Le panier de Vénus, une éponge marine aux structures délicates semblables à du verre, fascine depuis longtemps les chercheurs. Comment cette créature apparemment fragile peut-elle résister aux conditions extrêmes des profondeurs marines ? Une nouvelle étude révèle une autre prouesse de cette structure ancienne : sa capacité à se nourrir en filtrant l’eau grâce aux courants ambiants faibles des profondeurs océaniques, sans nécessiter de pompage.
Des chercheurs internationaux, dirigés par l’Université de Rome Tor Vergata et l’École d’ingénierie de NYU Tandon, ont découvert que l’éponge panier de Vénus (Euplectella aspergillum) utilise une méthode naturelle de contrôle du flux sans énergie. Cette découverte pourrait inspirer la conception de réacteurs chimiques plus efficaces, de systèmes de purification de l’air, d’échangeurs de chaleur, de systèmes hydrauliques et de surfaces aérodynamiques.
L’équipe a utilisé des simulations informatiques à très haute résolution pour montrer comment la structure squelettique de l’éponge détourne les courants lents des profondeurs marines vers sa cavité centrale, lui permettant de se nourrir de plancton et d’autres débris marins qu’elle filtre de l’eau.
Un mécanisme ingénieux
L’éponge réalise cette prouesse grâce à sa surface extérieure en spirale et crénelée, qui fonctionne comme un escalier en colimaçon. Cela lui permet d’attirer passivement l’eau vers le haut à travers son cadre poreux et en treillis, sans les exigences énergétiques du pompage.
«Notre recherche résout un débat qui a émergé ces dernières années : l’éponge panier de Vénus peut attirer des nutriments passivement, sans aucun mécanisme de pompage actif,» a précisé Maurizio Porfiri, professeur à l’Institut NYU Tandon.
À des vitesses de flux plus élevées, la structure en treillis aide à réduire la traînée sur l’organisme. Mais c’est dans le calme presque total des fonds océaniques que ce système de ventilation naturelle est le plus remarquable, démontrant à quel point l’éponge s’adapte à son environnement rigoureux. L’étude a révélé que la capacité de l’éponge à attirer passivement de la nourriture ne fonctionne qu’à des vitesses de courant très lentes – seulement quelques centimètres par seconde – de son habitat.

«D’un point de vue ingénierie, le système squelettique de l’éponge montre des adaptations remarquables à son environnement, non seulement du point de vue structurel, mais aussi en ce qui concerne ses performances en dynamique des fluides,» a ajouté Giacomo Falcucci de l’Université de Rome Tor Vergata et de l’Université Harvard.
Simulations avancées
Les chercheurs ont utilisé le superordinateur Leonardo au CINECA, un centre de supercalcul en Italie, pour créer une réplique 3D très réaliste de l’éponge, contenant environ 100 milliards de points individuels recréant la structure complexe de la crête hélicoïdale de l’éponge. Ce «jumeau numérique» permet des expérimentations impossibles sur des éponges vivantes, qui ne peuvent survivre en dehors de leur environnement des profondeurs marines.
L’équipe a réalisé des simulations très détaillées du flux d’eau autour et à l’intérieur du modèle informatique du squelette de l’éponge panier de Vénus. Grâce à la puissance de calcul massive de Leonardo, permettant des quadrillions de calculs par seconde, ils ont pu simuler une large gamme de vitesses et de conditions de flux d’eau.
Les chercheurs affirment que les idées d’ingénierie biomimétique qu’ils ont découvertes pourraient aider à guider la conception de réacteurs plus efficaces en optimisant les schémas de flux à l’intérieur tout en minimisant la traînée à l’extérieur.
Des surfaces crénelées et poreuses similaires pourraient améliorer les systèmes de filtration et de ventilation de l’air dans les gratte-ciel et autres structures. Les crêtes hélicoïdales asymétriques pourraient même inspirer des coques ou des fuselages à faible traînée qui restent aérodynamiques tout en favorisant les flux d’air intérieurs.
En synthèse
Cette étude approfondie sur l’éponge panier de Vénus met en lumière des adaptations naturelles fascinantes qui pourraient révolutionner divers domaines de l’ingénierie. En comprenant comment cette éponge utilise des mécanismes passifs pour se nourrir et survivre dans des conditions extrêmes, les chercheurs ouvrent la voie à des innovations technologiques inspirées par la nature.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que l’éponge panier de Vénus ?
L’éponge panier de Vénus (Euplectella aspergillum) est une éponge marine connue pour sa structure squelettique délicate et semblable à du verre, qui lui permet de survivre dans les profondeurs océaniques.
Comment l’éponge se nourrit-elle ?
Elle utilise une méthode passive pour attirer l’eau et les nutriments grâce à sa surface extérieure en spirale, sans nécessiter de pompage actif.
Quels sont les avantages de cette découverte pour l’ingénierie ?
Les adaptations de l’éponge pourraient inspirer la conception de réacteurs chimiques, de systèmes de purification de l’air, d’échangeurs de chaleur et d’autres technologies en optimisant les schémas de flux et en minimisant la traînée.
Quels outils ont été utilisés pour cette recherche ?
Les chercheurs ont utilisé le superordinateur Leonardo pour créer une réplique 3D de l’éponge et réaliser des simulations détaillées du flux d’eau.
Quelles sont les prochaines étapes de cette recherche ?
Les chercheurs continueront d’explorer les applications potentielles des découvertes biomimétiques pour améliorer diverses technologies d’ingénierie.
Références
Légende illustration : Photographie d’un groupe d’une douzaine d’éponges « panier de fleurs de Vénus » dans leur habitat naturel, le fond de l’océan. Crédit : National Oceanic and Atmospheric Administration
Article : « Adapting to the Abyss: Passive Ventilation in the Deep-Sea Glass Sponge Euplectella aspergillum » – DOI: 10.1103/PhysRevLett.132.208402