L’innovation technologique transforme la gestion et le traitement de l’eau, offrant de nouvelles solutions pour répondre aux besoins en eau potable de milliards d’individus à travers le monde.
Une équipe de chercheurs sud-coréens a mis au point une technologie innovante utilisant l’intelligence artificielle pour prédire avec précision la concentration d’ions dans l’eau lors des processus de traitement électrochimique. Cette découverte a été réalisée par le Dr Son Moon du Centre de recherche sur le cycle des ressources en eau de l’Institut coréen des sciences et technologies (KIST), en collaboration avec l’équipe du professeur Baek Sang-Soo de l’Université Yeongnam.
La technologie s’appuie sur un modèle de forêt aléatoire, une technique d’apprentissage automatique basée sur les arbres de décision, pour analyser et prédire les concentrations ioniques. Un haut niveau de précision a été démontré par ce modèle dans la prédiction de la conductivité électrique de l’eau traitée et de la concentration de différents ions (Na⁺, K⁺, Ca2⁺, et Cl-), avec un coefficient de détermination (R²) d’environ 0,9.
La concentration d’ions dans l’eau peut présenter divers risques pour la santé humaine. Voici un aperçu des principaux problèmes liés à ce phénomène :
Toxicité des métaux lourds
La présence d’ions de métaux lourds comme le cadmium dans l’eau potable a par exemple des effets néfastes sur la santé. Par exemple, une étude menée dans l’État d’Edo au Nigeria* a révélé que la concentration de cadmium dépassait de 90% les limites permises par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pendant la saison des pluies. L’exposition au cadmium peut entraîner des problèmes rénaux et osseux.
Risques liés aux nitrates
Une concentration élevée de nitrates dans l’eau potable présente également des risques pour la santé, en particulier chez les nourrissons. Bien que l’étude nigériane ait montré des niveaux de nitrates inférieurs aux limites de l’OMS, une concentration excessive pourrait causer la méthémoglobinémie, une condition dangereuse affectant le transport de l’oxygène dans le sang.

Applications concrètes pour la gestion de l’eau
L’application de cette technologie pourrait considérablement impacter les systèmes nationaux de gestion de la qualité de l’eau. Le Dr Son Moon a déclaré : «La portée de cette recherche ne se limite pas au développement d’un nouveau modèle d’IA, mais s’étend à son application au système national de gestion de la qualité de l’eau.»
Pour optimiser l’efficacité de ce modèle, les chercheurs ont déterminé qu’une mise à jour des données toutes les 20 à 80 secondes était nécessaire. L’application de cette technique aux réseaux nationaux de qualité de l’eau pour suivre des ions spécifiques nécessite que des mesures de qualité de l’eau soient effectuées au moins toutes les minutes pour entraîner le modèle initial.

Un des atouts majeurs de cette approche réside dans son efficacité économique. Le modèle de forêt aléatoire utilisé dans cette étude se révèle nettement plus économique que les modèles d’apprentissage profond complexes. Les ressources informatiques nécessaires à son entraînement sont réduites de plus de 100 fois, ce qui le rend particulièrement attractif pour une mise en œuvre à grande échelle.
Contexte global de la gestion de l’eau
Cette innovation s’inscrit dans un contexte où environ 2,2 milliards de personnes, soit plus d’un quart de la population mondiale, n’ont pas accès à une eau potable gérée de manière sûre. De plus, près de la moitié de la population mondiale est confrontée à une pénurie d’eau sévère à un moment de l’année. Des coûts socio-économiques considérables sont engagés pour gérer ces pénuries, notamment pour l’irrigation par les eaux usées et le développement de sources d’eau alternatives comme la réutilisation des eaux de pluie et le dessalement de l’eau de mer.
La technologie développée par l’équipe du Dr Son Moon pourrait ainsi contribuer à améliorer significativement la gestion des ressources en eau à l’échelle mondiale, en permettant un suivi plus précis et en temps réel de la qualité de l’eau.
Article : « Decoupling ion concentrations from effluent conductivity profiles in capacitive and battery electrode deionizations using an artificial intelligence model » – DOI: 10.1016/j.watres.2024.122092
* DOI:10.32861/ijwpds.92.46.61