Lorsque deux matériaux entrent en contact, les entités chargées à leur surface reçoivent un petit coup de pouce. C’est ainsi que le frottement d’un ballon sur la peau crée de l’électricité statique. De même, l’eau qui s’écoule sur certaines surfaces peut se charger ou se décharger. Aujourd’hui, des chercheurs ont exploité ce phénomène pour produire de l’électricité à partir de gouttelettes ressemblant à de la pluie qui se déplacent dans un tube. Ils démontrent qu’un nouveau type d’écoulement produit suffisamment d’énergie pour allumer 12 LEDs.
« L’eau qui tombe à travers un tube vertical génère une quantité substantielle d’électricité en utilisant un modèle spécifique d’écoulement de l’eau : l’écoulement en bouchon », indique Siowling Soh, auteur correspondant de l’étude. « Ce modèle d’écoulement pourrait permettre de récolter l’énergie de la pluie pour produire de l’électricité propre et renouvelable. »
Lorsque l’eau courante fait bouger une turbine, elle produit de l’électricité. Cependant, l’hydroélectricité est limitée aux endroits où il y a de grands volumes d’eau, comme les rivières. Pour les volumes d’eau plus petits et plus lents, une alternative consiste à exploiter la séparation des charges, un phénomène qui produit des charges électriques lorsque l’eau se déplace dans un canal dont la surface intérieure est conductrice d’électricité. Mais la séparation de charges est extrêmement inefficace car elle est limitée à la surface sur laquelle l’eau se déplace.
Jusqu’à présent, les scientifiques ont tenté d’améliorer l’efficacité de la séparation des charges en augmentant la surface disponible pour un flux continu d’eau grâce à des canaux à l’échelle micro ou nanométrique. Cependant, l’eau ne passe pas naturellement par ces minuscules canaux et, si elle est pompée, elle nécessite plus d’énergie qu’elle n’en produit. Soh, Chi Kit Ao et leurs collègues ont donc voulu produire de l’électricité en utilisant des canaux plus larges par lesquels l’eau de pluie pourrait passer.
L’équipe a conçu un dispositif simple dans lequel l’eau s’écoule par le bas d’une tour à travers une aiguille métallique et projette des gouttelettes de la taille d’une pluie dans l’ouverture d’un tube vertical en polymère de 32 centimètres de haut et de 2 millimètres de large. La collision frontale des gouttelettes au sommet du tube a provoqué un écoulement en bouchon : de courtes colonnes d’eau entrecoupées de poches d’air. Au fur et à mesure que l’eau s’écoule à l’intérieur du tube, les charges électriques se séparent. L’eau est alors recueillie dans une coupelle placée sous le tube. Des fils placés au sommet du tube et dans le gobelet récoltent l’électricité.

Le système à écoulement piston a converti en électricité plus de 10 % de l’énergie de l’eau tombant dans les tubes. Et par rapport à l’eau qui s’écoule en continu, le système « plug flow » a produit 5 ordres de grandeur d’électricité en plus. La vitesse des gouttelettes testées étant beaucoup plus lente que celle de la pluie, les chercheurs suggèrent que le système pourrait être utilisé pour récolter l’électricité des gouttes de pluie qui tombent.

Dans une autre expérience, les chercheurs ont observé que le fait de faire passer de l’eau dans deux tubes, simultanément ou successivement, produisait deux fois plus d’énergie. À partir de cette information, ils ont fait passer de l’eau dans quatre tubes, ce qui a permis d’alimenter 12 diodes électroluminescentes en continu pendant 20 secondes. Selon les chercheurs, l’énergie de l’écoulement piston pourrait être plus simple à mettre en place et à entretenir que les centrales hydroélectriques, et elle pourrait convenir aux espaces urbains tels que les toits.
Article : « Plug Flow: Generating Renewable Electricity with Water from Nature by Breaking the Limit of Debye Length » – DOI : 10.1021/acscentsci.4c02110