Alors que les véhicules électriques se positionnent comme une alternative incontournable aux motorisations thermiques, la question des batteries reste au cœur des préoccupations. La performance de ces dispositifs énergétiques conditionne non seulement l’expérience utilisateur mais aussi la viabilité écologique et économique du secteur automobile. Dans ce contexte, un projet européen a mobilisé plusieurs acteurs pour repenser les fondamentaux des batteries lithium-ion, en visant leur déploiement industriel à grande échelle.
Le projet SeNSE, financé dans le cadre du programme Horizon 2020, s’est achevé début 2024 après quatre années de recherche intensive. Ce projet d’envergure, doté d’un budget global dépassant les 10 millions d’euros, fut piloté par Empa, un institut suisse spécialisé dans les matériaux pour la conversion d’énergie. L’initiative fut portée par Corsin Battaglia, directeur du laboratoire concerné, qui réussit à fédérer onze partenaires issus tant du monde académique qu’industriel.
Les institutions collaboratrices incluaient des universités renommées telles que celle de Münster et Coventry University, ainsi que des entreprises comme Northvolt, Huntsman ou encore FPT Motorenforschung AG. Ces dernières apportèrent leur expertise pour transformer des innovations scientifiques en solutions applicables. « Nous avons travaillé sur toute la chaîne de valeur« , précise Corsin Battaglia. Une telle approche intégrative permit de couvrir l’ensemble du processus, depuis la conception des matériaux jusqu’à leur assemblage dans des modules fonctionnels.
Des avancées concrètes sur le plan technologique
La densité énergétique des nouvelles batteries fut améliorée grâce à une réduction significative de l’utilisation de cobalt dans la cathode. Ce matériau critique, dont l’extraction est souvent controversée, fut remplacé partiellement par du silicium, un élément abondant dans la croûte terrestre. Parallèlement, l’anode subit une transformation majeure avec l’introduction de silicium, augmentant ainsi la capacité de stockage d’énergie.
L’électrolyte, composant essentiel permettant le transfert d’ions entre les électrodes, fut également optimisé. Ruben-Simon Kühnel, chercheur chez Empa, détaille : « Les électrolytes conventionnels sont inflammables. » Il ajoute que l’équipe avait réussi à réduire cette caractéristique sans compromettre la conductivité, essentielle pour garantir des cycles de charge et décharge rapides. Cette innovation fut complétée par un système sophistiqué de gestion thermique développé conjointement par Coventry University et FPT Motorenforschung AG.
Grâce à des capteurs intégrés directement dans les cellules, la température interne des batteries peut désormais être surveillée en temps réel. Un algorithme spécialement conçu ajuste alors la vitesse de charge afin d’éviter tout risque de surchauffe, assurant ainsi une meilleure durabilité et sécurité.

Défis techniques et industriels surmontés
Malgré leurs succès, les équipes rencontrèrent des obstacles majeurs. La pandémie perturba les collaborations internationales, tandis que des chaînes d’approvisionnement instables et l’inflation des matières premières ralentirent certains développements. De plus, bien que les prototypes réalisés aient atteint des performances encourageantes, ils restent encore loin des standards requis pour une production massive dans une gigafactory.
« Toutes les innovations ont été transposées à l’échelle pilote« , déclare Corsin Battaglia. Cependant, pour répondre aux exigences industrielles, notamment celles de partenaires comme Northvolt, il sera nécessaire d’augmenter encore davantage la capacité de production. Cette étape impliquera un investissement massif et un engagement soutenu des acteurs économiques.
Vers de nouveaux horizons pour la recherche sur les batteries
Au-delà de SeNSE, les chercheurs continuent d’explorer d’autres voies prometteuses. Le projet IntelLiGent, lancé sous l’égide de Horizon Europe, ambitionne de concevoir des cellules haute tension exemptes de cobalt. Les quatre projets issus du même appel à propositions ont formé un cluster collaboratif, facilitant les échanges réguliers entre experts.
Les résultats obtenus lors de SeNSE ont déjà permis à plusieurs partenaires industriels de déposer des brevets et de commercialiser certaines innovations. Huntsman, par exemple, commercialise désormais un additif conducteur utilisé dans les électrodes développées dans le cadre du projet. Cette dynamique illustre comment la recherche fondamentale peut rapidement irriguer le marché.
SeNSE Le projet Horizon 2020 « SeNSE » avait pour objectif de développer la prochaine génération de batteries lithium-ion et de renforcer l’industrie européenne des batteries. Ce projet de quatre ans, soutenu par l’UE à hauteur de 10 millions d’euros, a été dirigé par l’Empa. L’Université de Münster, l’Institut Helmholtz de Münster, l’Université de Coventry au Royaume-Uni, l’Institut autrichien de technologie AIT et le Centre de recherche du Bade-Wurtemberg pour l’énergie solaire et l’hydrogène (ZSW) ainsi que de nombreux partenaires industriels ont collaboré à ce projet : Le fabricant suédois de batteries Northvolt, le centre d’innovation suisse FPT Motorenforschung AG de FPT Industrial, les start-ups françaises Solvionic et Enwires et le groupe chimique Huntsman, qui dispose d’un site de recherche à Bâle.
Légende illustration : Les nouvelles cellules lithium-ion sont plus durables, plus sûres et ont une densité énergétique plus élevée. Image : Consortium SeNSE