Alberto Pliego Marugán, CUNEF Universidad
L’importance qu’a prise l’énergie éolienne au cours des dernières décennies est incontestable. À tel point que plus de 23 % de l’énergie totale produite en Espagne est d’origine éolienne, ce qui en fait le premier type de production d’énergie du pays.
Cependant, transformer efficacement l’énergie cinétique du vent en électricité n’est pas une tâche facile. Pour accroître cette efficacité et cette rentabilité, le développement de parcs éoliens modernes s’accompagne d’une augmentation non seulement du nombre d’éoliennes qui les composent, mais aussi de leur taille et de la complexité de leurs systèmes.
Cette modernisation a un impact direct sur l’un des aspects les plus cruciaux de la rentabilité d’un parc éolien : la gestion de la maintenance.
Maintenir la santé des turbines
Les coûts d’exploitation et de maintenance d’un parc éolien sont très importants. Ces coûts sont encore plus élevés dans les parcs éoliens situés en mer, appelés parcs éoliens offshore, où ils peuvent représenter jusqu’à 30 % du coût total du cycle de vie.
En outre, on commence maintenant à construire des installations offshore flottantes, une technologie qui ouvre la porte à une utilisation massive de zones marines qui, jusqu’à présent, ne pouvaient pas être exploitées en raison de limitations techniques, mais qui pose de nouveaux défis en matière de gestion de la maintenance.
Preuve de l’intérêt porté à ce domaine, le gouvernement espagnol, par exemple, finance déjà certains projets de recherche pour la maintenance des parcs éoliens flottants, comme le projet FOWFAM auquel participent plusieurs universités.
Les problèmes qui peuvent survenir dans les différents systèmes d’éoliennes sont divers. Par exemple, certains des systèmes qui ont tendance à produire le plus de défaillances sont le système de tangage – qui régule la position des pales pour « capturer » plus ou moins de vent, comme on déplace la voile d’un bateau -, la boîte de vitesse et le générateur lui-même.
Outre cette diversité d’incidents possibles, il existe une multitude de variables techniques et économiques qui font de la gestion de la maintenance des parcs éoliens un problème complexe. Par exemple, les prévisions de vent, la disponibilité des ressources pour la maintenance (transport, main-d’œuvre, pièces), les restrictions légales, les temps d’arrêt, la demande d’énergie…
Ceci a donné lieu à une multitude d’études scientifiques proposant des stratégies pour optimiser cette maintenance. S’il est une chose que l’on peut déduire de toutes ces études, c’est que la meilleure façon de la perfectionner est l’analyse des données collectées à partir des éoliennes elles-mêmes ; par exemple, les données sur les températures, les vibrations, les vitesses, les courants, les tensions, etc… Celles-ci constituent une source d’information très précieuse qui permet d’obtenir un diagnostic de l’état des éoliennes.
Pour disposer de ces données, les turbines doivent être équipées de systèmes permettant de les acquérir. L’un des plus importants est le système SCADA (Supervisory Control and Data Acquisition). Ces systèmes sont chargés d’obtenir des informations et de détecter d’éventuels défauts par le biais d’analyses.
Lorsqu’une variable dépasse certains seuils préalablement établis, le système génère une alarme qui avertit les opérateurs de la nécessité d’une éventuelle intervention de maintenance. Toutefois, ces systèmes de surveillance ne sont pas infaillibles.
Garder un œil sur le gardien
Imaginons par exemple que le système enregistre en permanence la température d’un roulement. Une alarme a été configurée pour se déclencher si la valeur de cette température est supérieure à 90°C. En raison d’interférences électromagnétiques ou d’une mauvaise adaptation d’un capteur, le système SCADA reçoit une lecture erronée de 95 ºC.
Le système SCADA génère l’alarme suivante : ALERTE : Température élevée dans le palier du générateur (95°C). Cela peut obliger les opérateurs à effectuer des inspections, à réduire la charge ou même à arrêter l’éolienne pour vérifier l’état du palier, alors qu’il n’y a pas de problème réel avec le palier.
Alors, qui surveille le gardien et que se passe-t-il si le système qui détermine les actions de maintenance nécessaires tombe en panne ? C’est là que la détection des fausses alarmes prend tout son sens, car elles génèrent des coûts d’exploitation, des arrêts de production inutiles et un gaspillage de ressources techniques et humaines. Elles peuvent également empêcher ou gêner la détection d’une panne ou d’un problème réel.
Les causes possibles des fausses alarmes peuvent être très diverses. Il peut s’agir de facteurs environnementaux tels que des tempêtes ou des rafales de vent soudaines, l’impact d’un oiseau ou d’un autre objet sur les pales, des défaillances des capteurs, des pannes de communication ou même des seuils d’alarme mal réglés.
Dans tous les cas, la détection de ces fausses alarmes constitue un défi majeur pour les chercheurs. À cette fin, des solutions sont proposées grâce à l’utilisation de techniques avancées d’analyse des données.
Logique floue
L’une des techniques proposées comme outil de détection des fausses alarmes est l’utilisation de modèles basés sur la logique floue. La logique floue est une manière d’évaluer une variable de telle sorte que le résultat final n’est pas binaire, c’est-à-dire qu’il n’est pas simplement vrai ou faux. Cela permet d’adapter les résultats à des niveaux intermédiaires, ce qui permet une interprétation plus souple de la réalité.
Le contrôle des données par le biais de seuils suit une logique binaire. Si une variable sort de la plage définie, une alarme est déclenchée, sinon elle ne l’est pas. Toutefois, l’utilisation de la logique floue permet, grâce à la corrélation de toutes les variables concernées, de classer les alarmes en différents ensembles en fonction de la probabilité que ces alertes soient fausses. Ainsi, elle s’adapte aux deux environnements dans lesquels les éoliennes fonctionnent : aux irrégularités des éoliennes terrestres sur la terre ferme et aux conditions plus difficiles en mer.
En bref, la logique floue permet d’identifier les alarmes qui ont une forte probabilité d’être fausses, ce qui fournit des informations très utiles aux opérateurs pour la prise de décision.
Alberto Pliego Marugán, Chargé de cours au département des méthodes quantitatives du CUNEF, CUNEF Universidad
Cet article a été publié à l’origine dans The Conversation. En savoir plus : original.