Dans un contexte où les systèmes de climatisation conventionnels pèsent lourdement sur l’environnement, une alternative inédite a vu le jour. Les scientifiques ont récemment exploré des méthodes passives pour répondre aux besoins croissants en rafraîchissement des bâtiments tout en minimisant leur empreinte écologique. Une solution innovante repose sur des matériaux capables d’exploiter la lumière et la chaleur naturelles. Leur développement pourrait s’inscrire dans une démarche plus respectueuse des écosystèmes.
Une approche passive pour réduire les températures
Les systèmes traditionnels de refroidissement reposent principalement sur des fluides frigorigènes et une consommation importante d’électricité, contribuant ainsi à accentuer l’effet de serre atmosphérique. Face à ce constat, des chercheurs internationaux ont mis au point des feuilles plastiques poreuses capables de diminuer la température intérieure par refroidissement radiatif. Ces feuilles, fabriquées à partir de polyméthacrylate de méthyle (PMMA) pulvérisé, mesurent environ 2 millimètres d’épaisseur et peuvent abaisser la température d’un espace clos de manière significative.
Les résultats obtenus démontrent une baisse moyenne de 8,4 degrés Celsius, soit près de 14 degrés Fahrenheit. Selon Akhlesh Lakhtakia, professeur de sciences et mécanique de l’ingénieur à l’Université d’État de Pennsylvanie, « alors que d’autres radiateurs passifs renvoient uniquement les infrarouges à ondes courtes vers l’espace, notre dispositif reflète à la fois la lumière visible et les infrarouges à ondes courtes, entraînant un refroidissement diurne élevé ». Ce commentaire souligne l’intérêt particulier porté à cette technologie.
Fabrication et propriétés du matériau
Pour concevoir ces feuilles, les collaborateurs chinois de Lakhtakia à l’Université de Technologie de Dalian ont employé une technique appelée frittage de poudre en une seule étape. Cette méthode permet de fusionner la poudre de PMMA en feuilles planes contenant diverses tailles de poches d’air, ou pores. Comparables aux pores de la peau humaine, ceux-ci dispersent la lumière et la rayonnent sous différents angles, provoquant ainsi un refroidissement des espaces intérieurs. La nuit, ces mêmes pores émettent des infrarouges à ondes moyennes qui traversent l’atmosphère pour atteindre l’espace lointain, amplifiant encore davantage cet effet.
Le professeur Mingkai Lei, co-auteur principal de l’étude, a affirmé : «Le frittage de poudre constitue une méthode puissante pour préparer des matériaux poreux dotés d’une porosité souhaitée et de propriétés macroscopiques supérieures. » Il a ensuite ajouté que son équipe se réjouit de poursuivre ses travaux avec Lakhtakia et l’Université d’État de Pennsylvanie afin d’explorer d’autres applications potentielles du matériau.
Tests et performances mesurées
Afin de valider leurs hypothèses, les chercheurs ont conçu une boîte expérimentale à partir des feuilles poreuses de PMMA. Un thermomètre fut placé à l’intérieur de celle-ci avant qu’elle ne soit exposée directement au soleil. Résultat ? En réfléchissant en moyenne 96 % des rayonnements infrarouges et lumineux, les feuilles ont abaissé la température ambiante extérieure de 27 degrés Celsius (environ 80 degrés Fahrenheit) à 18,5 degrés Celsius (soit 65,3 degrés Fahrenheit). À titre de comparaison, une boîte en carton ordinaire de dimensions identiques n’a réussi à faire descendre la température qu’à 24 degrés Celsius (75,2 degrés Fahrenheit).
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Cette expérience illustre clairement l’efficacité accrue des feuilles poreuses par rapport aux matériaux conventionnels. Elles pourraient être intégrées facilement aux revêtements extérieurs des habitations ou aux toitures, offrant ainsi un complément économique et performant aux unités de climatisation existantes.
Potentialités futures et implications environnementales
Bien que destinées initialement aux bâtiments résidentiels, ces feuilles poreuses suscitent déjà un intérêt marqué pour d’autres usages. Leur capacité à réduire la demande énergétique liée au refroidissement pourrait alléger considérablement la pression exercée sur les infrastructures électriques urbaines. Par ailleurs, leur faible coût de production rend envisageable une adoption massive dans les zones géographiques sujettes à des vagues de chaleur prolongées.
En outre, l’utilisation de tels matériaux pourrait contribuer à limiter indirectement l’émission de gaz à effet de serre associés aux systèmes de climatisation traditionnels. Les chercheurs continuent d’explorer comment optimiser davantage leurs propriétés optiques et thermiques, notamment en ajustant la taille et la distribution des pores.
Légende illustration : Les feuilles de PMMA fabriquées par les chercheurs en science des matériaux sont blanches et poreuses, ce qui en fait un matériau approprié pour recouvrir les bâtiments en vue d’un refroidissement passif pendant la journée. Crédit : fourni par Yupeng Li/Dalian University of Technology.
Article : « Powder-Sintered Hierarchically Porous PMMA with Optimal Pore Parameters for Passive Daytime Radiative Cooling » – DOI: 10.1002/admt.202400713