Comment allier légèreté et autonomie pour des dispositifs miniatures destinés à révolutionner les interventions en milieu hostile ? Une solution technologique inédite semble répondre à cette question complexe.
Des chercheurs affiliés à l’Université de Californie à San Diego et au CEA-Leti ont mis au point une configuration énergétique autonome qui repousse les limites actuelles. Leur approche repose sur des batteries solides miniaturisées, combinant densité énergétique élevée et poids plume. Cette innovation a été présentée lors de la conférence internationale IEEE ISSCC 2025 à San Francisco. L’objectif sous-jacent était de concevoir un système capable d’alimenter des appareils aussi petits qu’un ongle tout en leur offrant une autonomie prolongée.
Le concept central consiste à fractionner une batterie unique en plusieurs unités plus petites, sans perte de densité énergétique. Cette technique, qualifiée par Patrick Mercier comme un “découpage stratégique”, permet aux batteries individuelles de conserver leurs propriétés initiales tout en s’intégrant dans des systèmes ultra-compacts. Gaël Pillonnet, directeur scientifique de la division Composants Silicium du CEA-Leti, précise : “L’utilisation de batteries solides émergentes est essentielle car elles peuvent être réduites en taille sans compromettre leur performance.”
Un défi électrique résolu grâce à une configuration dynamique
Les microdrones utilisent généralement des actionneurs piézoélectriques nécessitant des tensions élevées – souvent entre quelques dizaines et centaines de volts. Or, les batteries lithium-ion conventionnelles fournissent seulement 4 volts. Pour pallier cet obstacle, des composants tels que des inducteurs ou des condensateurs sont habituellement ajoutés, mais ceux-ci alourdissent considérablement les dispositifs.
La solution proposée par l’équipe combine une configuration dite de “batterie volante” avec des batteries solides. Ce système permet de basculer dynamiquement entre des connexions en série et en parallèle selon les besoins énergétiques instantanés. “Quand le drone exige une tension supérieure, les batteries sont connectées en série pour augmenter progressivement celle-ci. En revanche, lorsqu’une capacité accrue est nécessaire, elles se reconfigurent en parallèle,” explique Patrick Mercier. Leur mécanisme s’exécute en quelques millisecondes, évitant ainsi l’ajout de composants passifs supplémentaires.
“Nous avons réussi à optimiser chaque étape du processus,” souligne Zixiao Lin, étudiant doctorant ayant participé activement à ces travaux. Le résultat final atteint une tension maximale de 56,1 volts tout en fonctionnant pendant plus de 50 heures, avec un poids total de seulement 1,8 gramme.

Récupération d’énergie et efficacité accrue
Un autre aspect clé de ce système réside dans sa capacité à récupérer l’énergie dépensée. Les batteries solides utilisées sont rechargeables, et l’actionneur piézoélectrique agit également comme un condensateur. Lorsque celui-ci est chargé à haute tension pour fonctionner, il peut ensuite restituer une partie de cette énergie vers les batteries via un processus de décharge contrôlée.
Patrick Mercier compare ce principe à celui du freinage régénératif employé dans les véhicules électriques. “Nous pouvons piloter l’actionneur de manière extrêmement efficace tout en récupérant une fraction significative de l’énergie investie, prolongeant ainsi encore davantage la durée de vie des batteries,” affirme-t-il. Grâce à cette approche, le système atteint des performances remarquables, même avec des batteries spécialement développées par le CEA-Leti. Ces dernières, dotées d’une densité énergétique supérieure, réduisent encore le poids global à 14 milligrammes.
L’étape suivante consistera à tester cette technologie dans des microrobots opérationnels. Des essais pratiques permettront d’évaluer son comportement dans des environnements réels, notamment lors d’interventions post-catastrophes où des drones minuscules pourraient inspecter des zones inaccessibles. “Nos résultats montrent que cette approche est adaptable à différentes fréquences ou tensions cibles,” conclut Gaël Pillonnet.
En attendant, les chercheurs continuent d’améliorer les batteries solides pour atteindre des niveaux de tension encore plus élevés.
Photo de la matrice du circuit intégré d’une surface totale de 2 millimètres carrés. Crédit : Patrick Mercier
Article : ‘An Autonomous and Lightweight Microactuator Driving System Using Flying Solid-State Batteries’ – Les co-auteurs sont Zixiao Lin et Patrick Mercier, UC San Diego ; et Jim Wouda, Sami Oukassi, et Gaël Pillonnet, CEA-Leti, France. – Université de Californie – San Diego