L’énergie solaire et éolienne, bien que intermittentes, s’imposent comme des piliers de la transition énergétique. Cette montée en puissance confronte les réseaux électriques à un défi sans précédent : absorber des flux variables tout en garantissant une stabilité constante. Dans ce contexte, les systèmes de stockage par batterie à grande échelle émergent comme une solution structurante, capables de lisser les pics de production et de répondre aux besoins en temps réel. Leur déploiement s’accélère, porté par des innovations technologiques et des dynamiques économiques favorables, tandis que l’Europe se prépare à en débattre lors de l’EES Europe, salon de référence organisé à Munich du 7 au 9 mai 2025.
L’Allemagne affiche cette transition. Fin 2023, ses capacités installées atteignaient 1,4 GWh, un chiffre modeste qui masque une trajectoire explosive : selon une étude de Fraunhofer, le parc national pourrait atteindre 61 GWh d’ici 2027, puis 136 GWh en 2045. Ces projections, corroborées par des données intermédiaires (104 GWh prévus pour 2030, 178 GWh pour 2040), reflètent un engouement sans précédent. D’ici la fin 2024, plus de 650 projets, représentant 226 GW de puissance, étaient déjà en attente d’autorisation, témoignant d’un appétit croissant des investisseurs pour ce secteur.
Coûts en baisse et rentabilité accélérée
Cette croissance s’explique par deux facteurs convergents. Premièrement, l’effondrement des coûts des batteries lithium-ion, dont les prix ont chuté de près de 90 % au cours de la dernière décennie, réduisant drastiquement les dépenses d’installation et d’exploitation. Deuxièmement, les opportunités de revenus se diversifient. Les systèmes de stockage permettent désormais de spéculer sur les fluctuations du marché de l’électricité, en achetant l’énergie excédentaire aux heures creuses pour la revendre aux pics de demande. Leonhard Probst, chercheur à l’Institut Fraunhofer pour les systèmes énergétiques solaires (ISE), estime qu’« une installation typique pourrait s’amortir en trois ans », laissant douze années de profits nets sur une durée de vie de quinze ans.
Obstacles réglementaires et normatifs
Malgré ces atouts, le secteur bute sur des freins structurels. SolarPower Europe souligne l’urgence de moderniser les cadres réglementaires pour accompagner l’émergence de systèmes de stockage longue durée (4 à 8 heures), jugés essentiels pour compenser les intermittences saisonnières. Dries Acke, vice-président de l’association, pointe du doigt les restrictions techniques héritées d’une ère pré-renouvelable, comme les limites de puissance imposées aux installations ou « les normes inadaptées aux nouvelles technologies ». Sans réforme, ces contraintes pourraient freiner le rythme des investissements.
Au-delà des gains économiques, ces infrastructures jouent un rôle systémique. En stockant l’énergie excédentaire et en la restituant aux moments stratégiques, elles facilitent l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau, tout en réduisant la dépendance aux centrales à combustibles fossiles.
Une étude de Frontier Economics prévoit ainsi que, d’ici 2050, l’Allemagne pourrait économiser 12 milliards d’euros par an grâce à une gestion optimisée des réserves, notamment via une diminution des importations de gaz et une baisse des émissions de CO₂.
Les « boosters de réseau », alternative aux infrastructures traditionnelles
Parallèlement, des solutions innovantes comme les « boosters de réseau » redéfinissent la gestion des réseaux électriques. Ces systèmes de stockage ultra-rapides, déployés par des gestionnaires comme Tennet, pallient les congestions en absorbant l’électricité éolienne excédentaire dans le nord du pays pour la redistribuer vers les zones urbaines du sud. Une approche qui évite le recours coûteux à la construction de nouvelles lignes à haute tension, tout en renforçant la résilience face aux aléas climatiques.
L’essor du stockage à grande échelle marque une étape clé dans la transition énergétique. En combinant innovations technologiques, modèles économiques robustes et réformes structurelles, l’Europe pourrait accélérer son indépendance vis-à-vis des énergies fossiles tout en sécurisant ses réseaux. Reste que le défi réside autant dans l’adaptation des politiques publiques que dans les progrès techniques. Comme le rappellent les experts, le succès dépendra de la capacité à transformer ces systèmes en maillons centraux de la planification énergétique, et non en simples compléments aux énergies renouvelables.
Légende illustration : La baisse des coûts d’installation et d’exploitation ainsi que des prix des batteries stimule l’essor du stockage à grande échelle. Eco Stor GmbH
Source : EES- electrical energy storage