temps et l’espace.
Légende illustration : Les ingénieurs du MIT ont pris des vidéos à grande vitesse de gouttelettes s’écoulant dans une piscine profonde, afin de suivre l’évolution du fluide, image par image, milliseconde par milliseconde. Crédit : MIT
Source : MIT