L’assainissement des eaux contaminées constitue un défi persistant, en particulier dans les zones urbaines où l’activité humaine génère une accumulation de métaux lourds et de composés chimiques. Alors que la pollution des cours d’eau par des substances telles que le phosphate, le cuivre et le zinc continue de croître, la recherche d’alternatives viables s’avère incontournable. Une équipe de chercheurs a récemment présenté une solution innovante qui pourrait redéfinir les approches actuelles.
Une technologie polyvalente inspirée de la nature
Les scientifiques de l’université Northwestern ont mis au point une éponge spéciale, capable de capturer divers polluants présents dans l’eau. Ce dispositif, recouvert de nanoparticules ayant une affinité pour les contaminants, peut absorber des métaux comme le cuivre et le zinc, ainsi que du phosphate. Dans ses versions précédentes, cette éponge avait déjà prouvé son efficacité pour extraire du plomb, des microplastiques et même des hydrocarbures des masses d’eau. Lorsqu’elle est exposée à des variations de pH, elle libère ensuite ces ressources précieuses, permettant leur récupération.
La conception repose sur une structure poreuse qui maximise la surface de contact avec les polluants. Cette caractéristique confère à l’éponge une capacité exceptionnelle d’adsorption, tout en conservant sa fonctionnalité après plusieurs cycles d’utilisation. Selon Vinayak Dravid, principal investigateur du projet, « la technologie peut être utilisée comme sorbant universel ou « fourre-tout », ou être adaptée à certains groupes de contaminants tels que les métaux, les plastiques ou les nutriments.» Le professeur Dravid, titulaire de la chaire Abraham Harris en science des matériaux et ingénierie, souligne ainsi la flexibilité remarquable de cette technologie.
Adaptation aux spécificités locales : un modèle pour Chicago
Dans leurs recherches, les experts ont développé une méthode pour adapter leur plateforme aux polluants spécifiques rencontrés à Chicago. Les efforts se sont concentrés sur trois substances majeures : le cuivre, le zinc et le phosphate. Ces éléments, issus principalement des rejets agricoles et industriels, posent des problèmes environnementaux significatifs. Une entreprise spécialisée dans le traitement des eaux de ruissellement, StormTrap, LLC, a sollicité l’équipe pour intégrer cette innovation à leur gamme de produits.
Un défi supplémentaire consistait à réduire la concentration des polluants à des niveaux imperceptibles. Bien que les normes fixées par l’Environmental Protection Agency (Agence pour la protection de l’environnement) soient basées sur des critères sanitaires, celles-ci demeurent souvent insuffisantes pour protéger les écosystèmes aquatiques. Ainsi, prévenir les proliférations d’algues nécessite des concentrations bien inférieures à celles tolérées pour l’eau potable.
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Un processus circulaire pour une gestion durable des ressources
Kelly Matuszewski, doctorante au sein du groupe dirigé par Dravid et auteure principale de l’étude, a exploré une méthode permettant de récupérer les ressources capturées par l’éponge. Face à l’épuisement progressif des réserves minières en phosphate et en métaux, cette étape revêt une importance particulière. « Nous ne pouvons pas continuer à jeter ces minéraux dans les toilettes », a-t-elle affirmé, ajoutant qu’il est impératif de comprendre leurs interactions et d’envisager leur réutilisation.
La scientifique a découvert qu’une diminution du pH provoque la libération des métaux de l’éponge. Une fois le cuivre et le zinc retirés, une augmentation du pH entraîne ensuite la séparation du phosphate. Après cinq cycles successifs de collecte et de relargage, aucune baisse notable de performance n’a été observée. L’eau traitée présentait des concentrations de polluants indétectables, validant ainsi l’efficacité du procédé.
Pour accélérer la transition vers des applications concrètes, Vinayak Dravid a cofondé Coral Innovations, une startup issue de Northwestern University. Cette initiative vise à introduire la technologie éponge sur le marché dans le cadre de projets de remédiation environnementale. En participant à des compétitions comme le « FoundHer Spotlight », Kelly Matuszewski espère attirer davantage d’attention sur ce travail novateur.
Légende illustration : Crédit Northwestern U.
Article : « Rinse, Recover, Repeat: pH-Assisted Selective Extraction of Phosphate and Metals with a Sponge Nanocomposite » – DOI : 10.1021/acs.energyfuels.4c02643