Les isotopes d’hydrogène font l’objet d’une attention croissante dans les domaines pharmaceutique et énergétique. Des chercheurs allemands ont récemment réalisé une découverte majeure concernant la séparation de ces isotopes, ouvrant de nouvelles possibilités pour leur purification à température ambiante.
Le protium, ou hydrogène-1, constitue la forme la plus commune d’hydrogène. Le deutérium, également nommé hydrogène lourd, gagne en importance, notamment dans l’élaboration de médicaments plus stables et efficaces. Un mélange de deutérium et de tritium, qualifié d’hydrogène «super-lourd», est employé comme combustible pour la fusion nucléaire, une source d’énergie durable pour le futur.
Un défi majeur dans la recherche sur l’hydrogène concerne la production de ces isotopes sous une forme hautement pure, de manière efficace et économique. Les propriétés physiques très similaires de ces isotopes complexifient leur séparation. Les procédés actuels de séparation isotopique s’avèrent peu performants et consomment d’importantes quantités d’énergie.
Le professeur Knut Asmis, de l’Institut Wilhelm Ostwald de chimie physique et théorique de l’Université de Leipzig et porte-parole du groupe de recherche, a expliqué : «Depuis près de 15 ans, l’utilisation potentielle des structures métallo-organiques poreuses pour purifier et séparer les isotopes d’hydrogène est connue. Cependant, cette méthode n’était applicable qu’à des températures très basses, autour de moins 200 degrés Celsius – des conditions onéreuses à mettre en œuvre à l’échelle industrielle.»
Le mécanisme de séparation repose sur l’adsorption préférentielle d’un des isotopes présents sur l’un des centres métalliques libres du solide poreux. L’adsorption désigne un processus par lequel des atomes, des ions ou des molécules d’un gaz ou d’un liquide adhèrent à une surface solide, souvent poreuse.
Les doctorants du groupe de recherche 1,2,3H – Elvira Dongmo, Shabnam Haque et Florian Kreuter – ont approfondi la compréhension de l’influence de l’environnement de la structure sur la sélectivité de liaison. Leur étude a permis de déterminer les raisons pour lesquelles un isotope adhère plus facilement que l’autre.
Le professeur Thomas Heine de l’Université technique de Dresde a souligné : «Pour la première fois, l’influence des atomes individuels des composés de la structure sur l’adsorption a été démontrée. Une optimisation ciblée est désormais possible pour obtenir des matériaux à haute sélectivité à température ambiante.»
Cette avancée résulte d’une synergie entre la spectroscopie de pointe, les calculs de chimie quantique et l’analyse des liaisons chimiques sur un système modèle.
Le groupe de recherche 1,2,3H, soutenu par la Fondation allemande pour la recherche (DFG) à hauteur de 5,4 millions d’euros sur 4,5 ans, forme plus de 20 doctorants depuis octobre 2021. Ce programme associe l’expertise de l’Université de Leipzig, de l’Université technique de Dresde, du Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf et de l’Institut Leibniz d’ingénierie des surfaces.
L’ambition de ce groupe de recherche est de développer de nouveaux matériaux, des médicaments plus performants et des méthodes de détection plus sensibles en mutualisant les financements pour la recherche fondamentale et la formation dans le domaine des isotopes d’hydrogène. Une deuxième cohorte d’environ 15 à 20 doctorants débutera son programme doctoral structuré de trois ans le 1er octobre 2024.
Légende illustration : Illustration de la liaison préférentielle de l’hydrogène lourd (bleu) à l’hydrogène léger (blanc) au niveau du centre métallique, activée par la liaison d’une molécule d’eau (oxygène rouge, hydrogène blanc). Crédit: Leipzig University
Article : ‘Direct evidence for ligand-enhanced activity of Cu(I) sites†’ / ( 10.1039/D4SC04582C ) – Universität Leipzig – Publication dans la revue Chemical Science