Les avancées en chimie organique transforment constamment notre compréhension des réactions moléculaires. Une découverte récente concernant un réactif clé ouvre de nouvelles possibilités pour la synthèse pharmaceutique à grande échelle.
Le samarium, élément métallique découvert en 1879 dans une mine russe, se révèle particulièrement utile en chimie organique lorsqu’il est combiné à d’autres éléments. Son nom provient du minéral samarskite, lui-même nommé en l’honneur de l’ingénieur minier russe Vassili Samarsky-Bykhovets.
Le réactif de samarium le plus couramment utilisé est le diiodure de samarium, composé d’un atome de samarium et de deux atomes d’iode. Son utilisation permet la synthèse de molécules complexes, ouvrant la voie au développement de nouveaux médicaments.
Un défi de taille : l’utilisation à l’échelle industrielle
Malgré son potentiel, l’utilisation du diiodure de samarium à grande échelle s’est longtemps heurtée à des obstacles techniques. Chungkeun Shin, doctorant à Caltech, a expliqué : «Le réactif est sensible à l’air, il faut donc souvent préparer la solution juste avant la réaction. De plus, nous devons utiliser de grandes quantités, même pour de petites réactions, ce qui n’est pas pratique pour des réactions à l’échelle industrielle.»
La difficulté majeure résidait dans la formation d’une liaison samarium-oxygène au cours des réactions, rendant le réactif inactif. Emily Boyd, également doctorante à Caltech, a précisé : «Le réactif se retrouve souvent avec une liaison samarium-oxygène très forte, difficile à rompre, ce qui complique son recyclage.»
Une solution innovante pour un recyclage efficace
Les chercheurs de Caltech ont réussi à surmonter cet obstacle, comme le rapporte l’édition du 23 août du journal Science. Leur méthode permet au réactif de diiodure de samarium de se recycler automatiquement pour une utilisation répétée dans une même réaction, éliminant ainsi le besoin de grandes quantités de solvants et de préparations fraîches.
Sarah Reisman, professeure de chimie à Caltech, a souligné l’importance de cette découverte : «Le diiodure de samarium a été utilisé dans le milieu universitaire pour la synthèse de produits naturels comme le taxol, un agent anticancéreux, mais le réactif n’était pas pratique pour créer des produits comme celui-ci à l’échelle industrielle. La percée réside dans le fait que nous pouvons désormais traduire certaines de ces réactions intéressantes en développement de procédés ou en découverte.»

Une collaboration fructueuse entre laboratoires
Cette avancée résulte d’une collaboration entre le laboratoire de Sarah Reisman et celui de Jonas Peters, tous deux à Caltech. Les chercheurs ont expérimenté différents acides pour rompre la liaison samarium-oxygène et réactiver le réactif.
Contrairement aux tentatives précédentes qui nécessitaient l’utilisation de produits chimiques agressifs, l’équipe a réussi à rompre la liaison en utilisant un acide doux, plus adapté aux réactions à grande échelle. L’acide fournit un proton à l’oxygène lié, le transformant en alcool et libérant le samarium.
Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour la synthèse de molécules complexes à l’échelle industrielle, notamment dans le domaine pharmaceutique. Elle pourrait également avoir des implications dans d’autres domaines de recherche, comme la fixation de l’azote, un processus essentiel pour la production d’engrais et la croissance des plantes.
Légende illustration : Cette image montre les différentes étapes d’une réaction chimique avec le réactif diiodure de samarium. Le flacon de gauche contient une forme jaune et inactive du composé. Au fil du temps, le composé devient actif et prend une couleur violette, comme on peut le voir à droite. Ce changement de couleur est dû au fait que l’état d’oxydation du réactif de samarium passe de 3+ à 2+, ou de Sm(III) à Sm(II), ce qui signifie qu’il gagne un électron. Crédit : Caltech/Chungkeun Shin
Article : ‘Reductive samarium (electro)catalysis enabled by SmIII–alkoxide protonolysis’ / ( 10.1126/science.adp5777 ) – California Institute of Technology – Publication dans la revue Science / 23-Aug-2024