Les progrès technologiques dans le domaine des sources d’énergie miniaturisées élargissent le champ des possibilités pour l’alimentation de dispositifs à long terme. Les micro-batteries nucléaires, exploitant la désintégration radioactive, se positionnent comme une solution innovante pour répondre aux besoins énergétiques spécifiques de certaines applications.
Les micro-batteries nucléaires utilisent l’énergie de désintégration radioactive des radioisotopes pour produire de l’électricité à petite échelle. Leur puissance se mesure généralement en nanowatts ou microwatts. La durée de vie d’une micro-batterie nucléaire est déterminée par la demi-vie du radioisotope utilisé, contrairement aux batteries chimiques traditionnelles.
Un avantage majeur de cette technologie réside dans sa capacité à fonctionner pendant plusieurs décennies. Le processus de désintégration radioactive n’est pas influencé par les facteurs environnementaux tels que la température, la pression ou les champs magnétiques. Les micro-batteries nucléaires s’adaptent particulièrement aux situations où le remplacement des batteries conventionnelles s’avère difficile ou impossible.
Les défis de la conversion d’énergie alpha
Les isotopes d’américium (241Am et 243Am) sont couramment utilisés dans ces dispositifs. Ils émettent des particules alpha lors de leur désintégration et possèdent des demi-vies supérieures à plusieurs centaines d’années. Cependant, les architectures traditionnelles des micro-batteries nucléaires sont confrontées à un problème majeur : l’auto-absorption importante des particules alpha.
L’efficacité de la conversion de l’énergie de désintégration alpha en électricité est considérablement limitée par ce phénomène. Le développement de micro-batteries nucléaires utilisant des émetteurs alpha a longtemps été freiné par ces contraintes techniques.
Une nouvelle architecture pour améliorer l’efficacité
Une nouvelle architecture de micro-batterie nucléaire intégrant un transducteur d’énergie coalescent a été proposée par une équipe de physiciens et d’ingénieurs regroupant plusieurs organismes en Chine. Leurs travaux publiés dans Nature* consiste à incorporer l’isotope 243Am dans un polymère de coordination lanthanide luminescent. Les radioisotopes sont couplés avec les transducteurs d’énergie au niveau moléculaire.
Les résultats obtenus sont impressionnants. Les chercheurs impliqués dans l’étude ont constaté une amélioration de l’efficacité de conversion de l’énergie de désintégration alpha en auto-luminescence soutenue multipliée par 8 000 par rapport aux architectures conventionnelles. Cette augmentation significative de l’efficacité élargit les perspectives pour l’utilisation pratique des micro-batteries nucléaires.
Une nouvelle génération de microbatteries radiophotovoltaïques
L’équipe de recherche a franchi une étape supplémentaire en combinant cette nouvelle architecture avec une cellule photovoltaïque. L’auto-luminescence générée est convertie en électricité par cette dernière. Une micro-batterie nucléaire radiophotovoltaïque d’un nouveau type a ainsi été créée.
Les performances de ce dispositif sont remarquables. Une efficacité totale de conversion d’énergie de 0,889% a été rapportée par les chercheurs. De plus, la puissance par activité atteint 139 microwatts par curie (μW Ci−1). Ces chiffres représentent une amélioration significative par rapport aux technologies précédentes et laissent entrevoir de nombreuses applications potentielles.

Cette innovation dans le domaine des microbatteries nucléaires pourrait avoir un impact considérable sur divers secteurs technologiques. Les dispositifs nécessitant une alimentation électrique fiable et durable sur de longues périodes comme les capteurs autonomes, les implants médicaux ou les sondes spatiales, pourraient bénéficier de cette avancée.
Pour une meilleure compréhension
Le radiophotovoltaïque nucléaire est une technologie de batterie qui convertit l’énergie nucléaire en électricité en deux étapes. Premièrement, les particules radioactives émises par un isotope sont transformées en lumière par un matériau radioluminescent. Ensuite, cette lumière est convertie en électricité par une cellule photovoltaïque, similaire à une cellule solaire.
Les avantages majeurs de cette technologie incluent une durée de vie très longue, pouvant atteindre plusieurs décennies, grâce à la lente désintégration des isotopes. Elle offre également une production d’électricité constante et fiable, indépendante des conditions extérieures. De plus, elle peut utiliser différents types de rayonnements (alpha, bêta, gamma), ce qui la rend versatile.
Les principales limitations du radiophotovoltaïque nucléaire sont son rendement énergétique généralement plus faible comparé à la conversion directe de l’énergie nucléaire en électricité. De plus, le matériau radioluminescent utilisé se dégrade progressivement au fil du temps, ce qui peut affecter l’efficacité à long terme du dispositif.
Cette technologie présente un potentiel intéressant pour diverses applications, notamment :
– L’alimentation de dispositifs médicaux implantables, comme les pacemakers
– Les capteurs et équipements dans des environnements difficiles d’accès
– Les sondes spatiales et instruments de recherche en milieux extrêmes
Ces applications bénéficieraient de la longue durée de vie et de la fiabilité offertes par cette technologie.
La recherche dans ce domaine se poursuit activement, visant à améliorer l’efficacité globale de la technologie. Les efforts se concentrent notamment sur l’optimisation des matériaux radioluminescents et des cellules photovoltaïques. L’objectif est d’augmenter le rendement énergétique et de réduire la dégradation des matériaux au fil du temps. Ces avancées pourraient ouvrir la voie à de nouvelles applications et rendre cette technologie plus compétitive dans le futur.
Lexique :
Radioisotope : Un radioisotope est un isotope instable d’un élément chimique qui émet spontanément des rayonnements ionisants lors de sa désintégration radioactive. Ces isotopes radioactifs sont caractérisés par un noyau atomique instable qui se transforme naturellement en émettant des particules ou de l’énergie sous forme de rayonnement. Les radioisotopes sont utilisés dans divers domaines comme la médecine nucléaire, la recherche scientifique et l’industrie.
Américium : L’américium est un élément chimique radioactif artificiel, de symbole Am et de numéro atomique 95. C’est un métal appartenant à la série des actinides, produit principalement dans les réacteurs nucléaires par capture neutronique à partir du plutonium. Il présente un intérêt particulier dans le domaine du traitement des déchets nucléaires et de la recherche sur le cycle du combustible nucléaire
* Article : « Micronuclear battery based on a coalescent energy transducer » Nature (2024). DOI: 10.1038/s41586-024-07933-9