Les capteurs portables autonomes destinés à la surveillance médicale se heurtent souvent à une limitation technique majeure : comment distinguer des signaux simultanés sans qu’ils ne se confondent ? Une équipe internationale de chercheurs a récemment levé ce voile en explorant une propriété inédite d’un matériau bien connu, ouvrant ainsi la possibilité de mesurer avec précision des données complexes comme la température et la déformation physique. Cette innovation pourrait transformer le suivi des patients, notamment dans le cadre du traitement des plaies.
Le graphène induit par laser (LIG), un matériau bidimensionnel, est au cœur de cette avancée scientifique. Bien que son utilisation soit déjà documentée dans divers domaines tels que les détecteurs de gaz ou les supercondensateurs, ses capacités thermoelectriques viennent d’être découvertes par l’équipe dirigée par Huanyu “Larry” Cheng, professeur associé à l’université d’État de Pennsylvanie. Il souligne par conséquent l’importance de leur découverte pour la conception de dispositifs médicaux innovants : «Nous croyons que c’est la première fois que quelqu’un rapporte que le graphène induit par laser possède des capacités thermoelectriques.»
Dans leur étude, les chercheurs ont expliqué que cette propriété permet de séparer les mesures de température et de déformation physique. Le matériau convertit les différences de température en tension électrique et inversement, facilitant ainsi une distinction claire entre ces deux types de signaux. L’équipe a utilisé cette caractéristique pour développer un capteur flexible capable de fournir des informations précises sur les variations thermiques et mécaniques.
Une solution adaptée au suivi médical
La capacité du capteur à mesurer simultanément mais séparément la température et la déformation physique a été mise en avant par Huanyu Cheng : «En utilisant cet effet thermoelectrique dans le graphène induit par laser, il est possible de découpler ces deux mesures.»
L’analyse de la résistance électrique fournit des informations sur la déformation, tandis que la tension thermique permet de déterminer la température. Leur approche pourrait être particulièrement utile pour surveiller le processus de guérison des plaies.
Des variations aussi infimes que 0,5 degré Celsius sont détectables grâce à la sensibilité accrue du matériau. Sa structure poreuse, composée de minuscules espaces et canaux, lui permet d’interagir de manière extrêmement précise avec son environnement. Comparé aux matériaux thermoelectriques traditionnels, tels que ceux à base de céramique, le LIG présente l’avantage supplémentaire de pouvoir s’étirer jusqu’à 45 % tout en conservant sa fonctionnalité. Une telle flexibilité facilite son intégration dans des dispositifs portables conçus pour interagir avec les tissus humains.
Autonomie énergétique et applications multiples
Outre sa polyvalence, le capteur bénéficie d’une autre propriété remarquable : son autonomie énergétique. En effet, l’aspect thermoelectrique du LIG lui permet de générer de l’électricité à partir de différences de température. Cette caractéristique pourrait s’avérer précieuse dans des contextes cliniques nécessitant une surveillance continue, ainsi que dans des environnements isolés où la détection précoce d’incendies est essentielle.
Pour compléter leur travail, les chercheurs développent actuellement un système sans fil qui permettrait de suivre les données du capteur à distance. «Un médecin pourrait surveiller l’état d’un patient à distance, ou des secouristes pourraient recevoir des alertes concernant des changements de température dangereux,» a expliqué Huanyu Cheng. Cette évolution vise à rendre la technologie plus accessible et efficace, améliorant ainsi la sécurité et la surveillance médicale au quotidien.
Un impact potentiel sur la médecine moderne
Les implications de cette recherche vont au-delà de la simple mesure de paramètres physiques. En permettant une distinction claire entre différents types de signaux, le capteur pourrait contribuer à identifier des complications telles que l’inflammation dès leur apparition. Les professionnels de santé disposeraient alors d’une vision plus précise de l’évolution des plaies et des autres affections nécessitant un suivi rigoureux.
L’équipe de recherche a également souligné que la simplicité de production du LIG, obtenue en «écrivant» directement le graphène sur des matériaux riches en carbone à l’aide d’un laser, rend cette technologie facilement reproductible à grande échelle. Une telle accessibilité pourrait accélérer son adoption dans divers secteurs, allant de la médecine à la sécurité industrielle.
Légende illustration : Le capteur flexible, idéal pour une utilisation dans le corps humain, utilise le graphène induit par laser pour mesurer simultanément mais séparément la température et la tension, ce qui pourrait permettre un meilleur suivi de la cicatrisation des plaies en fournissant des informations plus claires sur l’inflammation et la guérison. Crédit : Jennifer M. McCann.
Article : « Thermoelectric porous laser-induced graphene-based strain-temperature decoupling and self-powered sensing » – DOI : s41467-024-55790-x