Le problème de la gestion des déchets textiles se pose avec acuité dans nos sociétés modernes. Chaque année, des millions de tonnes de vêtements usagés se retrouvent dans des décharges ou incinérateurs, gaspillant des ressources précieuses et nuisant à l’environnement. Mais une solution technologique se dessine à l’horizon. Comment transformer ces déchets en ressources ?
Les textiles usagés, souvent considérés comme des déchets, représentent un enjeu écologique majeur. Selon l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA), en 2018, environ 85% des vêtements et textiles usagés ont été envoyés vers des décharges ou des incinérateurs. La raison principale étant que le recyclage coûte plus cher que l’enfouissement, ce qui décourage les entreprises de s’engager dans cette voie.
L’Innovation de la Base de Données NIST
Pour remédier à cette situation, des chercheurs de l’Institut National des Normes et de la Technologie (NIST) ont développé une base de données unique, contenant les empreintes moléculaires de divers types de fibres textiles. Cette innovation vise à améliorer la rapidité et l’efficacité du tri des tissus dans les centres de recyclage.
«Ces données de référence permettront d’améliorer les algorithmes de tri et de libérer le potentiel d’un tri à haut débit, nécessitant moins de main-d’œuvre manuelle.» a expliqué Amanda Forster, ingénieure en recherche des matériaux au NIST. Elle a dirigé le projet du NIST centré sur la circularité des textiles en fin de vie, un processus visant à maintenir les matériaux dans l’économie. «Cela devrait réduire les coûts et augmenter l’efficacité, rendant le recyclage des textiles économiquement viable.»

Cette base de données, nommée NIR-SORT (Near-Infrared Spectra of Origin-defined and Real-world Textiles), est accessible gratuitement sur le référentiel public de données du NIST*.
La Complexité du Tri des Textiles
Le volume croissant des déchets textiles s’explique notamment par la mode rapide, un modèle économique où les entreprises produisent en masse des vêtements bon marché et tendance, rapidement jetés par les consommateurs. Les nouveaux types de textiles, les mélanges de fibres et l’étiquetage incomplet ou erroné compliquent encore plus le tri dans les centres de recyclage.
Les employés de ces centres utilisent des dispositifs portatifs qui émettent de la lumière proche infrarouge afin de déterminer la composition des tissus. Ces appareils mesurent la quantité de lumière qui traverse ou se diffuse à travers le tissu, créant ainsi un profil unique, une sorte d’empreinte digitale permettant d’identifier les types de fibres. Cette technique, connue sous le nom de spectroscopie proche infrarouge (NIR), peut également être appliquée dans des systèmes automatisés sur des tapis roulants. Cependant, ces techniques nécessitent toujours une main-d’œuvre importante.

L’Intelligence Artificielle et le Machine Learning
Au cours des dernières années, les fabricants d’équipements de recyclage ont de plus en plus recours à l’apprentissage automatique et à l’intelligence artificielle pour optimiser leurs algorithmes de tri. Pour former ces algorithmes, des données de référence de haute qualité sont indispensables.
C’est là que la base de données du NIST intervient. Elle contient 64 types de tissus différents et leurs empreintes NIR correspondantes. On y trouve des types de fibres pures comme le coton et le polyester, des mélanges comme le spandex, ainsi que des tissus provenant directement de magasins d’occasion. Les fabricants de systèmes de scanners NIR peuvent utiliser cette base de données pour entraîner et tester leurs algorithmes, améliorant ainsi la performance de leurs produits.
Katarina Goodge, chimiste de recherche au NIST qui a mené le développement de cette base de données, a précisé : «La difficulté surgit quand les fibres sont similaires, comme le coton ou le chanvre. Cela signifie que le signal proche infrarouge est similaire. Il en va de même avec un mélange de coton et de polyester. Est-ce une nouvelle fibre ou un mélange de deux ou plusieurs fibres ?»
Elle a ajouté que l’IA pourrait aider à rendre le processus de décision plus précis.
Vers une Économie Circulaire
En tant qu’institut national de mesure, le NIST dispose de l’équipement et de l’expertise nécessaires pour alimenter cette base de données avec des spectres de très haute qualité. Cela devrait réduire les erreurs dans l’identification des tissus et augmenter la quantité de textiles recyclés.
Cette recherche découle d’une initiative clé d’un rapport du NIST ( .PDF ) où des experts ont recommandé le développement de technologies améliorées pour l’identification et le tri des textiles et des vêtements. Ces efforts s’inscrivent dans le cadre du Programme d’Économie Circulaire du NIST, qui vise à développer des sciences de la mesure et des méthodes pour soutenir une économie où les matériaux conservent leur valeur grâce à une réutilisation, une réparation et un recyclage répétés, l’élimination étant l’ultime recours.
Légende illustration : Un échantillon de vêtement est analysé à l’aide d’une technique de laboratoire appelée spectroscopie dans le proche infrarouge. Cette méthode permet de mesurer la quantité de lumière qui traverse le tissu ou qui se disperse sur celui-ci, produisant ainsi un motif unique – une sorte d’empreinte digitale qui permet d’identifier les types de fibres contenues dans le vêtement. Crédit : A. Boss/NIST
* La base de données est gratuite et peut être téléchargée sur le site NIST Public Data Repository.