L’énergie de fusion nucléaire, souvent perçue comme une solution potentielle à nos besoins énergétiques croissants, suscite un intérêt croissant parmi les chercheurs et les investisseurs. Le professeur Niek Lopes Cardozo, récemment retraité, partage ses réflexions sur l’avenir de cette technologie et le rôle de l’Université de technologie d’Eindhoven (TU/e) dans la formation des futurs physiciens nucléaires.
Un avenir énergétique prometteur
Selon John Kerry, envoyé spécial pour le climat du département d’État américain, la fusion nucléaire pourrait jouer un rôle crucial dans notre avenir énergétique. Lors de son discours à la COP28, il a souligné le potentiel de cette technologie à révolutionner notre monde. Cependant, pour atteindre cet objectif, une révolution dans le développement et la mise en œuvre des technologies est nécessaire.
Le professeur Niek Lopes Cardozo, qui a récemment pris sa retraite de son poste de professeur titulaire en science et technologie de la fusion nucléaire à la TU/e, partage cet optimisme. Il estime que la fusion nucléaire pourrait devenir une réalité plus tôt que prévu, grâce à des investissements significatifs et à des avancées technologiques récentes.
Un changement notable dans le domaine de la fusion nucléaire est l’augmentation des financements privés. Aux États-Unis, le secteur privé a récolté 5,9 milliards de dollars en 2023, contre seulement 271 millions de dollars de financements publics. Des pays comme l’Allemagne cherchent également à compléter ces investissements privés avec des initiatives gouvernementales, comme la construction de la première centrale de fusion nucléaire d’ici 2040.
Cette affluence de capitaux privés est motivée par des avancées technologiques majeures, notamment l’atteinte de l’ignition par le National Ignition Facility (NIF) aux États-Unis en décembre 2022. Cette percée a suscité un optimisme renouvelé quant à la viabilité de la fusion nucléaire.
Défis technologiques
Malgré ces progrès, plusieurs défis technologiques doivent encore être relevés. Le système laser utilisé par le NIF, par exemple, est actuellement inefficace, avec 99 % de l’énergie perdue avant d’atteindre la cible. De plus, de nouveaux matériaux et des modèles informatiques avancés sont nécessaires pour construire et exploiter les réacteurs de fusion.
Le professeur Lopes Cardozo souligne l’importance de former une main-d’œuvre qualifiée pour surmonter ces obstacles. La TU/e joue un rôle clé dans cette formation, avec le plus grand programme de master en science et technologie de la fusion nucléaire en Europe.
Chaque année, environ 30 étudiants participent au programme de master spécialisé de la TU/e, attirant des étudiants du monde entier. Un tiers de ces diplômés restent dans le domaine de la fusion nucléaire, tandis que les autres appliquent leurs compétences dans d’autres secteurs. Pour répondre aux besoins futurs, il est crucial de former davantage de scientifiques spécialisés en fusion nucléaire.

Le professeur Lopes Cardozo estime que pour que la fusion nucléaire représente une part significative du système énergétique, environ 10 000 centrales seront nécessaires, créant ainsi environ 100 millions d’emplois. Bien que seule une fraction de cette main-d’œuvre doive être hautement spécialisée, cela représente tout de même un nombre considérable de travailleurs qualifiés.
Le professeur Lopes Cardozo est convaincu que la fusion nucléaire deviendra une réalité d’ici 2040. Cette confiance est alimentée par les transformations récentes dans le domaine, avec des investissements privés complétant les découvertes scientifiques et une reconnaissance croissante des gouvernements quant au rôle clé de la fusion nucléaire dans la transition énergétique.
En conclusion, le professeur Lopes Cardozo exprime sa foi en l’avenir de la fusion nucléaire et en la capacité de la TU/e à former les futurs leaders de ce domaine.
FUSION NUCLÉAIRE 101
Dans la fusion nucléaire, deux noyaux atomiques légers sont combinés pour créer un noyau atomique plus lourd, ce qui libère de grandes quantités d’énergie. Après la fusion, la masse du noyau plus lourd est inférieure à la masse des deux noyaux atomiques légers qui sont entrés en collision. Une partie de la masse restante est convertie en énergie, et la quantité d’énergie libérée peut être calculée à l’aide de la célèbre équation d’Einstein E = mc2.
Pour que la fusion ait lieu, des conditions très particulières sont nécessaires, telles qu’une température et une pression élevées. Un exemple naturel de fusion nucléaire proche de la Terre se trouve dans notre Soleil, et dans toutes les autres étoiles d’ailleurs. Les températures élevées fournissent aux atomes l’énergie nécessaire pour surmonter la répulsion électrique avec les atomes voisins, tandis que les pressions extrêmes permettent de confiner les atomes et de les rapprocher suffisamment pour qu’ils fusionnent.
À l’heure actuelle, les chercheurs travaillent sur des technologies permettant de reproduire les réactions de fusion nucléaire observées à l’intérieur du Soleil. La principale réaction de fusion choisie consiste à combiner le deutérium et le tritium (isotopes de l’hydrogène) pour former des atomes d’hélium, tout en libérant de l’énergie et des neutrons.
Il est difficile de réaliser la fusion nucléaire, d’autant plus que nous avons besoin de technologies capables de confiner les atomes dans de petits espaces à des températures et des pressions élevées. C’est pourquoi les chercheurs explorent toute une série d’approches pour y parvenir.
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