Alors que la course technologique mondiale s’accélère, les semi-conducteurs émergent comme des composants incontournables de l’innovation, des véhicules électriques à l’intelligence artificielle. Pourtant, leur fabrication complexe et les enjeux géopolitiques interrogent : comment garantir une souveraineté technologique tout en repoussant les limites de la performance ? Une réponse pourrait bien venir des laboratoires américains, où un investissement sans précédent redéfinit les contours de la recherche en microélectronique.
Grâce à un financement de 4,3 millions de dollars octroyé par le consortium MMEC (Microelectronics Manufacturing and Engineering Consortium), l’université Penn State va inaugurer un laboratoire dédié aux semi-conducteurs de nouvelle génération. Ce projet, intégré au sein de l’Institut de recherche sur les matériaux (MRI) du campus de University Park, bénéficie également d’un soutien en nature dans le cadre de la loi fédérale CHIPS.
Objectif : développer des films minces et des dispositifs semi-conducteurs avancés, essentiels aux applications énergétiques et numériques de demain.
Au cœur de cette infrastructure se trouve un outil de dépôt chimique en phase vapeur métallo-organique (MOCVD), conçu par l’entreprise allemande AIXTRON SE. Cet équipement permet de déposer des couches atomiques ultra-précises sur des plaquettes de silicium, combinant des matériaux comme le nitrure de gallium (GaN) et les composés bidimensionnels (2D).
« Cet outil unique offre une flexibilité remarquable, indique Joan Redwing, directrice du projet. Il peut traiter simultanément plusieurs plaquettes jusqu’à quatre pouces de diamètre, ce qui accélérera la production de prototypes. »
Des matériaux clés pour des applications stratégiques
Le nitrure de gallium et les matériaux 2D, au cœur des recherches, présentent des propriétés électriques exceptionnelles. Le premier, utilisé dans l’électronique de puissance, optimise l’efficacité énergétique des véhicules électriques. Les seconds, quasi parfaits pour le calcul neuromorphique, ouvrent des perspectives en intelligence artificielle.
« Ces matériaux réduisent la consommation d’énergie tout en augmentant la densité de puissance », souligne Joan Redwing, une avancée cruciale pour des secteurs en mutation.
Outre le MOCVD, le laboratoire accueillera un microscope à force atomique Jupiter XR, permettant de cartographier les plaquettes entières avec une résolution nanométrique, ainsi qu’un évaporateur de métaux spécialisé. Ces équipements, accessibles aux chercheurs externes, renforceront les collaborations interinstitutionnelles. Suzanne Mohney et Saptarshi Das, professeurs à Penn State, y mèneront notamment des travaux sur les contacts électriques pour dispositifs 2D.
Un modèle collaboratif pour l’innovation
Le MMEC, consortium rassemblant industriels, universités et gouvernements, incarne une stratégie nationale pour réduire la dépendance aux importations. Fondé par Battelle, une société de R&D basée dans l’Ohio, il vise à structurer une filière microélectronique résiliente.
« Notre adhésion au MMEC nous offre un accès privilégié aux retours de l’industrie », ajoute Joan Redwing. Une synergie qui profitera aussi à la formation : étudiants et chercheurs débutants pourront manipuler des équipements similaires à ceux des grandes entreprises.
En connectant recherche fondamentale et applications concrètes, ce projet illustre une tendance croissante : l’innovation passe par des écosystèmes intégrés.
« Nous ne construisons pas seulement un laboratoire, conclut Redwing, mais un pont entre découvertes scientifiques et besoins sociétaux. »
Légende illustration : Le nouveau laboratoire permettra de développer des plaquettes de semi-conducteurs de pointe, comme le montre cette photo.
Source : Penn State