Les chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab) et de l’UC Berkeley ont annoncé avoir réalisé une percée significative dans le domaine du stockage d’énergie intégré aux puces électroniques. Une nouvelle génération de dispositifs électroniques plus compacts et plus économes en énergie, répondant ainsi aux besoins croissants de miniaturisation et d’efficacité énergétique pourrait voir le jour en conséquence.
Des microcondensateurs à haute densité d’énergie et de puissance
L’équipe de recherche, dirigée par Sayeef Salahuddin, scientifique principal du Berkeley Lab et professeur à l’UC Berkeley, a développé des microcondensateurs à base de couches minces d’oxyde d’hafnium et d’oxyde de zirconium. Ces matériaux, déjà largement utilisés dans la fabrication de puces, ont permis d’atteindre des densités d’énergie et de puissance record, respectivement 9 fois et 170 fois supérieures à celles des meilleurs condensateurs électrostatiques actuels.
Contrairement aux batteries qui stockent l’énergie par des réactions électrochimiques, les condensateurs stockent l’énergie dans un champ électrique établi entre deux plaques métalliques séparées par un matériau diélectrique. Ils peuvent se décharger très rapidement lorsque nécessaire, permettant une fourniture d’énergie quasi-instantanée, et ne se dégradent pas avec les cycles répétés de charge-décharge, leur conférant une durée de vie bien supérieure à celle des batteries.
L’effet de capacité négative, clé de la performance
Pour atteindre ces performances record, les chercheurs ont soigneusement conçu des couches minces de HfO2-ZrO2 afin d’obtenir un effet de capacité négative. En ajustant précisément le ratio des deux composants, ils ont pu créer des films ferroélectriques ou antiferroélectriques, dont la structure cristalline peut être facilement polarisée par un champ électrique, même de faible intensité.
Suraj Cheema, post-doctorant dans le groupe de Salahuddin et l’un des principaux auteurs de l’étude, explique : «Cette cellule unitaire veut vraiment être polarisée pendant la transition de phase, ce qui aide à produire une charge supplémentaire en réponse à un champ électrique. Ce phénomène est un exemple d’effet de capacité négative, mais vous pouvez le considérer comme un moyen de capturer beaucoup plus de charge que vous ne le feriez normalement.»

Une intégration réussie dans des structures 3D
En collaboration avec des chercheurs du MIT Lincoln Laboratory, l’équipe a intégré ces films dans des structures de microcondensateurs tridimensionnelles, en faisant croître les couches précisément empilées dans des tranchées profondes découpées dans du silicium, avec des rapports d’aspect allant jusqu’à 100:1. Ces structures de condensateurs en tranchées 3D, déjà utilisées dans les condensateurs DRAM actuels, permettent d’obtenir une capacité bien supérieure par unité de surface comparée aux condensateurs planaires, autorisant une miniaturisation et une flexibilité de conception accrues.
Sayeef Salahuddin se réjouit : «La densité d’énergie et de puissance que nous avons obtenue est bien supérieure à ce que nous attendions. Nous développons des matériaux à capacité négative depuis de nombreuses années, mais ces résultats ont été assez surprenants.»
Vers une nouvelle ère de technologies énergétiques pour la microélectronique
Ces microcondensateurs haute performance pourraient répondre à la demande croissante de stockage d’énergie miniaturisé et efficace dans les micro-dispositifs tels que les capteurs de l’Internet des objets, les systèmes de calcul en périphérie et les processeurs d’intelligence artificielle. Les chercheurs travaillent maintenant sur la mise à l’échelle de cette technologie et son intégration dans des puces électroniques complètes, tout en poussant plus loin la science des matériaux pour améliorer encore la capacité négative de ces films.
Suraj Cheema conclut : «Avec cette technologie, nous pouvons enfin commencer à réaliser un stockage d’énergie et une fourniture d’énergie intégrés de manière transparente sur puce dans de très petites tailles. Cela peut ouvrir un nouveau domaine de technologies énergétiques pour la microélectronique.»
Illustration légende : Sayeef Salahuddin (à gauche) et Nirmaan Shanker au laboratoire. Crédit : Marilyn Sargent/Berkeley Lab
Article : « Giant energy storage and power density negative capacitance superlattices » – DOI: 10.1038/s41586-024-07365-5