Lorsque la lumière rencontre des particules infiniment petites, les électrons se mettent à danser. Cette danse, bien que fugace, renferme des secrets fascinants sur la manière dont la matière interagit avec l’énergie lumineuse. Une équipe internationale de scientifiques a récemment levé un coin du voile en observant ce phénomène à une échelle jamais atteinte auparavant.
Une chorégraphie invisible capturée pour la première fois
Des chercheurs ont réussi à observer et mesurer le comportement synchronisé d’électrons excités par des impulsions lumineuses ultra-rapides autour d’une particule mesurant moins d’un nanomètre de diamètre. Ce mouvement collectif, appelé résonance plasmonique, permet de confiner la lumière pendant des durées extrêmement brèves. Leur étude marque une étape majeure dans la compréhension de phénomènes physiques qui restent encore largement méconnus.
Pour mener à bien leurs observations, ils ont utilisé des impulsions laser ultraviolettes extrêmes, d’une durée d’à peine quelques attosecondes – soit des milliardièmes de milliardième de seconde. Ces outils technologiques ont permis d’analyser le comportement des électrons au sein de molécules de carbone en forme de ballon de football, communément appelées «buckyballs», d’un diamètre de seulement 0,7 nanomètre. Chaque cycle de leur « chorégraphie » s’est déroulé entre 50 et 300 attosecondes, confirmant une cohérence remarquable dans leurs mouvements.
Un saut technologique rendu possible grâce aux lasers attosecondes
Jusqu’à présent, observer des résonances plasmoniques en temps réel demeurait hors de portée des technologies disponibles. Cependant, des progrès récents dans le domaine des lasers attosecondes ont permis de franchir cette limite. En combinant des impulsions lumineuses ultra-courtes avec des techniques de mesure précises, les scientifiques ont pu suivre chaque étape du processus : depuis l’instant où les électrons étaient excités par la lumière jusqu’à celui où ils relâchaient leur excès d’énergie.
Shubhadeep Biswas, auteur principal de l’étude et scientifique au SLAC National Accelerator Laboratory, a expliqué : « Ces résultats démontrent, pour la première fois, que des mesures attosecondes peuvent fournir des informations précieuses sur les résonances plasmoniques à des échelles inférieures au nanomètre. » Selon lui, cette avancée permettra d’évaluer un large éventail de particules super-minuscules, révélant ainsi des propriétés plasmoniques susceptibles d’améliorer des technologies existantes.
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Applications potentielles et implications futures
La capacité à contrôler et manipuler ces interactions lumière-matière à des échelles sub-nanométriques pourrait avoir des conséquences profondes dans divers domaines. Par exemple, des dispositifs sensibles à la lumière pourraient voir leur efficacité augmentée, tandis que des systèmes capables de convertir la lumière solaire en électricité pourraient devenir plus performants. De plus, ces découvertes pourraient contribuer à l’émergence de nouvelles générations d’électronique ultra-rapide.
Matthias Kling, professeur de photonique et de physique appliquée à l’Université de Stanford, a ajouté : « Avec cette mesure, nous débloquons de nouvelles perspectives sur l»interaction entre la cohérence électronique et le confinement de la lumière à des échelles sub-nanométriques. » Il a également souligné que ces travaux illustrent tout le potentiel des techniques attosecondes, ouvrant la possibilité de manipuler les électrons dans des dispositifs électroniques futurs fonctionnant à des fréquences jusqu’à un million de fois supérieures à celles des technologies actuelles.
Un effort collaboratif international
L’étude résulte d’une collaboration entre plusieurs institutions prestigieuses, notamment le SLAC National Accelerator Laboratory, l’Université de Stanford, Ludwig-Maximilians-Universität München, l’Université de Hambourg, DESY, Northwest Missouri State University, Politecnico di Milano, et le Max Planck Institute for the Structure and Dynamics of Matter. Chaque entité a apporté son expertise spécifique, allant de la conception expérimentale à l’analyse des données.
Francesca Calegari, professeure à l’Université de Hambourg et scientifique principale à DESY, a conclu : « Cette recherche de pointe ouvre de nouveaux axes pour le développement de plateformes ultra-compactes et haute performance, où les interactions lumière-matière peuvent être contrôlées en exploitant les effets quantiques émergents à l»échelle nanométrique. »
Légende illustration : Les chercheurs ont observé comment des électrons, excités par des impulsions lumineuses ultrarapides, dansaient à l’unisson autour d’une particule de moins d’un nanomètre de diamètre, puis émettaient un surplus d’énergie sous la forme de plusieurs électrons. (RMT Bergues)
Article : ‘Correlation-driven attosecond photoemission delay in the plasmonic excitation of C60 fullerene’ / ( 10.1126/sciadv.ads0494 ) – DOE/SLAC National Accelerator Laboratory – Publication dans la revue Science Advances