La recherche sur les particules élémentaires et leurs interactions est d’une importance capitale pour notre compréhension de l’univers. Une équipe des universités d’Innsbruck et de Waterloo montre comment un nouveau type d’ordinateur quantique ouvre une porte sur le monde de la physique des particules.
Le modèle standard de la physique des particules fournit la meilleure description à ce jour des forces et des particules qui composent notre monde. Dans ce modèle, tous les processus sont décrits par des champs en interaction qui imprègnent tout l’espace. C’est ce qu’on appelle la théorie quantique des champs, dans laquelle les particules et les forces de la mécanique quantique apparaissent comme des excitations du champ.
L’étude de ces théories des champs repose non seulement sur des accélérateurs de particules, mais surtout sur des simulations informatiques complexes. Dans de nombreux cas, cependant, les calculs de mécanique quantique nécessaires dépassent les capacités de nos meilleurs superordinateurs. Par conséquent, des éléments importants pour la compréhension de notre monde nous restent inaccessibles.
L’équipe dirigée par Martin Ringbauer, de l’Institut de physique expérimentale de l’université d’Innsbruck, et Christine Muschik, de l’université de Waterloo, au Canada, explique aujourd’hui dans la revue Nature Physics comment elle est parvenue à reproduire une théorie quantique des champs complète dans deux directions spatiales sur un nouvel ordinateur quantique.
Représentation naturelle des champs quantiques
L’électrodynamique quantique est probablement la théorie des champs la plus pertinente pour notre vie quotidienne. Elle décrit les phénomènes électromagnétiques, depuis l’électricité et la lumière jusqu’aux forces qui maintiennent la matière ensemble. Cependant, le principal défi des simulations informatiques de cette théorie est la représentation mécanique quantique du champ électrique. Le champ peut prendre différentes forces et directions et ne peut donc pas être simplement traduit dans la représentation bit à bit de nos ordinateurs.
Cependant, les ordinateurs quantiques basés sur des ions stockés ne sont pas non plus liés à un fonctionnement binaire. Un tel ordinateur quantique basé sur des qubits, au lieu de qubits, offre les conditions idéales pour les calculs en physique des particules.
« Notre approche permet une représentation naturelle des champs tels qu’ils existent dans la nature », indique Michael Meth, premier auteur de l’étude. « Cela simplifie considérablement le problème. Les chercheurs ont maintenant pu observer des processus fondamentaux de l’électrodynamique quantique lors d’une expérience. »
Un grand potentiel pour la physique des particules
La formation de paires particule-antiparticule a déjà été démontrée à Innsbruck en 2016. « À l’époque, nous travaillions dans un espace unidimensionnel où les champs ne devaient pas être explicitement simulés », explique Christine Muschik. Aujourd’hui, l’équipe présente la première simulation en deux dimensions spatiales. « En plus de la formation de paires, nous voyons également un champ magnétique se développer, ce qui n’existe pas dans une seule dimension », ajoute t-elle.
Les travaux sur l’électrodynamique quantique présentés ici ne sont qu’un début. Avec quelques qubits supplémentaires, il est possible non seulement de simuler trois dimensions spatiales, mais aussi de pénétrer dans l’espace des interactions fortes, où les particules ont une couleur et ne peuvent apparaître qu’en groupes. La raison et les conséquences de ce phénomène restent aujourd’hui encore un mystère.
« Les ordinateurs quantiques nous ouvrent une nouvelle fenêtre sur le monde des particules élémentaires », explique Martin Ringbauer. « Grâce à l’approche Qudit, ces systèmes sont taillés sur mesure pour étudier des questions ouvertes fascinantes en physique des particules. »
La recherche a été soutenue financièrement par le Fonds autrichien pour la science FWF, le ministère fédéral de l’éducation, de la science et de la recherche, l’Agence autrichienne de promotion de la recherche FFG et l’Union européenne, entre autres.
Légende illustration : Simulation de la formation de paires particule-antiparticule en deux dimensions spatiales © Harald Ritsch
Publication: Simulating two-dimensional lattice gauge theories on a qudit quantum computer. Michael Meth, Jan F. Haase, Jinglei Zhang, Claire Edmunds, Lukas Postler, Alex Steiner, Andrew J. Jena, Luca Dellantonio, Rainer Blatt, Peter Zoller, Thomas Monz, Philipp Schindler, Christine Muschik, and Martin Ringbauer. Nature Physics 2025. DOI: 10.1038/s41567-025-02797-w [arXiv: 2310.12110 ]